Chapitre 3

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En me levant ce matin, j'ai remarqué pour la première fois depuis plusieurs années que j'étais étonnement épuisée. Je n'y ai pas prêté attention, je n'en ai pas parlé à mes parents. Je me suis contentée de déjeuner et de me préparer pour l'école comme d'habitude.
Les premiers cours qui passent sont assez simple, mais le dernier avant la pause de midi est encore maths. Je me demande quand même pourquoi j'ai pris cette option alors que je déteste vraiment cette matière depuis longtemps. La sonnerie retentit, pour moi elle est comme une délivrance. Je sors de la prison en soupirant de soulagemment et me dirige avec Tessa et Émily en direction de la cantine. Je prend un plateau au hasard, et mange sans vraiment avoir faim, pensant à ce que j'ai écrit hier dans mon journal. Une voix un peu enfantine me ramène à la réalité.

- Sasha ! Écoute moi ! Se plaint Émily en gesticulant sur sa chaise.

- Tu disais ? Dis je en réprimant un sourire moqueur.

Elle se penche vers moi pour me chuchoter à l'oreille.

- Tu pourrais mettre ça dans le casier d'Antoine ? Murmure elle en me donnant une lettre.

Mon étonnement laisse place à un sourire. La lettre que mon amie m'a fait passer est une lettre pliée avec soin, peut être même parfumée. Ce n'est pas du tout le genre de la blonde a côté de moi que de soigner ses "courriers". Je devine facilement grâce au nom cité, ce que contient cette enveloppe.

- Ça y est ? Tu as enfin décidé de lui avouer tout ? Dis en lui secouant le bras comme une hystérique.

Elle rougit un peu et hoche sa tête. Me dire qu'elle ose faire ça est bizarre. Ça fait trois ans qu'elle a sympathisé avec Antoine Wetfox, un élève qui était dans notre classe en troisième. Trois ans qu'elle l'observe "discrètement", si on peut dire ça de ses regards longs sur sa cible.
Minute... "TU" pourrais mettre ça dans le casier d'Antoine ?! Et moi qui me disais "qu'ELLE" osait enfin faire ça ! Elle veut me refiler le sale boulot !
Je lui lance un regard noir en tournant ma tête vers elle doucement.

- Émily... C'est moi ou tu m'as demandé de mettre cette lettre dans son casier à ta place ?

Elle me fait des yeux suppliant.

- S'il te plaît, je n'oserai jamais faire ça, moi !

- Mais c'est toi qui l'a ecrit, donc c'est à toi de le faire.

Tessa acquiesce de l'autre côté de la table, apparemment d'accord avec moi.

- S'il te plaît Sasha ! Je t'en supplie à genoux.

Et avec une exagération digne d'une actrice hollywoodienne, elle fait mine de descendre de sa chaise. Je lui attrape le bras, un peu génée par les regards des autres élèves de la salle.

- C'est bon ! Relève toi je vais le faire ! Je lui chuchote, un peu paniquée.

Elle se relève, stoppant immédiatement son action, et se jette sur moi.

- Merci ! Je savais que tu le ferais.

Je réprime mon irritation.
Quelque chose me dit que cette phrase est humiliante...
Je met donc son enveloppe dans mon sac en grommelant quelque chose comme quoi elle "ne savait rien du tout, oui" et me lève pour accomplir la mission dont elle m'a chargée. Je jette un coup d'oeil en arrière en me dirigeant vers les casiers et repère une tête blonde qui me fait un sourire désolé en levant les deux pouces en l'air.
Très discrète...
Je sais déjà quel est le casier du dénommé Antoine, Émily nous l'a déjà montré plusieurs fois, le regardant comme si c'était un objet magnifique.
Je m'en approche, repère la petite fente qui sert à... Quoi en fait ? Je n'ai jamais compris ce que c'était. Enfin bref, je fais rapidement passer la lettre dedans et retourne à notre table en fuyant presque ces casiers. Je m'affale sur mon siège en soupirant puis jette un regard noir à Émily.

