La paire de ciseaux en main, Anna regarde chaque mèche tomber. Une par une. Lentement. Comme pour la narguer, comme pour lui dire: "Tu auras beau fuir ton passé ma petite, il te rattrapera toujours." Alors, la jeune femme coupe plus rapidement, moins précisément mais avec autant d'ardeur et de colère. Fuir. Partir loin. C''est tout ce à quoi elle pense. S'enfuir de ce pays, de cette ville qui la vu naître puis grandir. Enterrer le passé dont elle ne veut pas se rappeler.
Au bout d'un bon quart d'heure, sa longue chevelure brune aux boucles soyeuse n'est plus qu'un léger souvenir, un poids en moins qui a laissé la place à une coupe à la garçonne dont quelques mèches rebelles se torsadent encore. Anna se regarde, s'observe dans la glace très attentivement. Des cernes de deux kilomètres de long à force de crises d'angoisse répétées, une peau très blanche du à peu de contact avec le soleil. Un visage qui n'inspire pas la beauté. Peu importe, elle veut juste vivre, être heureuse. C'est pour ça qu'elle a décidé de partir avec pour seul bagage un sac à dos acheté moult jours plus tôt dans une brocante. Emmener le moins de choses possible, le moins de souvenirs. Minimaliser. " Et puis, ça fait des économies." ironise t-elle. La brune sourit à son reflet. Elle ne peut plus se laisser abattre. Elle ne peut plus reculer, elle aime trop la vie pour ça. Anna revoit encore les lampions s'envoler vers le ciel. Elle revoit la lumière chaude des bougies se refléter dans les yeux des habitants, la petite main douce et fragile du garçonnet blond vénitien qui l'avait adopté comme compagne de jeu cette nuit là. Ce n'est pas ça qu'elle veut ensevelir, seulement les jours grises ou elle pleurait à chaudes larmes, les mains agrippées fermement autour de ses jambes, les ongles enfoncés dans sa chair. Elle aurait voulu que quelqu'un la prenne dans ses bras et la sert si fort qu'elle aurait réussi à pénétrer le cœur et voir toutes les déchirures même les plus petites ainsi que toutes les fleurs qui y avaient germées. Ces choses qui font de l'être humain ce qu'il est.
Alors Anna se lève et range les ciseaux dans leur étui. Les cheveux morts, elle les laisse au sol. Pour qu'ils puissent comprendre et garder un souvenir d'elle. Pour qu'ils ne l'oublient surtout pas puisqu'elle les aimes. Elle les aime si fort qu'elle a choisit de leur épargner, et de s'épargner à elle aussi, de façon totalement égoïste, la douleur des adieux.
Anna part. Elle s'en va vers une autre vie. Une vie qu'elle a choisi avec un pays qu'elle veut apprendre à chérir. Anna ne sera plus jamais la même.
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Danse Érotique.
AcakNombreux sont les textes que j'ai écrit durant mon adolescence mais, malheureusement, peu ont survécu. La plupart ont été jetés, ou dans un élan de rébellion, brûlés. J'ai décidé de poster ici chaque texte que j'écrirai à partir de maintenant, pour...