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Mes parents étaient affairés à la préparation de notre voyage pour le lendemain, je les informai que la mère de Mathilde avait donné son accord, puis nous servis un grand verre de soda bien frais à mon amie et moi. Mathilde était déjà sur la terrasse, le parasol était déplié, mais il ne couvrait pas toute la table et elle s'était choisie l'une des deux places qui étaient en plein soleil. Me remerciant pour le verre, elle me précisa qu'elle s'était placée là dans le but de profiter de l'astre, si elle pouvait bronzer un peu avant d'aller s'exhiber en bikini sur une plage, en effet, elle avait la peau blanche. Nous restâmes assise une bonne heure. La plupart du temps, Mathilde tournait son visage vers le soleil, fermant les yeux, j'eus même cru qu'elle dormait fut un moment mais lorsque mon père vint nous rejoindre, elle ouvrit les yeux, alerte.

« Pour deux filles, vous êtes très calmes, dit-il en nous regardant, ses mains posées sur ses hanches. Ça change de tes autres amies Émilie. Va donc aider ta mère quelques instants, moi, je vais allumer le barbecue. »

En entrant dans la maison, je dus attendre quelques seconde que ma vue s'adapte à la pénombre qui y régnait, juste le temps d'entendre mon père accepter l'aide de Mathilde. Je me mis à penser que si cela avait été Cindy ou une autre de mes amies habituelles que Mathilde qualifiait de ''salope'', jamais elles ne se seraient salies en préparant un barbecue. Je souriais bêtement en arrivant dans la cuisine, ce sourire fut de courte durée, ma mère était en train de râler toute seule dans la pièce où elle ne trouvait presque jamais rien. Il faut dire que la cuisine était du domaine de mon père, c'était lui qui y passait des heures à nous préparer de bons petits plats tandis que ma mère allait de maison en maison faire des soins ou piquer ses patients, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle eut du mal à s'y retrouver.

« Ah ! Te voilà ! S'exclama-t-elle en me voyant. Je cherche la bouteille de muscat que j'avais demandé à ton père de mettre au frais, et les chips qu'on a acheté ce matin. Ce frigo devrait aussi contenir une bouteille d'eau mais il n'y a rien.

- Je vais chercher les bouteilles, les chips sont sûrement à côté des assiettes dans le placard du haut, si c'était pour consommer rapidement. »

Je la vis sortir les deux sachets de pétales de pommes de terre qui étaient là où je l'avais dit en soupirant, je m'éclipsais pour aller regarder dans le second réfrigérateur celui bien plus gros qui se trouvait dans la pièce séparant le garage de la maison, qu'on appelait cellier. La porte de ce frigo contenait effectivement une bouteille de muscat et au moins un pack de bouteilles d'eau. Je pris ce que ma mère cherchait et retournais la voir. Elle me sourit comme si je venais de lui sauver la vie, elle mit rapidement les chips dans deux saladiers en verre et me les tendit avant même que je n'eus le temps de poser les bouteilles sur la table.

« Va mettre tout ça sur la terrasse et reviens s'il te plaît. Il faut encore préparer le verres. On s'occupera du repas après avoir soufflé quelques minutes. »

Je fis directement demi-tour me demandant ce qu'il pouvait bien y avoir à préparer pour un barbecue et j'entendis ma mère me suivre, les verres tintant sur le plateau qu'elle tenait. Dehors, mon père et Mathilde se tenaient autour du barbecue métallique, que mon père ne sortait que lorsqu'il s'en servait, en train de souffler tous les deux sur quelques braises fumantes afin de les faire prendre. Je posais ce que j'avais dans les mains puis constatais que ma mère n'avait rien prit pour mon père, sa fidèle bouteille de pastis n'était pas sur la table, et l'eau signifiait qu'il allait en boire. Pour ma part, je trouvais cette boisson écœurante rien qu'à l'odeur, tout comme la bière bon marché que buvait Logan et ses amis. Je fis néanmoins un rapide aller-retour à l'intérieur et revins avec la bouteille de mon père. Ma mère la vit et me sourit, me disant qu'elle l'avait complètement oublié. L'absence de soda ou de tout autre jus de fruit ne me dérageait pas, j'avais l'habitude, le week-end, de partager un verre d'alcool, ou deux, avec ma mère. Elle aimait les vins fort tels que le muscat ou le pineau, mais tout comme moi, elle détestait la boisson anisée de mon père. C'est pour cela qu'il profitait que ma mère soit au travail pour boire son verre d'apéritif, pour ne pas avoir à subir l'étrange grimace de dégoût qu'elle faisait systématiquement à chaque fois qu'il portait son verre à ses lèvres. Lors des fêtes entre amis au lycée, mes copines et moi étions plus vodka mais là encore, je ne buvais pas à en être fin saoul. Ma mère me tendis un verre vide, elle n'eut pas besoin de parler pour me faire comprendre que c'était celui de mon père, je lui versais une belle dose d'alcool et rajoutai de l'eau, très peu, comme il l'aimait. Pendant ce temps, elle avait déjà servit les trois verres de vin, sans même savoir si Mathilde buvait ou non. Il ne devait pas être concevable pour ma mère qu'une fille puisse aimer le Ricard, et ne veuille autre chose. Le barbecue diffusait maintenant une épaisse fumée blanche, mon père et mon amie se rapprochaient de la terrasse, moi , je m'en éloignais pour fumer une cigarette. On ne fumait pas à table chez mes parents, même lorsque celle-ci était dehors. Mon père dit quelque chose à l'oreille de ma mère, elle rit, ils s'embrassèrent et retournèrent à l'intérieur de la maison. Mathilde s'approcha de moi, prit une bouffée sur ma cigarette et m'embrassa.

