Chapitre 4

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— Je tenais à répondre à ce que tu m'as dit, l'autre fois, en sortant du cours de potions. Tu m'as demandé, si je me souviens bien, comment je pouvais oser te parler après ce que j'avais fait.

Le cœur battant, je m'interrogeai tout de même sur ce qu'il pourrait inventer mais surtout, pourquoi il se sentait obligé de se justifier devant moi. Le Serpentard s'assombrit.

— Je ne nierai pas ce que j'ai fait.

Je faillis lâcher un « encore heureux ! »

— J'ai agi sous la pression..

— Facile à dire !

— Ferme-la, laisse-moi parler.

Je me sentis fortement rougir. J'avais envie de le traiter de tous les noms, mais j'étais quand même curieuse d'entendre la suite.

— En sixième année... C'était soit vous, soit moi. Et si j'avais pas été là, tout aurait quand même eu lieu.

Il prenait du temps avant de parler, certainement pour me faire mesurer l'importance de ses paroles. Je fronçai les sourcils, attentive.

— J'étais même pas indispensable à tout ça, tu comprends, Granger ? Le Seigneur des Ténèbres aurait pu confier cette mission à n'importe qui, notamment à Rogue, en qui il avait entièrement confiance.

Il marqua une pause, amer.

— Je n'étais que son instrument de vengeance. En me demandant quelque chose d'aussi dangereux que de faire entrer des Mangemorts à Poudlard, le Seigneur des Ténèbres punissait mes parents pour l'incapacité de mon père à accomplir ce qu'il lui avait demandé. La prophétie, le journal, tout ça. C'est à cause des erreurs de mon père que j'en suis là. Même si j'avais sacrifié ma vie en refusant cette mission, ils seraient quand même parvenus à entrer dans l'enceinte du château. Ce n'était qu'une question de temps, Granger.

Je me mordis la lèvre. Devais-je penser que Malfoy se serait vraiment sacrifié, si ça aurait pu épargner toutes ces vies, ou était-ce un odieux mensonge ?

— Je n'irais pas jusqu'à dire que cette mission me répugnait profondément. Je ne veux pas être hypocrite, c'est pas le but. Je pensais vraiment vouloir servir le Seigneur des Ténèbres, du mieux que je le pouvais parce que.. parce que c'était comme ça, c'était ma destiné, et pendant un certain temps, je l'avais acceptée en faisant taire les questions que ça soulevait. J'étais le fils de Lucius Malfoy, je ne pouvais pas être autre chose qu'un Mangemort. Alors je me suis pris à mon rôle. Mais au moment de tuer Dumbledore... Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas lancer le sort, et ça a failli me coûter la vie. Si Rogue n'était pas venu à ce moment-là, ils m'auraient certainement tué sur place. Rogue m'a  sauvé.

Il marqua une pause, baissa les yeux, se perdit quelques secondes dans ses souvenirs, puis se redressa, la tête haute, une lueur d'animosité dans le regard.

— C'est pour ça que j'ose te parler, Granger. Ne va pas t'imaginer que je pense que ce j'ai fait est juste. Je pensais même pas pouvoir remettre les pieds dans cette école. Je combats tous les jours ce sentiment de honte qui me rappelle que je suis un des coupables de l'horreur de cette guerre. Je sais même pas si je mérite encore de vivre, et, comme tu l'as si bien remarqué... être agressif est ma seule façon d'exister.

J'en eus le souffle coupé.

Draco Malfoy était là, en chair et en os, et il venait de m'avouer, à moi, de très lourds secrets.

Je mis du temps à encaisser ce qu'il m'avait dit. Puis je me mis à réfléchir, le plus vite possible.

Bien sûr, je savais que les Malfoy avaient inculqué à leur fils la haine des sans-de-bourbe, comme ils les appellent, l'adoration du sang pur, et, par la même occasion, l'adoration de Lord Voldemort. Seulement, je n'avais jamais vraiment douté que Draco puisse remettre en cause cette éducation et ces valeurs. Il est vrai que j'avais pensé qu'il était trop jeune pour remplir une telle fonction, en sixième année, et j'avais vu juste, Voldemort l'avait choisi pour punir sa famille, et non pour ses aptitudes exceptionnelles. Quelle que fût la situation, s'il s'était rebellé, il aurait été éliminé. D'après Harry, le soir de la mort de Dumbledore, il avait vraiment abaissé sa baguette. Il s'apprêtait à rejoindre le camp des bons. Il aurait pu combattre de notre côté...

Ces pensées s'embrouillèrent dans mon esprit. Il restait quand même une petite partie de moi qui me criait que je devais rester méfiante face à quelqu'un comme Malfoy. Tout ce que je pus lui répondre fut :

— Très bien.

Ca ne sembla absolument pas le satisfaire. Toutefois, il descendit habilement du bureau, glissa ses mains dans les poches de son impeccable tenue noire et s'avança prêt de moi sans me lâcher du regard. Ses yeux n'exprimaient aucune émotion. Il revêtait, comme toujours, un masque de fer.

— J'espère sincèrement que tu me crois, Granger.

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