Ma vie tel un coquillage

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Les doux rayons du soleil auréolaient la dense forêt tropicale d'une délicate lueur dorée, retraçant chacune des larges feuilles scintillantes de rosée. L'angélique et apaisant bruissement de la brousse sauvageonne s'entremêlait harmonieusement avec le mélodieux fracas des vagues cristallines s'échouant sur le sable fin ponctué de discrets petits coquillages nacrés.

   Un craquement sec, suivit d'un rire pure et enfantin venant du plus profond du cœur, rompit le chant de Dame Nature.

—    Grand-Père! Grand-Père! Plus vite! s'écria Naéco avec enthousiasme, en bondissant joyeusement de ci et de là, enjambant les rochers ruisselants d'eau et caressant les écorces creusées par les siècles.

—    Mais oui, mais oui, ma petite! Je n'ai plus onze ans, ni ton énergie! répondit Grand-Père avec amusement, sa voix empreinte de sagesse et de douceur.

   Malgré sa foulée encore énergique, sa troisième jambe de bois, sculptée et incrustée de billes colorées, était essentielle en cas de trop grande fatigue de ses membres frêles.

   Naéco sourit et ne fit qu'accélérer, filant comme le vent, le pas aussi léger qu'une plume. Sa longue et dense chevelure d'un noir de jais ondulée virevoltait dans son dos, telles des panaches de fumée déchaînées.

   Enfin, apparut un fond céruléen couronné d'immaculé : l'océan. Naéco fonça, sauta en riant par-dessus un bouquet de fougère et s'arrêta lentement ensuite. Ses petits pieds halés s'enfoncèrent avec délice dans les timides petites collines de sable blanc, s'aplanissant lors de son contact avec sa sœur écumeuse. Les yeux de Naéco, d'un azur aussi profond et vif que les flots, se perdirent dans l'immensité bleutée épousant le ciel nuageux, émerveillés comme tous les jours par sa majesté.

   Grand-Père sourit tendrement lorsque ses yeux ambrés tirant sur l'orangé et pailleté d'or couvèrent sa petite-fille adorée. Si jeune et vive, son cœur pur s'émerveillait de tout, son regard scintillant de gaieté embrassant ce paysage autant familier que féerique, qui l'avait vu grandir et devenir la brave jeune fille qu'elle était aujourd'hui. Naéco se retourna lorsqu'il posa une main parcheminée sur son épaule bronzée. Il s'avança lestement vers la mer et plongea avec délice ses pieds usés d'avoir marché dans les vagues salines et scintillantes.

   Naéco le scruta un moment, détendue par les chuchotements houleux des flots, et son regard pétilla lorsque son vénérable aîné l'invita d'un signe de tête. Elle s'approcha et leva son minois peinturé de petits symboles délicats et colorés représentant sa tribu, s'agençant à sa jupe conçue de larges feuilles et de paille où trônait de jolies fleurs.

—    Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui? demanda Naéco avec entrain, la chasse aux coquillages? Ou aux poissons? Une recherche du plus beau crabe? Danser avec l'océan? Ou bien...

   Naéco s'interrompit brusquement lorsque Grand-Père posa un doigt sur sa bouche. Il lui sourit en secouant la tête et se mit à rire. La jeune fille l'accompagna, malgré que ce soit plus timidement vu son embarrassement.

—    Patience, petit soleil! Ta joie est lumineuse, tout comme ton excitation. Le plus beau vient à celui qui sait attendre.

   Naéco soupira en esquissant un sourire.

—    Donc, pour répondre à ta question, ma petite grenouille, aujourd'hui, je vais te « faire la leçon » ... comme tu dirais si bien.

—    Ah non, Grand-Père! protesta farouchement Naéco en croisant les bras d'un air boudeur. Pas comme Eriatiortau avec tous ces mots compliqués et ces devoirs trop longs!

   Grand-Père rit doucement et flatta pensivement sa barbichette immaculée luisant d'un éclat argenté.

—    Non, c'est une tout autre sorte de leçon!

Ma vie tel un coquillageWhere stories live. Discover now