En cette première moitié du vingt quatrième siècle, Mars, planète sœur de la Terre, a été colonisée depuis près de deux cents ans. Suite à la formation de la Confédération Terrienne et à l'élaboration de lois planétaires dans l'optique de préserver la biosphère, toute industrie dont l'activité dépasse un certain seuil de pollution a été bannie dans l'espace. Le développement de la génétique, de la médecine et de tout ce qui touche au corps humain lui-même est devenu aussi très réglementé. Les accidents, les dérives et les hackages de cybercerveaux ainsi que de puces électroniques directement implantées dans le cortex cérébral ont forcé les comités de bioéthique à sévèrement encadrer ce secteur du transhumanisme.
Ces contraintes réglementaires ont grandement bénéficié à la planète rouge. Les entreprises terriennes ont investi massivement dans le développement de la colonie où les règles qui s'y appliquent sont bien moins contraignantes. La ceinture d'astéroïdes, située entre Mars et Jupiter, permet d'accéder à une source intarissable de matières premières.
Par millions, des travailleurs pauvres de la Terre ont émigré vers les cité-dômes. Les grands groupes industriels leur ont promis monts et merveilles. Mais à présent, la plupart ne peuvent même plus se payer leur billet de retour. Ces masses d'individus vivent désormais dans les bas-fonds et les souterrains des villes martiennes. Pour les compagnies, ils représentent une main d'œuvre bon marché et remplaçable utilisée dans la construction des complexes, des centres de recherche, des laboratoires, des champs de culture robotiques souterrains et des réseaux de transport. Seuls les plus riches demeurent à la surface, profitant d'un Soleil authentique dont les rayons passent à travers les dômes, et accèdent à de nombreux parcs et centres de loisir.
Du haut de ses deux mètres trente, une taille moyenne pour une martienne, Titania Andromède contemple la façade en permabéton du commissariat du secteur souterrain numéros 24 de la cité de Borealis. Tout juste sortie d'une école de police à la surface, la jeune femme de vingt trois ans est issue d'une riche famille. Malgré l'insistance de ses parents, elle n'a jamais voulu rejoindre les forces de sécurité privées engagées par les différentes compagnies de la planète. Bercée durant toute son enfance et son adolescence par les holos d'enquêtes terriens et les romans, Andromède a très vite développé un fort attrait pour l'uniforme. Sur Mars, seules la police et une petite partie de l'administration sont gérées par la Confédération Terrienne. Le Conseil des Six, l'organe exécutif du régime de la Terre, nomme le gouverneur de la planète rouge. En dehors de cela, la plupart des services sont assurés par les entreprises. D'ailleurs, on dit souvent que sur Mars, il n'y a pas de lois, seulement une police.
Titania s'engage dans le hall avant de prendre l'ascenseur. Elle semble un peu nerveuse pour sa première affectation. D'après son ordinateur portable quantique (O.P.Q.), elle doit se présenter au bureau de Yamamoto, sa supérieure hiérarchique, au quatrième étage. La jeune femme profite de ce petit répit pour remettre ses magnifiques cheveux blonds en place. En dépit de sa structure osseuse allongée et de sa silhouette très affinée, Andromède ferait même se retourner un terrien à son passage. Ses yeux d'un bleu azur profond, son nez fin s'accordant parfaitement avec son visage, ses pommettes légèrement rosées et son sourire séduisent la plupart de ses interlocuteurs masculins. Contrairement à la Terre, l'eugénisme génétique est chose courante sur Mars. Du moins, pour ceux qui en ont les moyens...
Au bout d'une minute, la martienne se retrouve face à l'imposante porte de la directrice. Son rythme cardiaque s'accélère. Elle fait une pause et souffle un bon coup avant de passer la paume de sa main droite sur le senseur d'identification de l'entrée pour signaler sa présence. Rapidement, la large porte s'ouvre dans un léger grincement mécanique. Titania prend son courage à deux mains et entre. Elle a l'impression de pénétrer dans un coffre fort. La pièce est spartiate. On y trouve un bureau interactif avec, de part et d'autre, deux plantes d'intérieur. Sur le mur, un unique écran affiche en temps réel les affaires en cours dont s'occupe le commissariat et les agents qui y sont assignés. Assise dans son siège rembourré, Yamamoto accueille sa nouvelle employée avec un large sourire. La jeune femme se détend un peu.
VOUS LISEZ
Péripéties Martiennes
Science FictionLa mort d'un têtard peut avoir de tragiques conséquences. Prenez la Grenouille, par exemple. Elle risque fort de s'énerver ! La Souris fera certainement la sourde oreille face à sa colère et pourrait bien le regretter... Le Corbeau, quant à lui, res...