I.

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   Janson observait silencieusement. Il passait son temps à regarder derrière des écrans. Son rôle était de préserver la sécurité de cette ville en évitant aux prisonniers de sortir. Car oui, il était le chef des gardiens de prison. De cette prison de la petite ville de Beacon Hills qui regorgeait bien plus de meurtriers qu'elle ne laissait croire aux premiers abords.

   C'était l'heure de sa pause. Il occupait généralement ces minutes de liberté à visionner les visites faites aux prisonniers. Cette salle de communication, la seule salle permettant aux coupables de percevoir un peu du monde extérieur, était filmée. En général, les gardiens présents écoutaient sans se faire remarquer et cela suffisait, mais Janson était quelqu'un de particulièrement pointilleux et il aimait le travail bien fait. Il écoutait donc chaque conversation qui s'y déroulait, émettait ses propres hypothèses et jugeait bon ou non s'il y avait éventuel risque d'évasion.

    Néanmoins, il mentirait s'il se justifiait en assurant seulement que son but était de préserver cette sécurité. Janson possédait cette qualité en lui, celle-là même qui servait à elle seule de défaut compliqué. Cette tentation qui ne manquait pas d'envenimer son esprit pour le faire craquer : la curiosité. Parfois, il se laissait aller à des discussions, écoutant d'abord distraitement puis s'y intéressant réellement, non plus pour l'avenir de cette prison, mais pour le dénouement de la conversation. Il se sentait comme un spectateur lors d'un film, un lecteur avide de connaître la suite de toute cette histoire. Bien sûr, cela n'arrivait que rarement car les discussions étaient loin d'être passionnantes, mais il suffisait d'un rien, d'une petite étincelle involontaire pour le rendre accro à ce qui se déroulait sous ses yeux. S'en était devenu de l'addiction pure et simple et il avait depuis longtemps arrêté de se mentir à lui-même, assumant ce désir de tout savoir.

    Aujourd'hui, le jour se présentait comme banal. Aucun incident –il en était bien heureux- ni autre conflit qui aurait pu perturber le quotidien. Il s'était assis sur ce fauteuil à roulette, celui avec un dossier confortable. Sa tasse de café fumante lui réchauffait les mains. L'hiver approchait à grands pas et il était bien content que cet établissement soit chauffé.

   Son regard se porta sur un jeune homme, attendant tranquillement derrière la vitre. Il semblait nerveux, comme s'il n'avait pas le droit d'être ici. Janson estima qu'il ne devait pas avoir plus de vingt ans, peut-être dix-neuf. Il supposa également que ses parents lui avaient interdit de venir ici. Il voulait peut-être voir un de ses amis enfermé, le genre de gosse qui se croit être le roi du monde et qui fumait en cachette dans les toilettes de l'école avant même d'entrer au lycée. Ce même genre de gosse qui se faisait pincer bêtement et qui trouvait encore le moyen de se plaindre et de s'indigner du système.

    Il l'observait en silence. Le détenu que ce jeune homme attendait arriva enfin. C'était le petit blond qu'ils avaient pincé la veille. Le garnement devait rester une année entière ici, sans possibilité de sortie. Sa faute était bien plus innocente que la majorité des détenus : un simple vol. Sans prendre en compte le fait qu'il plaidait encore non coupable, il restait discipliné. Même s'il venait d'entrer, Janson pouvait facilement cerner son profil. Bon élève qui avait fait une petite faute dans sa vie. Il aurait au moins le mérite de bien se conduire. Il regarda ses feuilles d'entrée et trouva facilement son nom : Isaac Newton. Physiquement, il n'avait rien de dangereux. Gringalet, blond et une petite blessure sous l'œil gauche, rien de grave. La seule chose chez ce garçon de dix-neuf ans qui pourrait effrayer quelqu'un, c'était ses yeux. Sombres comme la nuit, il pouvait percer du regard sa victime s'il apprenait comment faire. Mais à part ça, c'était un jeune homme qui n'avait rien à faire là car, Janson le savait, il était innocent dans l'histoire. Il avait ce don pour savoir si une personne mentait ou non et, il en était certain, ce Newton disait la vérité en affirmant qu'il était non coupable. Mais, comme il se le répétait sans cesse, il n'avait aucun pouvoir sur le sort de ces détenus et il devait seulement s'occuper de la sécurité de cette prison.

    Il zooma sur les deux jeune gens qu'il venait de repérer. Il enfonça le casque sur son crâne pour pouvoir écouter leur conversation. Il but une gorgée de café avant d'augmenter le volume. Il dû prendre la conversation en court de route, n'ayant pas pu entendre le début.

« Je croyais que ton père t'avait interdit de venir me voir, Thomas ?

-Oui, et selon lui je ne suis jamais venu ici. En ce moment-même je suis chez Minho, en train de faire un exposé qui va nous durer toute l'année. Faut dire que l'université, c'est dur. »

    Newton laissa échapper un petit rire.

« Il n'y a que toi pour mentir à ton père pour de venir en prison.

-Mais comment m'éloigner de toi plus longtemps ?

-En attendant les vacances scolaires. »

    Cette fois c'est Thomas qui ria légèrement. Il semblait cependant nerveux, comportement tout à fait compréhensible en vue de la situation.

« Je n'ai rien fait. J'étais au mauvais endroit, au mauvais mom...

-Je sais. Je sais que ce n'est pas toi. »

    Le blond eu l'air soulagé. Thomas reprit :

« Ça se passe bien ici ? Enfin, si on peut poser ce genre de question dans ce genre de situation...

-Pour l'instant ça va. On mange bien et personne n'a l'air de me chercher des noises. Ça change des films qu'on a l'habitude de voir, où les nouveaux prisonniers se font tabasser.

-C'est sûr. »

    Un petit silence régna. Janson fut tenter de partir boire son café ailleurs quand le brun, Thomas, reprit doucement :

« On ne peut vraiment pas payer ta caution ?

-Non, et je ne veux pas que tu te débrouilles pour le faire.

-Mais...

-Non. D'abord, ma mère ne sera jamais d'accord pour que je sorte avant, elle me croit coupable. Ensuite, je ne veux pas avoir la réputation d'un lâche.

-Tu délires ?

-Evidemment. C'est juste que je ne veux pas me faire tuer par ma mère. »

    Thomas hochait la tête en se mordant les lèvres. Il avait dû passer la nuit à cogiter sur le moyen de payer cette caution. Le montant s'élevait assez haut et ce n'était jamais facile pour des familles modestes de la classe laborieuse. Alors, ils devaient attendre, écopant leur peine sans pouvoir y échapper.

« Sinon j'ai préparé des plans. Minho voudra bien m'aider à te faire sortir de là.

-Arrête tes conneries Tommy.

-Ok ok, je vais les brûler. »

    Ils se souriaient. Le brun regarda sa montre et déclara qu'il était l'heure pour lui de partir. Ils se saluèrent et Thomas quitta la pièce. Newton pris plus de temps, le regardant d'abord s'éloigner, puis se levant à son tour.

    Janson retira le casque de ses oreilles et but une nouvelle gorgée de café. Ce qu'il venait de voir n'avait rien d'exceptionnel mais cela prouvait que la plus grande aide pour ce Newton ne serait ni ses parents, ni le psychologue de la prison, mais bien ce Thomas.

A suivre...

Derrière la vitreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant