Céleste pria son père de ne point ébruiter l'affaire de sa mésaventure. Elle savait bien que se plaindre au Principal de l'établissement ne servirait à rien et ne ferait qu'empirer les choses. Alors elle poursuivit sa routine coutumière et monotone avec la lassitude d'un damné. Elle apprit à ignorer les remarques désobligeantes qui n'avaient fait que croître depuis que Roseline l'avait menacée. Chaque jour, elle avait l'impression de s'enfoncer plus profondément, progressivement, dans le sol, prisonnière de son maussade quotidien. Délivrées de leur "amitié" avec l'adolescente, Tiphaine et Eulalie devinrent exécrables. Tous les coups bas étaient permis, et les autres élèves se rallièrent bien vite à leur cause, si bien que le calvaire de Céleste ne fit que s'accroître de jour en jour.
À la sortie de son cours de Sciences et Vie de la Terre, la jeune fille aperçut son sauveur invisible à l'angle du couloir. Elle se précipita vers lui et lui tapota l'épaule. Thomas se retourna, la mine surprise, mais son étonnement disparut bien vite pour laisser place à un visage impassible.
— Céleste. Salut.
— Je... Je ne t'ai pas remercié pour ce que tu as fait, l'autre jour. Tu sais, le cadenas... le casier...
Le garçon haussa les épaules.
— Inutile de me remercier. Je ne vois pas pourquoi je t'aurais laissé crever, je ne tiens pas particulièrement à avoir une morte sur la conscience.
Et, sur ce, il tourna les talons.
— Eh bien tu es le seul de ce collège à penser ainsi ! lui cria l'adolescente. Les autres n'auraient eu aucune difficulté à supporter la vue de mon cadavre.
— Navré, Wonderline, mais je pars dans trois semaines.
***
Quelques jours plus tard, le niveau de tolérance de Céleste chuta violemment alors que l'amusement de ses camarades augmentait d'un cran.
Alors que la jeune fille pénétrait dans le réfectoire, son plateau entre les mains, Eulalie trouva le moyen de la faire trébucher, et elle s'étala de tout son long dans les débris de son déjeuner en miettes. Des rires gras s'élevèrent alors dans la salle tandis que la victime entreprenait de ramasser ce qui restait de son repas, les joues et le front cramoisis.
— Bah alors ! railla Tiphaine. On est maladroite, Wonderline ?
Et elle donna un coup de pied dans le plateau en morceaux de Céleste.
— Tu ne comptes tout de même pas gâcher de la nourriture, Céleste ! susurra Eulalie. Si ?
Elle appuya du plat de la main sur la tête de sa victime, qui s'affaissa dans sa purée d'épinards. Les rires se firent plus bruyants, plus violents.
Humiliée, Céleste sentit bouillir en elle une fureur noire. Saisissant le bras de Tiphaine, et la tira violemment vers le sol. Les deux amies ripostèrent par des coups, et leur victime refusa de se laisser surpasser. Hélas, les autres élèves présents dans le réfectoire se jetèrent dans la mêlée et la jeune fille se roula en boule sur le sol, la tête entre ses bras, des points de toutes les couleurs dansant sous ses paupières.
— STOOOOOP !
Les élèves s'écartèrent en masse, surpris et légèrement apeurés.
— Allez, allez ! Dégagez ! Dispersez-vous bande de moutons ! La récré est terminée.
Céleste saisit la main secourable que lui présentait son sauveur et se releva avec difficulté. Elle fit alors face à nul autre que... Thomas Marx.
— J'ai une nouvelle dette envers toi, on dirait, murmura-t-elle.
— Tu n'as aucune dette à payer. Si j'ai fait ça, c'est simplement parce que leur lâcheté m'a donnée envie de vomir. Je déteste les élèves qui suivent le mouvement sans réfléchir et qui s'en prennent à plusieurs à une personne plus vulnérable.
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Le syndrome des cœurs de pierre I - Pupille
Fantasy/!\ EN COURS DE RÉÉCRITURE Tome premier « Dans nos cœurs en perdition, L'amour s'est volatilisé. Mais en ces relents d'émotions, Même la haine n'a subsisté. Seule l'impassibilité souffle en cette terre, Où tous nos cœurs sont faits de pierre. » P...