Qui suis-je?

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« Camille! Debout maintenant! Ca fait quinze minutes que je t'ai réveillée! » cria Claire depuis la cuisine.

En ce lundi matin, la fillette de bientôt six ans et demi était déjà réveillée alors que le soleil n'était pas encore levé. Une heure trop matinale compte tenu du fait que sa journée ne serait pas remplie car, bien que ce fût lundi, elle n'irait pas à l'école.

Et pour cause, la petite famille vivait dans une maison perdue dans la campagne du sud de la France, dans la région de Perpignan. L'école la plus proche se trouvait à une quarantaine de kilomètres. C'est pour cela que malgré son envie d'apprendre, la petite fille n'avait jamais pu s'y rendre. La fillette restait cloitrée chez elle avec sa mère.

L'école. Pour elle, y aller aurait été un rêve, ce qui est bien ironique pour une jeune fille de son âge qui devrait plutôt rêver de rester chez elle toute la journée pour jouer aux poupées ! De nombreuses fois, elle avait supplié sa mère de l'emmener et celle-ci, bien qu'agacée par ses caprices, n'avait jamais voulu que sa fille s'y rende. « C'est trop loin! » disait-elle. « L'aller-retour tous les jours, c'est impossible! ».

Et pourtant, Claire travaillait dans la pharmacie du village où se situait l'école et faisait déjà le trajet deux fois par jour. Mais selon elle, les horaires de la pharmacie étaient trop différents de ceux de l'école. « Mensonges, toujours des mensonges » pensait Camille.

Elle ne comprenait pas. Pourquoi sa mère ne voulait-elle pas que sa fille s'instruise et se fasse des amis? Et son père dans tout ça? Il n'avait aucun avis. Ca ne l'intéressait pas. Il ne pensait qu'à son travail lorsqu'il revenait pour le week-end. Il ne parlait même pas à sa petite fille. Il comblait son temps avec les émissions stupides qui passaient à la télévision le samedi après-midi, pendant que Camille travaillait avec sa mère dans la pièce à côté. Tandis que le dimanche matin, qui aurait pu être familial, calme et agréable, se déroulait toujours dans une ambiance tendue puisque la mère, agacée par son flemmard de mari, n'arrêtait pas de s'énerver contre tout le monde.

L'après-midi était donc plutôt calme : chacun dans son coin, seul, en silence. Camille était fatiguée. Personne ne devrait avoir à subir une famille pareille à son âge.

Aujourd'hui, comme tous les autres jours de sa vie monotone, Camille devait ranger la maison et s'occuper comme elle pouvait lorsque sa mère n'était pas là. Puis, plus tard dans la journée, lorsque Claire reviendrait, la petite fille serait contrainte d'écouter les cours de français et de mathématiques donnés par sa mère. Elle brulait d'ennui à la simple pensée de devoir supporter la voix dénuée d'entrain de sa génitrice pendant des heures.

Quant à son père, il était parti dans la nuit et avait laissé toutes ses affaires dans le dépotoir qu'était devenu le salon. Effectivement, ses parents, s'étant énervés violemment la veille au soir, avaient fait chambre à part. La cause de cette dispute était à n'en pas douter la demi bouteille de whisky ingurgitée par le père et le comportement exécrable de la mère. Ainsi, Camille, au milieu de tout ça, et bien que n'ayant rien demandé à personne, se retrouvait à faire la bonne dans le salon ravagé par la guerre que se menaient ses parents.

L'ambiance à la maison en ce lundi matin n'était donc pas joyeuse. Claire avait déjà préparé le petit déjeuner. Elles mangèrent ensemble mais, de tout le repas, une seule et unique phrase, dite par Claire, fut exprimée: « Tu as bien dormi? ». Sur quoi Camille répondit par un simple hochement de tête. S'ensuivirent de longues minutes de silence total. Seul le bruit des mouches qui volaient dans la maison comblait ce silence infernal. Heureusement que Pupuce, leur gros Saint-Bernard de trois ans, redonnait la dose minimum de bonheur pour ne pas tomber en dépression nerveuse. Ne connaissant aucun autre enfant, Camille n'avait que son chien avec qui elle pouvait jouer. Il était devenu son meilleur ami.

Qui suis-je?Where stories live. Discover now