Prologue

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- Tu es promise à un grand avenir Calliandra. Un très grand avenir. Ne l'oublie jamais. Ceux qui ont vu en toi la fille de Pluton reconnaîtront bientôt leur erreur. Tu es Calliandra, digne petite-fille de Martial Benus, enfant maudite et rejetée par les romains mais pierre précieuse à mes yeux. Je vais mourir, mon heure est venue de partir. Je te confie aux bons soins de mon épouse. Je prie les Dieux pour qu'elle achève ce que nous avons commencé ensemble. Tu feras trembler Rome, Calliandra. L'arène toute entière scande déjà ton nom. Tu gagneras ta dignité et ta liberté et un jour, nous nous rejoindrons.


L'homme qui se trouvait en face de moi était âgé. Son teint se faisait de plus en plus pâle, son souffle, difficile. Il avait puisé dans ses dernières forces pour prononcer ses paroles bienveillantes au détriment de celle qui était sa femme et qui attendait, feignant la douleur et le chagrin, derrière moi. Il posa une main presque glacée sur ma joue sans me quitter des yeux. Les mots qui sortaient de sa bouche valaient mille caresses et je les aurais écoutés pendant des heures sans ciller, le sourire aux lèvres, si le trépas n'était pas présent dans la pièce, menaçant, chuchotant, impatient. Je ne croyais pas en ces Dieux que les romains vénéraient tant mais j'aurais tout donné pour qu'Ils me laissent mon grand-père un peu plus longtemps. Tout. Je les aurais priés, implorés, suppliés. Mais l'heure était venue de se résoudre, d'abandonner.


Je savais qu'à son dernier souffle, mon existence ne serait plus jamais la même. J'avais grandi à l'abri des menaces, derrière son ombre protectrice, sous ses yeux vigilants. Plus rien ne serait pareil. Les spectres de la folie pousseraient les romains à m'abattre, à m'offrir en sacrifice pour vénérer leurs Dieux, et son épouse, Tullia, ne ferait absolument rien pour les en empêcher. Je n'ai jamais connu ma grand-mère paternelle. Tullia a toujours fait partie de mes souvenirs d'enfance comme un serpent rampant dans la demeure familiale, insufflant son venin dans les méandres des pauvres esprits égarés qu'elle invitait à des festins indécents où le vin coulait à flots. Les convives venaient admirer le monstre que son ludus abritait. La tristement célèbre fille de Pluton. L'enfant née avec les cheveux couleur de flammes, couleur de sang. Calliandra, la femme aux cheveux rouge.


- Vous m'avez sauvée, protégée, aimée comme un père. Mon cœur est à jamais esclave de votre amour et de votre affection. Je saurai me montrer digne de votre confiance.


Une larme roula sur ma joue. Une immense tristesse envahit mon être tout entier. Je l'aimais tant. Je pris sa main dans la mienne et la portai à mes lèvres pour l'embrasser. Martial semblait si fragile. Un enfant. J'entendis le froissement d'un tissu dans mon dos. Tullia tendait les couvertures sur le corps affaibli. Un geste qui me signifiait qu'il était temps que je m'en aille, que je les laisse seuls, que je l'oublie.


- Je vous aime grand-père, murmurai-je à son oreille, les yeux rougis, avant de m'éclipser sans faire le moindre bruit, tête baissée, le visage grave. Je venais de tourner le dos au bonheur.



calliandra la gladiatrice : le rubis de romeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant