Gasoline

Chapitre 4 : Duchesse

Felix ne pouvait en croire ses yeux. Celle dont il avait tant de fois rêvé. Il n'avait cessé de penser à elle depuis qu'ils avaient été séparés. Des centaines de fois il s'était imaginé la rejoindre chez sa mère et connaître son enfant qu'il n'avait jamais vu naître. Mais les responsabilités l'avait toujours rattrapé.
S'approchant à petits pas, il mit un temps à réaliser. L'homme n'osait avancer d'avantage, de peur qu'elle disparaisse. Mais ne pouvant plus se tenir loin d'elle, il se précipita vers Nora et l'engouffra dans une étreinte nerveuse. Des souvenirs de bonheur lui revinrent en tête, tandis que l'homme parcourait ses mains dans la chevelure douce mais abîmée de sa femme.

« Et si on s'enfuyait ? Tous les deux.» avait proposé Nora.
Félix détourna son attention du sublime coucher de soleil vers sa fiancée. Sa tête posée sur ses jambes, il parcourait ses doigts dans les longs cheveux de son amour.
« Je ne peux pas, tu le sais.» soupire-t-il.
« Ils n'ont pas besoin de toi pour mener tout ça. La rébellion n'a jamais été de ton ressort.» argumente Nora en se redressant, elle se trouvait maintenant en face de lui, à quelques centimètres de son visage. La couleur orangée du crépuscule sublimait leurs traits et faisait briller les yeux d'une lueur inhabituelle, presque surnaturelle.
Félix soupire une seconde fois.
« Je dois être là au cas où on a besoin de moi.»
« C'est trop dangereux Felix...»
Le fiancé détourna le regard vers la mer dont l'horizon couvrait pratiquement toute la surface du soleil. Son manteau sombre cachait la lumière et laissait sortir les étoiles.
« C'est pour notre enfant que je fais ça, tu le vois vivre dans un monde pareil ? Dans cette dictature ?»
Les yeux inquiets de Félix se posèrent sur le ventre légèrement rond de Nora.
« On vit une dystopie, je veux l'élever dans une belle utopie. Où personne n'aura à se cacher, ou s'angoisser à l'idée d'être différent. À partir du moment où il ne veut pas faire de mal, n'importe qui a le droit de vivre.»
Nora le détaillait d'un air larmoyant.
« Mais ça voudrait dire que ton fils ou ta fille risquerait de grandir sans son père... Tout n'est pas de ta responsabilité, tu parles comme si tu étais un soldat, un politicien. Felix tu es un comptable, qui a rejoint un groupe rebelle et extrémiste qui ne reculerais devant rien même le meurtre d'innocents pour faire passer ses idées.»
Felix ne répondit rien. Il savait qu'elle avait raison. Mais il ne pouvait empêcher ce sentiment de haine et de rage envers le gouvernement, envers l'ONU. Le monde avait tellement changé depuis le 11 septembre 2001. Les attentats s'étaient enchaînés à travers le globe. Mais c'est en Europe que la montée de l'antisémitisme est devenue incontrôlable. Et Felix craignait cela depuis son enfance. Il avait grandi avec ces menaces terroristes. Chaque jour, il croisait des militaires, on le fouillait à l'entrée des centres commerciaux, et il voyait le résultat des attentats à la télévision.
« Les choses ont changés. On a vu la merde arriver, nos parents le savaient, on le savait. Maintenant on essaie de tout réparer, de faire mieux. Et c'est ce que je veux faire Nora, pour toi, pour lui.»
Sa fiancée lui sourit légèrement et il l'enlaça avant de déposer un baiser sur le haut de son crâne.

Un sourire prit place sur son visage. Nora se détacha de lui et mit ses mains sur ses joues. Elle remarqua les cernes noires de Felix et sa barbe hirsute. Il avait changé, le temps avait creusé son visage, marqué sa peau. Elle se sentit déconcertée par le changement physique de son mari.
La jeune femme sourit et déposa un doux baiser sur ses lèvres.

« Tu m'as manqué» lui dit-elle.

« Tu m'as manqué aussi ma duchesse » répond Felix, l'air boulversé.

« Toujours ce surnom. » souffle Nora faussement agacée.

« À jamais.»

Il l'embrassa avec tendresse. Profitant de la chaleur et de la douceur de son amour. S'éloignant un peu, il jeta un coup d'œil à Sebastian.