Cauchemar dans le noir

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Noirceur totale décrivait bien ce lieu pourtant familier à Sarah. La chambre d'ami avait toujours été son lieu de calme, à l'abri de Jacob, son beau-père. Si elle n'était pas complètement terrifiée, elle aurait trouvé comique que cette même pièce soit sa prison actuelle.

Cette situation est le résultat d'une suite d'événements qui, habituellement, n'auraient pas semblé interreliés, mais qui avaient, à ce moment, une fatalité si prononcé qu'il était ridicule de penser à une coïncidence. D'abord, la bagarre entre les deux adultes au rez-de-chaussé. Ensuite, la panne d'électricité. Pour finir, le corps de son père, sans vie, sur la moquette du salon. Oh! Et sans oublier Jacob qui l'attrape par les cheveux et l'enferme dans la chambre d'ami. Pauvre Sarah...

La chambre d'ami avait une particularité étrange, mais qui avait toujours rassuré l'adolescente: elle ne possédait pas de fenêtre. Aujourd'hui, c'était bien le pire aspect de cette pièce: aucune lumière, car évidemment, après la panne de courant, l'interrupteur était aussi inutile que l'avait été la carcasse de son géniteur, la narguant dans le noir. De plus, sans fenêtre, aucune sortie possible, car elle se croyait bien incapable de défoncer un des murs assez discrètement pour ne pas alerter le fou qu'elle entendait faire la ronde à l'étage du dessous, probablement en train d'attendre le retour de sa mère pour lui faire subir à elle aussi un sort inconnu. Bien que l'envie de se résigner à son sort fut tentant, elle décida que sortir serait sa priorité, peu importe les moyens nécessaires. Non, Sarah n'était pas une héroïne, mais l'idée de perdre sa mère la désolait au plus haut point, et qui sait ce que le fou lui ferait après avoir attrapé sa mère?

Il devait maintenant faire nuit. L'adolescente avait eu beau tâter toute la chambre à la manière d'une aveugle, elle n'avait découvert ni source de lumière, ni moyen de s'échapper. Elle regrettait maintenant de ne pas être comme son amie Laurence, qui se faisait un honneur de garder en poche son cellulaire 24 heures sur 24. «Par contre, Laurence n'aurait pas tenu cinq minutes dans le noir...», se dit-elle pour se rassurer, sa voix s'éteignant dans le tissus de noirceur l'entourant lentement, l'étouffant. Ce dont elle avait besoin, c'était d'une confirmation. Une preuve qu'elle pouvait braver la solitude. Malheureusement, ses mains tremblantes la persuadèrent rapidement du contraire.

Sarah s'éveilla d'un sommeil agité. Elle ne se rappelait pas s'être endormie, mais il n'y avait rien d'étonnant là, vu l'absence de tout stimuli extérieur. Pas même un son... Une idée vint alors à son esprit effrayé mais plus calme qu'auparavant: «Et s'il dormait?» Tout être vivant a besoin de sommeil, même un monstre comme lui! Sur la pointe des pieds, elle se dirigea vers la porte, saisit la poignée... Quelque chose clochait. La porte s'ouvrit d'elle-même et, sous le coup de la stupeur et de la joie, elle ne réfléchit pas au fait que cette situation était on ne peut plus illogique, ni que la poignée de porte de la chambre d'ami n'avait jamais représenté un serpent sombre. Elle se coupa sur les crocs acérés de celui-ci, mais n'y porta pas attention, après tout, elle était libre! Elle ne pouvait se douter que le cauchemar ne faisait que commencer...

La chambre d'ami étant localisée à l'étage, il était impératif de rejoindre le rez-de-chaussé pour s'enfuir. Elle descendit lentement les marches, restant discrète malgré les grincements habituels qui auraient habituellement dénoncé sa présence. Arrivée dans le hall d'entrée, elle se dirigea sur la pointe des pieds vers la porte principale, semblant étrangement imposante dans le noir.

Elle s'en approcha.

Le noir total...

Elle agrippa la poignée.

Quelle noirceur écrasante...

Elle tira celle-ci de toutes ses forces.

Que c'est dommage...

Vers la liberté!

Il y a des moments dans la vie‎ où celle-ci se joue de vous, vous fait désespérer, vous tue de l'intérieur... Pauvre Sarah...

De retour dans la chambre. La chambre d'ami. L'adolescente ne se souvenait de rien après l'ouverture de la porte. Derrière celle-ci, seule la noirceur s'était découpée. Elle se redressa sur le lit et inspecta la pièce. Son regard se fixa rapidement sur la poignée de la porte devant elle et elle perçut vaguement une lueur noire dans les yeux du serpent. Comme un réflexe, elle baissa le regard vers sa main écorchée et sentit le sang goutter abondamment sur ses doigts depuis sa paume. Par contre, aucune douleur, aucun élancement. Sans avoir le temps de réaliser la vraie nature de sa situation, la chose fondit sur elle. «Quelle jolie Princesse tu fais»,fit une voix sifflante.

Sarah sentit des membres huileux et minces, mais tout de même osseux et fermes, se glisser sous son chandail. Horrifiée, la gamine apeurée se débattit sans succès. Les choses se débattirent contre elle avant de réduire sa blouse, son chandail et son soutien-gorge en miettes. «Oh belle Princesse, tu fais fondre mes entrailles, j'espère que c'est réciproque», dit la voix, ricaneuse et nasillarde. Les membres s'attaquèrent ensuite au bas de son corps pour faire glisser de manière mielleuse son pantalon, sans oublier le sous-vêtement rose. Nue et humiliée, Sarah se recroquevilla sur elle-même, pensant former une protection naturelle avec son corps, comme une carapace. Malheureusement pour elle, son assaillant n'était pas du genre à se décourager pour si peu, ivre de tentation et de perversité. Durant les heures qui suivirent, Sarah vécut ce qui seraient les pires heures de sa vie.

L'adolescente, réduite à l'état de femelle, se réveilla en sueur dans la chambre d'ami. Elle se sentait sale, malade. Par la porte entrouverte, on voyait les rayons du soleil caresser les dalles de plancher. Cette chambre d'ami semblait bien moins menaçante, tout à coup. Elle s'y serait presque sentie à l'aise si un ronflement familier n'avait pas perturbé son éveil. Elle se retourna lentement, cherchant à comprendre...

Un Jacob nu gisait sur le lit, pris par un sommeil profond. Elle abaissa les yeux sur son propre corps pour remarquer qu'elle l'était aussi. Accablée d'un doute, elle renversa le couvre lit sur le côté et se mit à pleurer. Une substance chaude et visqueuse coulait d'elle, accompagnée d'une mer de sang. Elle cria.

Elle sentit alors un doigt se déposer sur ses lèvres. Prête à insulter ce monstre, ce salaud, cette abomination, elle ouvrit les yeux. Après tout, ça ne pouvait pas empirer! Le cauchemar était fini, non? La créature à tête de serpent et au corps flasque qui se tenait à quelques centimètres de son visage, flottant au dessus de Jacob, lui fit un sourire carnassier et d'un rictus amusé lui dit:

«Tu croyais t'échapper, Princesse? On se revoit ce soir...»

Cauchemar dans le noirWhere stories live. Discover now