Chapitre 4

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Alberto

Mes yeux ne quittent pas sa silhouette magnifique. Je la regarde s'éloigner avec celui qui semble être son fiancé. Je ne parle pas français, ni anglais, mais je comprends quelques mots. Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'après son départ, bien qu'elle soit devenue presque bilingue en une semaine, j'avais commencé à apprendre sa langue. Les parents de Rafe sont profs de français, tous les deux. Et Maria Teresa m'avait donné quelques bases.

Je tire sur ma cigarette nerveusement. J'essaie de m'arrêter, et aujourd'hui, je n'avais pas encore fumé. Mais je ne peux pas tenir plus longtemps. J'en ai besoin. Elle est magnifique. Comme dans mes souvenirs. Ses cheveux sont plus courts et arborent une teinte plus claire. Quand je l'ai connue, elle les avait rouge cuivré. Ils contrastaient avec ses yeux presque noirs et pourtant tellement expressifs.

Rafe et moi, nous devions aller chercher de la viande et de la charcuterie pendant qu'Adrian achetait les fruits et légumes pour la semaine. On l'a retrouvé au stand de Federico, le plus beau stand de fruits et légumes du mercado. Clairement, on dirait un tableau de taches de couleurs. Adrian s'est retourné pour nous « présenter » cette fille. Mais il m'a suffi de plonger dans ce regard une nano seconde pour la reconnaître, malgré les treize années où nous ne nous sommes pas vus. Au début, après son départ, nous avons longtemps chatté sur internet. Elle était douce dans ses paroles, elle parlait ma langue, alors que la seule chose que je savais dire (et c'était Pauline qui m'avait conseillé de le lui dire !), c'était « T'as de beaux yeux, tu sais ». Je lui envoyais des chansons, en espérant qu'elle décrypte les paroles et le sens qu'elles cachaient. Et jamais elle ne s'est trompée.

– Je savais que tu serais ici, m'interpelle Adrian, en posant sa main sur mon épaule. Ça va ?

– Ouais ça va. C'est juste...

– On sait, finit Rafe, on sait... Mais on va se faire une journée entre mecs et oublier tout ça !

– Oublier tout ça... je murmure après lui.

– Aller mon pote, on a tout ce qu'il nous faut, on y va. Au fait, on lui a dit que tu avais certainement eu une urgence avec la caserne, me dit Adrian.

– Merci les gars.

On rentre chez les parents de Rafe. Ils ont une piscine, et la maison est vide. Le top pour un barbecue entre mecs ! On décharge le coffre de la voiture, plein de bières, de charcuterie, d'olives, de quoi faire des tapas en tout genre. Adrian s'est mis à la cuisine quand il sortait avec Paulina, son ex. C'est qu'il n'est pas mauvais en plus, le mec ! Le soleil est haut, et il est déjà quatorze heures. Je suis installé au bord de la piscine, les pieds dans l'eau, en short uniquement. Rafe vient me rejoindre et me tend une Corona bien fraîche, presque frappée.

– Tu veux en parler ? me demande-t-il.

– Je sais pas quoi en penser à vrai dire.

Je repars dans mes souvenirs quelques instants.

Je lui avais promis d'essayer de venir, mais je n'étais pas sûr que mes parents me laissent sortir ce soir. Ils étaient en plein divorce et franchement, ils s'amusent à me faire chier pour se décharger de leur colère. Adrian est passé me récupérer au passage.

– Aller, mon pote, on y va !

– Je sais...

On a pris le métro jusqu'à Abastos, le point de départ de son bus. Jamais jusqu'à présent je n'avais ressenti de telles choses. Tout est allé super vite. On s'est rencontré un mercredi, et dès le jeudi, elle parlait avec Rafe, en français, et avec Adrian, en anglais. J'ai rapidement été largué mais elle a fait un effort. Et on a pu communiquer rapidement. Quand elle ne trouvait pas ses mots, mes potes l'aidaient. Les soirs, on se retrouvait entre correspondants. Mais finalement, un petit groupe s'est formé. La fois où sa corres l'avait « abandonnée » au bar avec nous, pour aller téléphoner à son fiancé qui vivait à Madrid, elle n'était pas rassurée, mais elle semblait calme. Simplement, ses yeux ont trahi son appréhension. Je lui ai pris la main et ne l'ai pas lâchée de la soirée. Et toute la semaine, ça a été ainsi. Si seulement elle avait su...

C'était écritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant