• • •
Il faisait sombre. La pluie, amenée par des cumulus aussi gris qu'une ombre, tombait drue. Là, en bas, une ville. Une grande ville. Des immeubles haussmanniens ponctuaient les rues toutes neuves. Les gouttes d'eau ruisselaient des toits et venaient inonder les trottoirs désertés par le mauvais temps ; le tout était accentué par ce vent glacial d'automne. Parfois, des feuilles parvenaient à voler entre les gouttes. Elles semblaient faire une course pour savoir laquelle d'entre elles arriverait sur les routes pavées en premier.
Ah ! Paris sous le mauvais temps.
L'époque contemporaine battait son plein. Ceux qui se risquaient au dehors se faisaient tremper, malgré leur parapluie seyant. Rue Mozart. De grands immeubles très soignés s'en élevaient. Mais, entre deux, une boutique coupait cette grande ligne de maisons si semblables. Une vieille boutique. Un horloger. Un vieil horloger. Une tradition chez cette famille. Le devant de la boutique était quelque peu usé, probablement à force d'endurer les coups de soleil en été, les vents froids d'automne et chauds de printemps ainsi que le givre d'hiver. Le bois avait été rongé. Un bois sombre, brun comme la robe d'un cheval. Deux piliers de part et autre de la devanture soutenaient une troisième et dernière poutre. Celle-ci affichait le nom de la petite boutique de fortune. Dans la vitrine, s'étalaient des dizaines de montres brillantes, d'horloges − vieilles comme neuves −, de montres à goussets dorées.... Toutes sortes d'objets qui indiquaient l'heure étaient réunies dans cette seule et même vitrine poussiéreuse, laissant ressortir le peu d'objets qui tapaient à l'œil de leur éclat. Mais l'or et l'argent qui scintillaient de cette simple devanture n'égalaient pas l'enseigne du magasin. En effet, elle était en lettres taillées directement dans le bois. Passée et ancienne, elle commençait à disparaître, mais était encore assez visible pour la lire d'un coup d'œil.
Le temps de la 9ème symphonie
Horlogerie AntenumCette horlogerie était très recommandée par les habitants du quartier et de la rue. Monsieur Antenum passait pour le meilleur horloger du coin. Depuis sa création, d'ailleurs, il y avait de cela trois générations. Ils s'en vantaient peu, juste au moment convenu. Une bonne famille, les Antenum.
Ce jour-là, c'était un dimanche. Personne ne travaillait. Rues désertées, par le jour de repos mais également par le mauvais temps. Tout était très calme, juste les clapotis dans les flaques rompaient le silence incongru de la Rue Mozart. Les seuls signes de vie étaient les bougies qui laissaient s'échapper leur précieuse lumière par les fenêtres des habitations. Les autres magasins de la rue étaient également fermés. Tous, sauf un...
Une voiture − une invention pour l'époque – était garée juste devant la boutique d'horloge. Un homme attendait à l'intérieur. Les bougies des vitrines étaient éteintes. Mais si l'on s'approchait de la porte vitrée en bois, on pouvait apercevoir au loin un éclat de lumière. Une pièce était allumée.
Soudain, l'intrus dans la voiture supportant les fracas de gouttes moufta de son siège. Son couvre-chef haut de forme et son long manteau noir lui donnaient une vilaine allure. Mais sa moustache typiquement parisienne était envieuse. Recourbée en petite bouclette vers son nez, cela le rendait plutôt sympathique. Il portait aussi des lunettes aussi rondes qu'un ballon. Pas une seule goutte de pluie n'avait tenté d'approcher les verres. Sa grande allure d'homme âgé − pour l'époque −, d'au moins cinquante ans, imposait un certain respect, voire même de la peur.
Il prit son parapluie noir déjà suintant de pluie et l'ouvrit d'un geste sec, tout en descendant de la voiture de fortune. Il se planta devant la porte de l'horloger. Il était un peu tendu, mais cela ne dépassait pas son éternelle impassibilité. Il jeta de vifs regards des deux côtés, gauche, droite et fixa la porte. D'un geste aussi lent qu'un escargot, il frappa de trois coups secs la vitre. Celle-ci vibra, fit voler quelques gouttes qui s'écrasèrent contre ses mains quelque peu ridées. Il les secoua, agacé. À peine deux secondes plus tard, la porte s'entrouvrit. Une chaine raccrochait le mur à la porte. Il y vit un œil. Brillant d'une couleur bleue effacée. Mais une lueur de peur les animaient.
VOUS LISEZ
Domini temporis [ sous contrat d'édition ]
ParanormalSur Terre, la planète bleue, celle que tout le monde connait, tous les gens pensent que la magie n'a pas sa place. Qu'elle n'existe pas. Que seulement les enfants peuvent manipuler avec leur imagination. Quelque chose d'irréel. Mais ce qu'il se...