2. Count on me

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 Le Rayon de Soleil. J'aperçois l'enseigne juste de l'autre côté de la rue. Les couleurs chaudes se fondant les unes aux autres s'échappent du paysage de crépis blanc. La devanture peinte par un professionnel est faite pour attirer l'oeil et je dois avouer que le dessin du soleil joue bien son rôle. Les courbes aux allures de feu réchauffent l'atmosphère glacial que l'hiver ramène avec lui.

Mais malgré les belles allures du bâtiment, ce qui m'y attends me panique. J'ai l'impression de ne plus savoir travailler, certainement à cause de tous mes licenciements. Pourtant je n'ai pas arrêté d'enchaîner les petits boulots. A défaut de faire des études, ou même de travailler ma musique...

J'ai du me crisper parce qu'Emma attrape ma main pour me rassurer. Je dois tellement lui communiquer mon stress. Ou bien elle stresse pour elle-même. Elle travaille au café depuis un an et demi, peut-être même deux ans. Elle pourrait se faire renvoyer, simplement parce qu'elle m'a recommandé pour ce job. J'ai une double pression sur les épaules. Si je fait tout foirer, on plongera tous les deux.

Je sens sa main accentuer sa pression pour me témoigner son soutien.

« On doit y aller Asher. »

Je remarque que je me suis figé en plein milieu du trottoir. Je ne pensais pas que j'étais soumis au stress au point de ne pas remarquer mes propres actions. Mais en même temps, si je perds ce job, je perdrais ma raison de vivre. Je ne dois rien gâcher. Je ne veux pas foutre en l'air ma vie, déjà que je ne vole pas bien haut.

« Si tu as besoin d'aide tu peux compter sur moi, et tu pourras compter sur tout le monde. Tu ne seras pas le seul nouveau non plus. Prends une grande inspiration...»

J'obéis.

«... et expire lentement. Maintenant mets un pied devant l'autre pour te remettre à marcher.»

Elle attend que je fasse le premier pas. Emma ne veut pas me presser. Il faut que j'avance. Je n'ai pas le choix. Alors j'avance. Tout se passera certainement bien. Il n'y a aucune raison que ce soit une catastrophe. Dans le contrat que j'ai signé il est stipulé que le patron me formerait lui-même la première. Moi et tous les nouveaux.

Le contact de la peau d'Emma contre la mienne me rassure. Sentir une présence familière tout contre moi, avec moi, m'apaise. Surtout quand il s'agit de ma meilleure amie. Elle sait toujours bien me cerner. Elle a toujours su le faire. Ce qui est, je l'avoue, parfois, assez agaçant. Elle est parfois maladroite, mais elle sait à chaque fois m'aider de la manière dont il faut.

A chacun de mes pas, le café se rapproche. Logique. Mais étrangement mon stress n'augmente pas au fur et à mesure que la distance se réduit. Je me dis que de toute façon si je ne le fais pas, les conséquences seront encore pire que si j'essaie et que j'échoue. Comme me dirait Emma «qui ne tente rien n'a rien». Enfin, en l'occurrence, c'est plus pour ne pas perdre que pour obtenir.

Dans le centre-ville, les voitures affluent de toutes part, nous offrant leur gaz d'échappement. L'air y est lourd et pesant dans les poumons. Ici, c'est tout l'inverse. L'oxygène est pur, en équilibre avec tous les autres gaz. Chaque inspiration est une bouffée de liberté et de paix. C'est certainement que le parc joue un rôle important dans cette purification de l'air.

Nous y voilà. Juste devant la porte. Je me place devant la vitrine pour essayer de voir à quoi de ressemble. J'ébouriffe mes cheveux pour le donner un semblant de forme puis les replacent conformément sur le côté.

« Aller Casanova, tout le monde doit te voir à l'intérieur.»

Qu'ils me regardent, qu'ils m'observent, qu'ils m'admirent. J'ai besoin de me recoiffer et cette vitre à moitié teinté en orange est le seul reflet auquel j'ai accès. Elle m'attrape le bras et me tire. J'ai compris le message Emma, j'arrive.

Des Cendres sous les CieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant