Particuliers

1. Nous sommes les seuls ?

Une ambiance d'angoisse règnait dans un hall sombre et vaste. Et pour cause : des reniflements répétitifs et courts résonnaient.
- Je t'en supplie, pardonne-moi ! Cria une fille aux longues tresses brunes, secouées par son agitation.
Une seconde fille, face à elle, lui tourna alors le dos.
- Tu peux rêver, lui répondit-elle sèchement, balançant ses cheveux brillants d'un air hautain.
- Mais qu'est-ce qui te prend enfin ?
- Tu ne peux pas comprendre.
La jeune fille fâchée partit et laissa celle qui pleurait toutes les larmes de son corps.
- Je t'en pris, reviens ! Sanglota-t-elle.

- IRIS !

Dans une petite salle d'étude, à l'Orphelinat de Rosa Parks, se trouvait une jeune fille aux cheveux dorés. Elle était assise, la tête posée sur sur une table. Ses bras croisés encerclaient sa tête. Jusque-là, elle somnolait, mais suite à un violent cri, elle sursauta. En face d'elle, grand homme brun, barbu, les poings sur la table, la foudroyait du regard.
- Oui monsieur ?
- Tu m'expliques pourquoi tu dormais ?
Elle soupira et reposa ses épaules contre le dossier de sa chaise. L'homme fit un mouvement de tête.
- Non, en fait, j'ai pas envie de le savoir.
Et il partit.
- Iris, viens, on rentre, déclara une adolescente brune à côté d'elle.
- Ouais ...
Les deux filles prirent leurs affaires et quittèrent la salle de révision.
- Soit je suis vraiment un cancre, soit tu est une vraie intellectuelle, Lily.
- Mais non, ne t'en fais pas, la rassura-t-elle, tu as eu une bonne note au dernier contrôle.
- J'aurais pu avoir ton vingt.
- Allez, ta moyenne à super bien monté ces derniers temps, insista Lily.
- Mouais ... Grouillons-nous de monter, je suis fatiguée, bâilla Iris.

Les deux amies regagnèrent leur chambre, se brossèrent les dents, se changèrent et se refugièrent dans leur lits.
- C'est quand même étrange, le fait que tu veuille systématiquement dormir le jour de ton anniversaire, remarqua Lily après un long silence.
- Ouais. D'ailleurs, à ce propos, il y a un truc que je ne t'ai pas dit ...
La jeune fille aux longs cheveux bruns sortit de son lit pour aller dans celui de son amie.
- Vas-y, dis-moi.
Iris se rapprocha de son oreille.
- Je crois que j'ai un sens hors du commun, lui chuchota Iris.
Lily éclata de rire.
- Je ne plaisante pas ! Je suis sérieuse.
- Tu veux dire, une sorte de pouvoir ?
- C'est ça.
- De quel genre ?
- Je crois que j'ai des rêves prémonitoires. Mais seulement le jour de mon anniversaire. Et cela depuis mes quatorze ans.
- Hmmm ...
- Je te jure, un an avant que tu arrives ici j'ai rêvé que tu te faisais déjà intimidée !
- C'est ... curieux.
- Je te le fais pas dire. Mais tout-à-l'heure, en salle de révision, j'ai fais un rêve effrayant. J'ai rêvé qu'on ...
Elle ne finit pas sa phrase, visiblement terrifiée et perdue dans ses pensées.
- Je t'ai jamais vu aussi inquiété.
- J'ai rêvé que je te laissais tomber.
Chaque mots qui sortaient de la bouche d'Iris chutaient comme des poids lourd.
Lily écarquilla les yeux, surprise. Iris prit ses mains dans les siennes et la regarda dans les yeux.
- Ce que je ne ferais jamais, lui promit-elle. Mais j'avais l'air tellement ... insensible.
- Et pourquoi tu me laissais tomber ?
- Je ne sais pas. Mais j'ai commencé à m'énerver contre toi, et toi, tu as finit par éclater en sanglots. Je commençais à partir, tu me suppliais de rester. Mais je n'étais pas revenue.
Il y eut un court silence.
- Tu sais quoi ? Finit par dire Lily.
Iris déglutit avant de répondre.
- Non ? Dit-elle, le regard dans le vague.
- Je crois que depuis que je suis ici j'ai, moi aussi, développé un sixième sens.
- Et alors ? Fit Iris, de nouveau réactive.
- Bah il est aussi perturbant que le tien.
- Développe ?
- Je crois que je peux lire ( elle s'arrêta pour réfléchir ) ... oui c'est ça, lire dans les pensées des gens. Et leur envoyer un message, par la pensée.
- Mais c'est super !
- Peut-être pas tant que ça ... J'ai déjà essayé d'envoyer un message au prof de maths. Ce jour-là, j'étais malade, et je n'avais plus de voix, tu te souviens ?
- Mais oui, s'exclama Iris en agitant le doigt, maintenant que tu le dis, oui ! Tu avais l'air super concentrée en le fixant. Lui il était sur son ordinateur. Après un long silence, il a sursauté, et il t'a regardée.
- Je le dévisageais désespérément en lui "parlant", dans ma tête. Malheureusement, je n'ai pas réussi à lui envoyer mon message correctement. Je voulais lui dire «Monsieur, j'ai une question».
- Et tu lui as envoyé quoi ?
- Je ne sais pas pourquoi, mais le mot «poisson» m'est venu à l'esprit. Je lui ai envoyé «Monsieur, j'ai un poisson». Dit-elle en riant.
Iris éclata de rire.
- C'était mon premier et seul essai, je n'ai plus jamais tenté par la suite, affirma Lily en essayant de se calmer.
- Tu as traumatisé ce pauvre monsieur Dumont, essaya d'articuler Iris entre deux rires.
Après avoir retrouvé leurs esprits, elle finit par demander :
- Dis, tu crois que nous sommes les seuls ?
Lily secoua la tête.
- Je n'en sait rien.
Après 10 secondes de silence, elle releva la tête.
- On va leur demander.
- Leur demander ?
- S'ils ont des capacités hors normes. Aux orphelins.
Elle marqua une pause.
- Dès demain, on va mener l'enquête.
Son amie revint dans son lit.
- Comment tu compte t'y pendre ?
- À la manière des grands.
Lily soupira.
- Seigneur.
- Je vois pas de méthode plus directe.
Lily ferma les yeux puis secoua la tête.
- Ok, elle approuva en rouvrant les yeux