Voilà, je viens d'abandonner mon bébé de trois mois aux bons soins de son papa. Je ne peux pas m'occuper d'elle, et elle ne connaîtra jamais sa maman. Il le faut, pour elle, pour moi.... La malédiction continue.
L'enterrement a eu lieu il y a trois jours. Ma mère est morte dans ce pavillon qu'elle m'a légué et dans lequel je me trouve aujourd'hui. Je n'ai pas connu ma mère, elle ne vivait pas avec mon père et elle m'a confiée à lui, un peu après ma naissance. Elle voulait me protéger m'a-t-elle dit plus tard. Puis elle est partie, s'est enfermée dans cette maison qu'elle tenait de sa mère et dans laquelle des générations de femmes avant elle ont vécu. Où tant de femmes sont mortes....
Pourtant, ma mère a essayé de tout changer. Elle n'a pas tenu, et m'a retrouvée après plusieurs années. J'avais quinze ans et je pouvais comprendre. Je me souviens de mes séjours chez-elle, elle me faisait venir aux vacances. Je n'aimais pas cette maison qui me faisait peur. Tout y craquait, les plafonds, les parquets, les escaliers et les meubles aussi, la nuit. J'y sentais le poids des non-dits, des secrets et des angoisses du passé.
Il y avait trop de femmes mortes ici, trop de mystères. La malédiction.
Dans le village on l'appelait 'la maison des mortes'. Je ne savais pas encore pourquoi, à l'époque. J'étais trop jeune et trop confiante. Quand je demandais à ma mère d'où venait ce surnom, elle me répondait toujours que je ne devais pas écouter les racontars de cette bande d'idiots, que tout ça n'était pas vrai, que les malédictions n'existent pas, que l'on est seul responsable de nos actes. Elle disait qu'elle ferait en sorte de stopper cette malédiction, de prouver au monde que les forces du mal étaient crées de toutes pièces par des esprits tordus.
Puis je rentrais chez mon père, je ne pensais plus à toutes ces histoires, jusqu'aux vacances suivantes.
Ma mère m'entoura de beaucoup d'affection pendant ces quelques années. Nous étions devenues de bonnes amies et nous nous faisions confiance. Pourtant je me confiais beaucoup à elle, elle me questionnait beaucoup, semblant vouloir connaître le moindre repli de mon âme. Elle se confiait moins, restait superficielle sur ses sentiments profonds, ne parlait que de choses de la vie quotidienne. Elle me disait ne jamais avoir pu se confier à quelqu'un et que ce n'était pas facile à apprendre sur le tard. Elle était belle, grande, intelligente et je lui ressemblais beaucoup.
Quand maman a repris contact avec moi, à mes quinze ans, ma grand-mère habitait encore le pavillon avec elle. Elle avait soixante dix ans. Elles menaient en apparence une vie tranquille, en bonne entente. Ma grand-mère s'occupait du petit potager, elle élevait aussi quelques poules et deux ou trois lapins. Ma mère était infirmière à domicile mais travaillait à temps partiel. Moi je faisais mes études, je ne savais pas encore ce que je ferais plus tard. J'étais heureuse, insouciante, jeune, je ne me doutais encore de rien.
Là je marque une pause pour ajouter que mon père n'a jamais vécu avec ma mère. Tout comme mon grand père n'a jamais vécu avec ma grand-mère, et comme les autres femmes de la famille avant elles on élevé leur fille, seules. Toujours une mère, une fille, un pavillon, un héritage, une malédiction.
Je me souviens de mes vacances de noël, j'avais 18 ans à l'époque. C'était la veille du réveillon et ma mère était partie visiter quelques patientes avant de prendre 2 jours de congés en mon honneur. Ce matin là ma grand-mère me demanda de venir m'asseoir près d'elle. Elle voulait me parler et j'adorais ces moments de partage affectueux avec cette grand-mère que j'avais connue trop tard. Ce matin là pourtant elle était moins gaie, moins désinvolte et je sentais une grande fatigue en elle.
Elle me dit : « Pauline, ma chérie, il faut que je te parle sérieusement, que je te prévienne. Bientôt je ne serai plus là, je vais quitter cette vie. Je regrette de ne pas avoir eu le bonheur de te connaître avant. Tu es mon rayon de soleil. Pourtant je le sais, c'est incontournable, dans moins d'un mois je serai morte. Si, c'est comme ça mon ange. C'est la malédiction, elle existe, cette malédiction et elle nous touchera toutes jusqu'à la fin des temps. Peu importe ce que te dit ta mère. Tu verras, dans moins d'un mois je ne serais plus là. N'aies pas de peine à ce moment là, dis toi que je suis prête, et ne cherche pas à comprendre. Laisse à ta maman, ma fille chérie, le temps d'essayer de rompre cette malédiction. Je n'ai pas réussi, mais elle, elle y arrivera. Allez, laisse
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Malédiction
Short StoryUne malédiction transmise de mères en filles détruit des générations de femmes dans une même famille.