Le souffle court, Alaric ouvrit des yeux hagards quand il découvrit le lieu, dans lequel il se trouvait, son appartement. Bondissant hors du canapé, il fut pris d'un soudain vertige, sûrement dû à un excès de boisson.
- "Enfin réveillé, vous êtes pire qu'une marmotte", chantonna d'un ton guilleret une voix féminine, qui ne lui était pas inconnu, mais qui par ailleurs, ne lui était cependant pas familière.
Soudain, il vit une jeune femme se détacher de l'ombre. Il s'agissait de cette étrangère, qui l'avait fortement importuné, durant ce qui était supposé être une douce soirée, passée à se noyer dans l'alcool.
- "Que faites-vous ici ?" s'écria-t-il, perplexe.
- "Calmez vous ! Je vais vous expliquer", s'empressa-t-elle de lui répondre.
Le jeune homme se demandait ce que pouvait bien faire cette inconnue chez lui, dans sa triste demeure de solitude, où aucune femme n'était autorisée à pénétrer. Il lui fit un bref signe de tête, l'incitant à lui témoigner de son récit quant à sa présence, pour qu'il puisse enfin être débarrassé d'elle.
Alors, elle lui conta, de façon éloquente, ce qui était arrivé depuis, ce qu'il semblait être une perte de conscience, causée par la serveuse du bar, qui prise de panique, l'avait assommé par derrière. Ensuite, un homme, qui le connaissait apparemment, s'était proposé de le ramener chez lui, et la jeune femme s'était portée volontaire afin de l'aider, et avait finalement décidé de rester jusqu'au réveil d'Alaric, pour s'assurer qu'il fut en parfaite santé.
- "À présent, que vous vous êtes assurées que je me porte comme un charme, je vais me faire un plaisir de vous mettre à la porte", déclara Alaric, fier de lui.
- "Avant toute chose, j'aimerais m'excuser pour mon comportement grossier de tout à l'heure, mais les gens comme vous, ont tendance à m'horripiler."
- "Maintenant, vous pouvez y aller, je présume", renchérit-il, prêt à enfin pouvoir se libérer de la jeune femme.
Cette dernière se munit de son plus joli sourire, avant de déclarer d'une voix assurée :
- "À vrai dire, vous avez tout faux. Le seul moyen, que je vous fiche la paix, est de me parler de votre femme."
- "Mais pour qui vous prenez-vous à la fin ? Si j'avais envie d'en parler, je serais allé voir un spécialiste, et ce n'était pas ma femme, mais ma fiancée", s'écria-t-il, pris de colère.
Alaric et la jeune inconnue, qui semblait vouloir s'imposer dans sa vie, se faisaient face, se fixant sciemment, en véritables chiens de faïence. Il s'agissait d'un affrontement muet, les opposant. D'un côté, Alaric fulminait de colère, et de l'autre, elle frétillait de curiosité, ainsi que d'un sentiment impossible à déchiffrer. Au bout d'un moment, le jeune homme céda, comme si, elle avait réussi à percer ses défenses, le touchant d'une manière aussi étrange, que profonde.
- "Bon, si je vous dis quelques mots sur elle, vous partez, compris ?" s'enquit-il.
- "Si ce que vous me dites est suffisant, pour venir combler cette envie insatiable de vous connaître", rétorqua-t-elle, avec tout son sérieux.
Surpris, il se perdit un instant, dans son regard couleur saphir. Les nuances de bleus dansaient dans son iris, tel un tourbillon de couleurs, rappelant à la fois la profondeur et la noirceur de l'océan, ainsi que la clarté d'un ciel d'été. Il fut perdus dans ce doux spectacle, à la fois saisissant, et apaisant. Le jeune homme discerna brièvement une ombre passagère, qui voilait son doux regard, telle une sorte de mécanisme de défense, afin de protéger ce qui semblait être, une ouverture sur son âme, abîmée par les ravages du temps aveugle.
Venant interrompre ce court instant, le visage de sa fiancée lui apparut, fantomatique, venant se superposer sur le visage de l'étrangère, qui lui ressemblait étonnement. Confus par cette étrange scène, il détourna le regard, et entonna un court récit au sujet de sa fiancée:
- "Elle s'appelait Louise. Nous nous sommes rencontrés à l'âge de dix-sept ans. Longtemps après, nous avons commencé à nous fréquenter. Et finalement nous nous sommes fiancés le jour de ses vingt-quatre ans, et elle est morte peu de temps après, renversée par un chauffeur ivre. Satisfaite ?"
La jeune femme parut réfléchir un instant, avant de simplement répondre :
- "Il y a plus derrière votre histoire, quelque chose de si profond quand vous en parlez, que cela en est troublant. Quand je vous regarde, je vois un amour pur, intense, si tendre, avec une touche de passion. Je perçois également, le trou béant au creux de votre cœur, déchiré, et brisé. Vous vous noyez dans le chagrin, malgré le temps qui passe, vous vous empêtrez plus profondément encore dans cet océan de tristesse, qu'est votre âme. Vous..."
- "Cela suffit !" l'interrompu Alaric.
La respiration haletante, le jeune homme s'en voulait d'avoir été percé à jour, par une parfaite inconnue, dont il ne connaissait même pas le nom.
- "Les présentations seraient sans doutes les bienvenues, je m'appelle Charlie", déclara-t-elle, comme répondant aux pensées intérieures d'Alaric.
- "Charlie, je vais devoir vous demandez de partir", annonça-t-il.
- "Je m'en irais, mais seulement après vous avoir proposé une sorte de marché, à prendre ou à laisser. Voilà, il s'avère que vous êtes une âme mélancolique, et que je suis une personne, emplie de compassion et d'empathie. Je hais voir les gens souffrir, alors je vais vous aider. Chaque soir, au lieu de vous asseoir à ce bar tel un alcoolique, vous irez vous installer à la table au fond à droite, à l'abri des regards, et je vous y rejoindrai. Nous partagerons un verre, un seul et unique verre, et vous me parlerez de votre femme."
Intrigué par sa proposition, le jeune homme s'enquit :
- "Pourquoi ferais-je une chose pareille ?"
- "Car la souffrance a détruit votre vie, et lorsque vous pensez à elle, vous voulez vous sentir heureux de nouveau, vous rappelez des doux souvenirs partagés ensemble. Vous ne voulez plus être détruit par cet amour, mais continuer de le vivre, d'une quelconque façon. Chaque moment, sans elle, est une bataille contre vous-même, et je voudrais pour vous, qu'elles se changent en une agréable balade au clair de lune. Ne dites rien, mais je sais que vous viendrez à moi."
Sur ces dernière paroles, Louise attrapa sa légère veste couleur crème, qui lui arrivait aux genoux, et s'avança jusqu'à seuil de la porte, et avant de se retirer définitivement, elle se tourna vers lui, une dernière fois, et murmura, tant pour elle, que pour lui :
- "Vous viendrez."
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Si seulement...
RomanceAlaric boit pour oublier, cette horrible tragédie qui a dévasté sa vie, voilà de cela huit ans. Charlie est une jeune femme sûre d'elle, en apparence. Il n'a jamais eu la force de tourner la page, ne cessant de se noyer dans cette souffrance infinie...