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  Le mois est passé dans une épaisse brume assommante.

C'est un mardi que je t'ai retrouvé. Tu faisais tes courses et tu avais cette tête sérieuse en choisissant tes trucs.

Te voir apparaître là, d'un coup, ça m'a stoppé net. Alors j'ai laissé tomber les boîtes de conserve que je tenais et, sans même le remarquer, je me suis approché de toi.

– Excuse-moi...

Tu t'es retourné et as planté tes yeux acier sur moi. Ils avaient quelque chose de tendre sur ce visage contrarié, quelque chose qui m'a bouleversé. Ce regard noisette que tu présentais était le prélude d'une profonde chaleur.

– Halaïk... C'est toi le chanteur ? t'ai-je demandé.

Ton expression a changé pour laisser apparaître celle que j'avais entrevue au concert. Celle que je cherchais à revoir.

– Ouais, c'est moi.

Ouais, c'était toi. Tu paraissais tellement furtif, presque sauvage, tu semblais prêt à t'évaporer au moindre coup de vent. Ta voix résonnait rauque à mes oreilles et ce doux son m'enivrait.

– Tu sais, ai-je dit d'un ton un peu hasardeux, c'était vraiment génial, votre concert au bar, la dernière fois.

Tu as affiché un sourire en passant une nouvelle fois en revue les magazines de musique avant de me lancer un regard amusé.

– Merci.

Nous avons échangé quelques paroles sans importance et je t'ai demandé la date de votre prochain concert. Alors tu m'as répondu que vous ne comptiez pas rester dans cette ville et que bientôt, vous alliez partir ailleurs, seulement, mon cœur est tombé.

Je t'avais cherché depuis tout ce temps, mais tu allais me glisser entre les doigts et j'étais tellement impuissant. Alors tu m'as accordé un semblant de regard désolé avant de prendre la route en me lançant un vague :

– À plus.

D'un coup de poing furieux, après que tu sois parti, j'ai renversé l'établi de magazines et me suis enfui comme un connard sans rien ramasser.

Sur la retour, je croyais t'apercevoir à chaque coin de rue, t'avançant vers moi en me disant : "Tu rigoles, bien sûr que je reviendrais à nouveau faire trembler les murs de la ville et que je ferais s'écrouler les montagnes de rien que tu te construis dans ta tête."

Mais rien de tout ça ne s'est produit, seulement le vent qui me frappait le visage en me renvoyant ma solitude par tempête.

Redorer l'étoile du SolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant