-Tu crois que Père voudra bien ? Je demande en finissant de tresser mes cheveux et de les rattacher en une longue queue de cheval qui pend dans mon dos.
Il souri et passe la main dans ses cheveux noirs. J'admire son crâne, une moitié rasée et recouverte de tatouages noirs et une autre ou pend sa mèche de cheveux foncés. Moi aussi, je suis tatouée, jusqu'aux épaules. Tous mes dessins symbolisent quelque chose pour moi, la plus part représentant ma mère ou mon royaume.
-Il n'est peut-être pas obligé d'être au courant, rigole-t-il. Son sourire carnassier réchauffe mon sang. Bien d'hommes auraient été effrayés par cette mimique et ses yeux perçants.
Je souris et nous sortons. Nous descendons le gigantesque escalier qui mène au Siège du Faucheur. Les marches grincent sous nos pieds et tandis que nos pas résonnent, notre peuple s'agenouille devant nous. Rash y marque un point d'honneur. Nous traversons les couloirs froids et humides d'Anguis, jonchés de débris, d'ossements. Lorsque nous arrivons dans la grande salle principale, nous y retrouvons une partie de notre cours, quelques loups couchés sur des coussins poisseux ainsi que Père, siégeant dans son trône d'os. Ses doigts, allongés par de grandes bagues griffues, toquent sur les accoudoirs en forme de tête de cerf. Il porte une longue tunique noire au dessus d'un pantalon noir. Ses épaules sont recouvertes par une cape en peau de bête où une tête de loup pend dans son dos. Je reconnais son crâne complètement rasé mais recouvert de tatouages ainsi que sa longue barbe noire tressée. Il parle avec l'un de ses valets et lorsqu'il relève son œil gauche, son sourire sauvage s'élargit. Celui-ci est fait de verre et la pupille ressemble à celle d'un serpent, d'un vert vif, et c'est de là dont il tient son nom. A ses côtés, se tient Ashmahar, un piton aux écailles vertes et noires et au caractère fourbe.
-Mes chers enfants, déclare-t-il en se levant et en écartant les bras en signe de bienvenue.
Rash et moi nous présentons avec une révérence. Même si il est notre père, les règles sont strictes. Ici Père domine tout le monde, y comprit sa propre famille, et gare à celui qui ne respecterait pas les règles . Etant petite, je l'ai déjà vu tuer quelqu'un parce que son cheval n'était que trop près du sien.
-Bonjour Père, annonce Rash. Mara et moi venons te dire que nous partons pour la chasse.
Rash et Père ont cette même expression sauvage. Ils sont dangereux et même le plus fort d'entre nous les craint.
-Ah, c'est très bien car Estar et moi parlions justement du manque de viande, répond Père en désignant le petit être à côté de lui.
Estar est de petite taille, une teinte de peau entre le gris et le vert, de petits yeux blancs ainsi qu'un long nez crochu. Il est redevable à mon père car celui-ci lui a sauvé la vie. Malgré le fait que mon père a confiance en lui, je ne lui parle jamais et j'évite d'ailleurs de le faire.
-Et bien, nous ramènerons du gibier Père, ce qu'il faut pour nourrir les habitants, souffle Rash.
Ah oui ! Il faut aussi que je précise que la plupart des gens qui vivent ici sont morts. En réalité, les seuls êtres vivants de Tarn habitent au château. Parmi les autres, ces êtres morts, se trouvent les Nocturnes, créatures des ténèbres. Ils n'ont rien à voir avec les esprits qui vivent parmi nous. Père ne peut les contrôler. Connus pour leurs esprits fourbes, Rash et moi évitons de nous approcher de l'un d'entre eux.
Père se frotte le menton et ses doigts s'enfoncent dans sa barbe longue et épaisse. Il se racle la gorge et demande :
-Où allez-vous, exactement ?
Je blêmis et Rash se tend à mes côtés. Mon frère et Père se défient du regard, et c'est à celui qui baissera les yeux le premier. Notre père hurlerait et nous enfermerait dans le château si il savait où nous allons. Rash me jette un petit regard en coin et se racle la gorge, prêt à répondre mais je suis plus rapide que lui :
-Nous voulions aller à la rivière. Il y a toujours plein de poissons à cette époque de l'année et les autres animaux viennent s'y abreuver. Nous pensons que c'est un bon terrain de chasse.
Un silence pesant tombe sur la grande salle. Père nous observe comme si il lisait dans nos têtes. Plus le temps passe, plus j'ai l'impression que notre nez s'allonge par le mensonge. Il est interdit ici, on proclame la vérité. Rash me jette un regard discret dont il a le secret puis se tourne vers Père.
-Qu'en dites-vous, Père ? demande-t-il d'une voix faussement innocente. Ce n'est pas qu'une simple question. Il défie notre père de s'opposer à notre idée. J'ai déjà vu plusieurs fois mon frère et mon père se quereller pour des broutilles, et ce n'est pas joli à voir.
Il ouvre la bouche, puis la referme d'un coup sec. Notre père acquiesce. Je soupire de soulagement, un peu trop fort pour que cela paraisse naturel d'ailleurs. Nous nous dirigeons ensuite vers la grande porte d'entrée. L'air dehors est frais mais quelques rayons de chaleur se faufilent parmi les nuages grisonnants. Rash enfile sa longue cape fabriquée avec de la fourrure d'ours car malgré les quelques éclaircies que nous offre le soleil, Tarn est une région connue pour ses vents glacials. Nous nous dirigeons vers les écuries. Sur le chemin vers les box, nous croisons des loups, des lions noirs ainsi que toutes sortes de créatures qui rodent autour du château de mon père. Ils sont tous en vie, ou presque, grâce à lui. Ici, la moindre petite fleur, la moindre pousse d'herbe, la moindre petite particule de vie se décime sous nos pas. Nous sommes comme des chevaliers morts,des soldats fantômes.
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Rouge Venin
FantasyPrincesse des Morts et des Ombres, Mara Byron vit dans un monde où créatures des ténèbres et fantômes sont ses prisonniers. Coupée du reste du monde et en rébellion avec la famille royale, elle et sa famille sont contraint de vivre et de régner sur...