Péripéties Martiennes

Chapitre VI : Rencontres

- C'étaient eux ?, demande la jeune martienne.

- Oui, lui répond le quinquagénaire. Et ils étaient faibles. Très mal en point. Le frère de Kira avait respiré une quantité critique de ce gaz mortel. Sa sœur aussi mais dans une proportion beaucoup moins importante. Certains des organes de ce pauvre garçon commençaient déjà à se décomposer. Il avait le teint livide, proche de celui d'un cadavre. Son pouls était très irrégulier... plusieurs de ses nerfs et sa moelle épinière se faisaient déjà attaquer par les composés chimiques.

Charles fait une pause. Il regarde le plafond uniformément blanc de sa chambre. Restant silencieux, il jette un coup d'œil rapide à travers l'unique fenêtre de la pièce. A l'extérieur, la nuit artificielle bat son plein. On n'y voit rien de probant mis à part une vague lueur bleutée. Le terrien soupire.

- Le frère de Kira porte encore aujourd'hui les stigmates de cette attaque, finit par continuer l'inspecteur. Ses jambes ne lui répondent plus. Plusieurs cancers et tumeurs se sont déclarés dans son corps fragile. Il est également atteint de leucémie aiguë. C'est vraiment un miracle qu'il ait pu survivre jusqu'à aujourd'hui.

Le visage de Titania se décompose. Jamais, lorsqu'elle vivait à la surface, elle n'avait entendu de telles histoires relatives à la Guerre des Six Mois. Le silence envahit la chambre. Patiemment, elle attend que son coéquipier poursuit son récit, ce qu'il fait au bout d'un petit moment.

- Vous savez, mademoiselle Andromède, toutes ces maladies peuvent être guéries à notre époque. Mais nous sommes sur Mars. Les traitements et les opérations nécessaires à son rétablissement total coûtent plus de huit cent milles crédits. Huit cent milles crédits ! Et encore, c'est au bas mot. Qui peut avoir une somme pareille ici ? Alors, Kira fait au mieux. Pour stabiliser les maladies de son frère, un traitement de près de trois milles crédits par mois est nécessaire.

- Trois milles ?, réplique la jeune martienne. Mais alors...

- Oui, c'est pour ça qu'elle se prostitue. J'essaie tant bien que mal de les aider en leur envoyant quelques sous de mon propre salaire mais c'est très loin d'être suffisant. Nous sommes dans les souterrains. Des histoires comme celle que je viens de vous raconter, il en existe à la pelle.

Andromède baisse les yeux vers le sol. Non, elle ne peut pas se remettre à pleurer devant lui. Pas une nouvelle fois. Reprenant courage, elle tourne sa tête en direction du terrien. Ce dernier a le regard perdu à travers la fenêtre. Il est encore très fatigué. La jeune martienne n'hésite pas.

- Bien, fait la policière. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, Charles. Je pense que vous devez vous reposer pour nous revenir en pleine forme d'ici quelques jours. Je préviendrai le personnel médical de votre réveil.

- Merci Titania, lui répond le quinquagénaire d'une voix laconique. Mais je pense que l'on se verra plus vite que vous ne le pensez.

La jeune policière le regarde droit dans les yeux.

- Ne faites pas de folies, Charles. Je repasserai vous voir demain. Reposez-vous bien.

Le terrien ne dit rien, se contentant d'effectuer un petit signe de la tête. Au bout d'un petit moment, Titania finit par sortir de la chambre. La porte automatique se referme derrière elle sans un bruit.