c'est la pluie ..

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L'averse a surpris tout le monde. Depuis des heures pourtant, le ciel faisait grise mine. Une obscurité progressive couvrait la ville. La matinée avait gardé son pyjama, tardait à se lever, traînait avec frilosité, en toussotant comme une grippée.

Sans trace de vent, la pluie tombait serrée et droite. De grosses cordes d'eau formaient de vastes flaques, dévalaient des caniveaux. Un sauve-qui-peut général était l'unique mot d'ordre d'une population piétonnière en déroute. Le dos voûté, les sourcils froncés et la tête basse, je scrutais les proches environs à la recherche d'un providentiel abri.

Là, dans ce renfoncement du cinéma, je peux m'abriter. De grands containers à poubelle offrent un paravent appréciable aux projections d'eau de la circulation automobile. Je souffle un peu, appuyé sur les portes vitrées du Palace, fermé à cette heure. Je frissonne et resserre ma veste, les mains enfouies au fond des poches. Combien de temps va durer cette averse ? A la couleur du ciel, cette pluie peut durer toute la journée.

Je l'ai vu arriver de loin.

Face au cinéma, la grande place se vidait comme un lavabo. Les platanes se pissaient  dessus et les terrasses des bars, non couvertes sur cette place, s'enfonçaient dans des ruisseaux de flotte.

Elle marchait d'un pas rapide et slalomait entre les flaques. Son trench-coat beige était sombre de pluie aux épaules, ses cheveux mi-longs pendouillaient misérablement. C'est en pénétrant sous ce porche que ses yeux m'ont découvert. Des yeux bruns écarquillés, étonnés. Elle a murmuré un frêle bonjour à mon regard courtois et compatissant. L'étroitesse de l'abri ne lui permettait que peu d'espace pour être à l'abri des projections d'eau. Ce peu d'espace nous a presque collé l'un à l'autre. J'entendais sa respiration, sentais son parfum, écoutais ses bruits de pas, le frottement de son trench-coat dans ses mouvements. Elle fouillait son sac à main et en sorti un paquet de cigarettes. Je l'observais du coin de l’œil et la pluie reprenait de plus belle. Pas de briquet ? La fouille était minutieuse mais l'objet désiré avait été oublié quelque part. Je lui tendais le mien. Ses yeux se sont plantés dans les miens avec gratitude. Son sourire a accompagné un merci timide et doux. Quelques dizaines de centimètres nous séparaient. Je sentais la fumée de sa clope en regardant sa nuque, ses cheveux châtains et plaqués par l'averse. Une grosse limousine allemande aussi sombre que la chevelure blanche de son conducteur a copieusement inondé notre abri. Un pas en arrière l'a collé complètement à moi. Son col remonté me touchait la gorge. Par réflexe, j'ai sorti mes mains de mes poches comme pour l’enlacer, la protéger mais je me suis gardé de justesse de le faire. Elle s'est partiellement retournée vers moi et m'a murmuré de vagues excuses gênées « c'est la pluie ... ». Troublé, moi aussi et peu à mon aise, j'ai toussoté un « je sais... ». Elle n'a pas bougé. Elle est resté près de moi. D'autres voitures agacées et rapides menaçaient de la tremper à nouveau. Elle n'a pas bougé et je me sentais étourdi par sa présence. Depuis des mois je n'avais eu de contact aussi rapprochés avec une femme. Nous étions cachés, partiellement, par les containers et derrière nous, au delà des portes vitrées du cinéma, un hall vide, garni d'affiches de films, de distributeurs de sucreries et de boissons. Des murs sales en béton fermaient les côtés de notre espace. Combien de temps sommes nous restés ainsi ? Je ne sais pas. Dix minutes, peut être, le temps pour elle de fumer sa cigarette.

Je retenais presque ma respiration et ne bougeais pas d'un cheveu. Elle non plus, jusqu'à ce que la sonnerie de son téléphone brise ce moment d'intimité humide. En fouillant son sac, en décrochant l'appareil, elle n'a pu éviter de se frotter à moi. Elle a du constater ma gêne et le fard que je n'allais pas tarder à piquer...Elle eu un drôle de sourire à mon égard lorsqu'elle débutait sa conversation.

D'un mouvement de tête, elle envoyait ses cheveux pour se dégager l'oreille. Quelques gouttes d'eau vinrent rafraîchir mon visage et me faire sursauter. En répondant à son interlocuteur, elle me fit une drôle de grimace amusée. Je lui répondais d'un sourire bienveillant. Cette situation commençait à m'amuser et ...à me chatouiller le bas ventre. Je pris appui sur les vitres, de façon décontractée. La pluie s'abattait toujours avec rage et la place comme la rue étaient à présent désertées. Les voitures beaucoup plus rares nous isolaient un peu plus dans ce porche improvisé, derrière ce rempart de poubelles.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 24, 2014 ⏰

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