Chapitre XVI

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XVI

Une petite heure plus tard, Hannah savait tout de son futur gendre. Rien n'avait été écarté, et il fallait dire que Clarisse avait bien préparé son dossier avant même d'interpeller pour la première fois Karden. L'impératrice avait noté tous les points fort, tout le sang noble qu'apportait l'union, toutes les qualités du jeune garçon, mais aussi ses moindres défauts comme les derniers reproches que l'on faisaient à ses parents. À tout cela s'ajoutait un inventaire des terres et biens que cette union apporterait à la future souveraine d'Angleterre-Allemagne-Hongrie. Il n'était pas question de faire un second choix ou quoi que ce soit du genre ; Clarisse s'occuperait au plus vite des termes du contrat. Hannah se leva de son trône et s'avança vers la Comtesse du Devon les bras tendus, et la serra amicalement contre son cœur.

– Amie, lui dit-elle, tu as bien travaillé pour ta patrie comme pour ton pays d'adoption. Il ne faudra pas que tu tardes ; tu repartiras d'ici deux jours. Ton fils pourra rester avec ses cousins, je ne pense pas qu'il sera contre. Tu viendras le rechercher dans deux ou trois semaines, avec les premières promesses pour le contrat... cela te convient-il ?

C'était plus une marque de confiance qu'une menace dissimulée ; mais Hannah avait parfois quelque chose d'insondable qui laissait toujours place au doute. Clarisse ne laissa paraître aucune autre émotion que la gratitude et s'éclipsa poliment. Hannah, quant à elle, n'avait pas de temps à perdre. Elle était très satisfaite ; décidément, Clarisse ne manquait pas d'être une alliée avantageuse. N'importe quel homme porteur d'un beau nom de France aurait fait l'affaire. Alors un neveu éloigné du grand-duc, et jeune avec ça – un peu trop jeune peut-être, mais que sont deux ans de différence sur toute une vie ? Il apporterait de la fraîcheur à la cour, sans aucun doute. La famille impériale agrandirait son cercle, passant du clan fermé à l'alliance internationale. C'était pour le mieux.

Ce fut donc sur ces heureuses pensées qu'elle sortit à son tour et se dirigea vers l'escalier du grand hall pour regagner les appartements de Maïke. Une impératrice ne connaît pas d'antichambre ; elle entra directement et frappa deux coups sur la porte du salon au moment où elle l'ouvrait. Maïke tressauta légèrement en se retournant et sourit à sa femme.

– Alors ? s'enquit-il.

– Alors, puisque je suis ici, tu te doutes bien que j'avais fait le bon choix quant aux personnes à qui confier cette tâche ; et je viens donc t'annoncer que ton futur beau-fils s'appellera Jean de Bretagne. Un beau nom, pas vrai ?

Après tout, le nom avait intérêt à être beau pour qu'on lui sacrifie l'aînée de la descendance Huckledown. Le sourire de Maïke s'élargit, creusant une petite fossette sur sa joue gauche.

– Magnifique, dit-il.

– Pour Saul, rien n'est encore décidé, se sentit obligée d'ajouter Hannah, – enfin, pour Maria-Olivia non plus, me diras-tu, mais de ce côté-là, je n'ai pas vraiment de doute. Cependant il me semble que nous ne devons pas viser plus bas, du moins dans un premier temps, que l'infante Marie d'Espagne. On ne lui connaît pas de parti officiellement annoncé, aussi faut-il s'y prendre sans plus tarder pour aller demander sa main pour le troisième héritier de la couronne d'Angleterre-Allemagne-Hongrie.

Maïke ne répondit rien, mais son visage parlait de lui-même ; il était comblé.

– Et ce n'est pas tout. Il est évident, dans les décennies à venir, que Saul pourra réclamer la gouvernance de la Hongrie lorsqu'elle sera vacante – j'exprimerai d'ailleurs ma succession en sa faveur à ce sujet et en celle d'Amelius pour l'Allemagne. Un triple empire géré par trois frères et sœurs... c'est un beau monde, ne trouves-tu pas ?

– Si, bien sûr. Si tout se passe comme prévu, Saul passera quelques années en Espagne... ce ne pourra qu'être bénéfique à la diplomatie internationale future. Puis il pourra dépayser un peu son épouse en la menant à la tête d'un pays nouveau. La Hongrie... c'est bien plus agréable qu'il n'y paraît, j'en sais quelque chose. Pour l'instant, Yarin n'a pas d'enfant – il n'a même pas de compagne officielle, à ma connaissance –, et de toutes façons, nous n'aurions aucun mal à l'écarter. Il n'est pas envisageable qu'il profite de sa situation exceptionnelle pour ancrer sa descendance là-bas. Mais allons, ne nous attardons pas trop en considérations ; ne faudrait-il pas convier les principaux intéressés ?

Les Derniers (Les XXIs, livre IV)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant