Chapitre II

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  Le regard brumeux, la vision trouble, Alaric avait du mal à distinguer le réel, du fruit de son imagination. D'un côté, il percevait de minuscules morceaux de verre, brisés, reflétant le soleil, qui perçait à travers de fins rideaux. De l'autre, il discernait, avec difficulté, une silhouette élancée, aux courbes fines et délicates, sans doute celle d'une femme.
  Dans un piètre effort, le jeune homme tenta de se redresser, avec la plus grande des maladresses. Le coupant dans son élan, une main se posa sur son épaule, le maintenant allongé avec douceur, sur le canapé couleur écarlate, dans lequel il était prostré depuis des heures.
- "Louise ? " susurra-t-il avec difficulté.
  Son halène dégageait une forte odeur d'alcool, les mots s'en retrouvaient noyés. Ces derniers étaient marmonnés d'une voix engourdie.
- "Je te retrouve ivre encore une fois, affalé dans ce canapé, et je te mets à la porte, compris ?"
  Le ton employé par la jeune femme se faisait dur, raisonnant tel une menace proférée avec véhémence. Cependant, son ton détonait étrangement avec son expression calme, et aimante, ainsi que le sourire éclatant qui naissait sur son visage, aux rondeurs enfantines. Elle riait, à gorge déployée, devant le regard courroucé de son ami.
- "Très drôle, dis moi", rétorqua-t-il exaspéré.
- "Je te laisse squatter mon canapé, depuis à présent, six mois. J'ai décidé, qu'il était temps de te reprendre en main. Plus de beuverie jusqu'au petit matin, plus de ce cancer non plus", déclara-t-elle avec un frisson de dégoût, en désignant un paquet de cigarettes, qui demeurait à moitié vide sur la table basse du salon.
  Alaric la fixait avec cet air étrange qu'il avait l'habitude d'endosser, lorsqu'il trouvait quelque chose de ridicule, comme si un énorme bouton velu, venait d'apparaître sur le bout du nez de la jeune femme.
- "Arrête de prendre cet air !" s'écria-t-elle. "Tu ne vas pas rester dans cet état pitoyable, à cause d'une petite bourge, qui t'a manipulé pendant deux mois. Alors lève tes fesses de ce canapé, et trouve toi un satané travail."
- "Tu sais, Louise, je m'en suis remis depuis déjà bien longtemps d'elle", l'informa-t-il.
  Un air surpris, Louise resta bouche bée quelques secondes, avant de se ressaisir, et de s'enquérir auprès de son ami :
- "Alors que fais-tu, les fesses collées à ce canapé encore ?"
- "J'attends, tout simplement. J'attends que tu me vires de ton appartement, que tu te rendes compte que je suis une cause perdue, que tu me détestes à cause du désordre que je ramène sans arrêt chez toi. Mais tu ne le fais jamais, tu es si patiente avec moi. Et je suis un idiot, un idiot qui est tombé fou amoureux de sa meilleure amie, et qui gâche tout, avant que quoi que ce soit n'ait commencé."
  Prise de court, Louise ne sut que rétorquer. Elle, qui avait été là, accompagnant son ami dans le deuil de sa rupture amoureuse, se contentant de refouler ses sentiments, qui existaient depuis si longtemps déjà. À présent, ce qu'elle souhaitait, depuis ce qui lui semblait être une éternité, était à une portée de doigt. Il lui suffisait de se pencher délicatement, et elle pourrait enfin assouvir ses désirs. Cependant, Louise n'était pas ce genre de personne, alors elle se contenta de murmura d'une voix chaude et délicate :
- "Tu sais le mystérieux inconnu que je prétends fréquenter, pour ne pas paraître pour une pauvre fille ? Et bien, il n'existe pas."
  Alaric sourit devant cette révélation, car au fond de lui, il savait que cette histoire du petit ami idéal n'était qu'un tissu de mensonges. Soudainement, il franchit les quelques centimètres qui les séparaient, et posa délicatement ses lèvres, sur celles de cette femme, qu'il avait désiré depuis leur rencontre, sans cependant, s'en approcher davantage, se convainquant qu'il n'était pas à la hauteur, et ne le serait sans doutes jamais.

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