- Je ne referai plus jamais ça, même pour toi tu as compris ? La prochaine fois tu te débrouille toute seule.

Ramenant ses cheveux en arrière dans un geste se voulant gracieux, mais qui fait plus cours de théâtre loupé, elle me fait un sourire faussement hautain. Je remarque pour la première fois de la journée ses efforts vestimentaires. Elle s'est habillée d'une robe bleue claire s'accordant avec ses yeux et s'est un peu maquillée, ce qui n'est pas dans ses habitudes. Bien qu'elle soit un peu enveloppée, Émily à un visage doux et rieur qui la rend assez jolie.

- Qui te dit qu'il y aura une prochaine fois ? Je m'apprête à couler des jours heureux avec Antoine.

Je me crispe un peu. Si elle pense que c'est déjà bon, elle risque d'être très déçue si le concerné n'est pas du même avis. D'ailleurs, je vois que la silhouette qui arrive au bout du couloir, l'air préoccupée et la fameuse lettre en main. Tout ça ne me dit rien de bon.

- Il arrive. Je siffle.

Elle se lève, et je les observe parler. A la mine sérieuse du garçon, je devine avec tristesse que la réponse doit être négative. Au bout de quelques minutes, je vois une Émily un peu blême revenir vers nous. Tessa ne bouge pas, elle reste avec sa mine stone normale. Je ne dis rien, il n'y a pas besoin de commenter sur ce qu'il vient de se passer. Quand nous rentrons chez nous, nous nous disons à peine au revoir. Il y a une sorte de gêne entre moi et elle, qui nous sépare un peu. Peut être que j'aurais du parler, que j'aurais du la consoler. Peut être que j'ai pris la bonne décision.
Personne ne peut répondre à cette question. Ce qui est fait est fait. Terminé.

Je ne traîne pas sur le chemin du retour, je rentre directement chez moi. Je constate avec surprise que ma mère est déjà rentrée du travail et qu'elle est assise à table, avec une fiche dans les mains. Après avoir posé mon manteau et mon sac dans ma chambre, je redescend pour lui dire bonjour.

- Salut maman. Tu rentre tôt du travail aujourd'hui.

Je lui fait la bise avant de remarquer son expression tendue.

- Nous devons aller à l'hôpital vendredi.

Je me crispe. Je n'aime pas le regard de mes parents quand ils me parlent du traitement. Ont dirait que ce qu'ils pensent vraiment est que ça ne servira à rien, que leur fille est de toute façon déjà terminée.

- Demain ? Tu sais que je vais chez Émily avec Tessa samedi.

- Tu aura pu te reposer à l'hôpital d'ici la, ne t'inquiète pas. Le traitement ne sera vraiment pas fort.

Je soupire de soulagemment. Mes deux amies ne sont pas au courant de ma maladie, c'est mieux comme ça. J'aurai trop peur de tout briser entre nous et qu'elles me prennent en pitié après leur avoir dit.

Je décide d'aller prendre un bain pour me calmer, je prend une serviette et entre dans la salle de bain avant de me déshabiller et d'allumer l'eau. Avant d'entrer dans la baignoire, je m'observe dans le miroir. Je suis petite, pas naine non plus, juste normale. Je suis maigre, on voit mes côtes, la maladie ne me réussi pas trop. Mes cheveux sont châtain clair et assez longs, un peu ternes depuis quelques temps. Je porte des lunettes qui cachent un peu mes yeux bruns, comme beaucoup de gens, et j'ai quelques tâches de rousseur sur les joues. Mon bras droit porte une longue cicatrice, trace d'une fracture faite à mes neuf ans avec mes deux cousins mon frère et moi, et une histoire de toboggan et de lave en dessous qui avait mal finit.
Je décide de sortir de ma contemplation et d'entrer dans le bain dont l'eau va bientôt être assez haute. Je me glisse dans la baignoire et ferme les yeux, oubliant un peu les problèmes.

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