Solitude apaisante : Grenadine

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Il a grandit. Désormais adulte.

Il n'est pas très fier de son job : informaticien, travaillant dans un bureau, derrière son clavier et son écran toute la journée. Enfin, bien qu'on ne soit vraiment seul dans son métier où la coopération, le dialogue et le travail en groupe sont de mise, il ne tisse aucun lien avec ses collègues.

Et donc, bien qui ne se vante pas de son travail, il l'apprécie. Un peu au moins, et c'est déjà ça. Travailler avec des ordinateurs lui sied, du moment qu'il ne doit pas dialoguer avec d'autres personnes toute la journée.

Il n'a personne qu'il peut appeler ami. Il fait son maximum pour rester seul car cela lui convient. Il fait ce qu'il veut, il est indépendant, sans attache.

Il ne sait pas trop quand il s'est mis à apprécier cette solitude : petit à petit sûrement, durant ses études.

Désormais, il vit seul dans un petit appartement. S'il veut pleurer toutes les larmes de son corps en lisant un livre triste, alors il peut. S'il veut regarder une série américaine clichée toute la nuit, alors il peut. S'il veut écouter de la musique à fond et chanter faux et fort par-dessus, alors il peut. Et s'il veut mettre beaucoup de grenadine dans ses verres d'eau, alors il peut. Tout cela sans aucune crainte d'être jugé, observé, et sans l'envie inconsciente de plaire.

Il s'était rendu compte que toutes ses actions quotidiennes ou tous ses mouvements, son comportement, sa posture, tout cela était modifié lorsqu'il y avait une personne près de lui. Que ce soit un proche, un inconnu ou n'importe qui. Alors forcément, seul chez lui il se sentait véritable, et cette vérité l'enivrait.

Ça y est, il se souvient maintenant d'où vient cette satisfaction de la solitude. C'était durant le dernier mois qu'il a passé chez ses parents, alors qu'il était étudiant. C'est idiot, mais c'était un week-end, ses parents n'étaient pas là, il était seul chez lui, et notre cher héros était tombé sur une bouteille de sirop de grenadine. Les souvenirs des verres préparés avec ce sirop qu'il buvait au centre aéré ou quand il rentrait de l'école lorsqu'il était enfant l'assaillirent et le poussèrent à se servir un verre. Il choisit de mettre beaucoup de sirop, pour avoir beaucoup de goût et sentir le sucré sur sa langue.

Jamais il n'avait bu de verre à la grenadine aussi sucré. Ses parents l'empêchaient d'en mettre trop alors qu'il était gamin. Et aucune culpabilité ne le pesait, pas comme quand il faisait ça dans le dos de ses parents, avant.

Une prise de conscience était alors venu le frapper. Il dictait lui-même ce qu'il faisait, il était libre, indépendant et responsable ce chacun de ses mouvement. Et cela lui fit pousser des ailes.

Il trouvait ça idiot d'en être arrivé là grâce à un verre de grenadine. Mais si drôle.

Il ne pouvait exprimer à personne à quel point il était épanoui lorsqu'il se trouvait seul. Alors il le disait.

- J'suis heureux.

Tout seul, chez lui, à haute voix. Et ça le faisait rire, ça aussi. N'est-on pas heureux lorsqu'on arrive à s'amuser de ces choses ?

Certains le trouvaient fou, d'autres pensaient de lui que c'était un drôle de personnage, quelques-uns tentèrent même de se rapprocher de lui, en vain. Et quelque soient les mots qu'on choisissait pour le définir, ils étaient vrais.

Enfin, je crois que c'est sur ces mots que l'histoire se termine.

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