« Il est super cool ton daron ! Il sait tout sur l'allumageologie d'un barbecue.

- L'allumageologie ? Demandais-je en riant.

- Oui, la science de l'allumage d'un barbecue... Quel papier utiliser ou pas, quel bois mettre, quelle quantité...

- OK, OK, la coupais-je. T'es une pro des barbeuques.

- Regarde par toi-même... Il fume, sans faire de flammes, ce qui ne salira pas la grille et quand on y déposera la viande.... »

Je n'écoutais plus, ayant la désagréable impression d'entendre mon père expliquer. Il ne lui manquais plus que sa phrase favorite : « Je suis pas maniaque, mais c'est comme ça qu'on doit faire. » Il terminait toujours ses longues explications par cette petite phrase. Elle me reprit de nouveau une bouffée sur ma cigarette, j'étais prête à lui en donner une mais elle se dirigea vers la table avant que je n'eus le temps de sortir mon paquet de ma poche. Mes parents revenaient eux aussi, c'était le moment d'écraser ma clope dans le cendrier extérieur et de les rejoindre. Mes parents se mirent à leurs places habituelles, faisant face à la maison, nous primes donc place en face d'eux. Ma mère distribua les verres et répondit à mon amie qui s'interrogeait sur le contenu. Ma mère lui apprit que c'était un vin sucré originaire, celui-ci, de l'Hérault. Mathilde répondit qu'elle ne buvait jamais d'alcool, mais que pour cette soirée, elle allait faire une exception. Nous trinquâmes donc à notre santé. Je me dis que si Logan était à la place de Mathilde, il n'aurait pas toucher au verre de muscat, il aurait choisit le pastis, ce qui avait tendance à déplaire à mon père. Mathilde fit la grimace lorsqu'elle but la première gorgée, ce qui prouvait qu'elle n'avait pas l'habitude et fit rire mes parents. Une fois le moment d'amusement passé, la conversation s'engagea sur notre avenir professionnel à toutes les deux. Pour ma part, mes parents savaient bien que je rêvais de percer dans l'écriture, de devenir un écrivain connu, mais en attendant le best-seller, travailler dans un journal ne me déplairait pas. Mathilde nous expliqua que son talent à elle était le dessin, elle n'était pas très douée pour écrire et, nous confia-t-elle, avait juste la moyenne lorsqu'elle devait faire une rédaction. Elle se voyait bien artiste ou dessinatrice. Elle nous expliqua également qu'après son bac, elle pourrait toujours postuler une nouvelle fois dans une école d'art.

« Il y en a une très bonne pas loin, dit mon père, un lycée privé. »

Mathilde baissa la tête et ma mère se mit à gigoter sur sa chaise, elle finit par se lever, me demandant de l'accompagner à la cuisine tandis que mon amie répondait.

« Ma mère fait déjà la tête pendant quinze jours lorsque je lui demande des crayons de couleurs, alors des études en lycée privé, j'abandonne l'idée tout de suite. »

Je n'entendis pas le reste de la conversation, car je dus suivre ma mère à l'intérieur. À peine je fus arrivée qu'elle me tendit une grande assiette pleine de saucisses, de cuisses de poulets et de côtes de porcs, il y avait là de quoi nourrir dix personnes. Je fis rire ma mère en mimant l'effondrement sous le poids du plat et allai l'apporter à mon père. Mathilde fit de gros yeux elle aussi en voyant la quantité de viande que j'amenais. Je repartis directement en cuisine où ma mère lavait une laitue, elle me chargea de couper les tomates en rondelles, et de les sortir avec tout un assortiment de sauces en pot. À l'extérieur, mon père et mon amie étaient autour du barbecue, je me doutais que Mathilde prenait sa seconde leçon sur les repas en plein air. Je fis un troisième voyage pour apporter les assiettes et les couverts, alors que ma mère suivait avec la salade et un grands sachet de papier brun contenant une demi-douzaine de baguettes fraîches. Les cuisiniers riaient, ma mère nous resservit un verre puis fit disparaître la bouteille d'alcool au profit de celles de jus de fruits. Nous mangeâmes à n'en plus pouvoir, les assiettes étaient presque vides, mon amie déclara qu'elle n'avait jamais autant mangé de sa vie, tout en se tapotant le ventre. 

Jour de grève [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant