L'écart

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Une goutte, puis deux. Je voulais désespérément les retenir mais une fois encore, n'y parvenais pas. Tandis que ces premières larmes roulaient le long de mes joues, elles constituaient en même temps la raison comme le contexte de celles qui allaient suivre : quitte à être pathétique autant pleurer réellement après tout. Se retrouver dans cet état face à quelqu'un, tout comme lui faire subir cette vision me révulsait. L'idée d'afficher tant de faiblesse, démunie, affrontant mon propre mal-être au détour d'une crise m'insupportait tellement que je partis immédiatement en sanglots.

Ensuite, c'était au tour de la douleur de survenir. D'abord comme une arme blanche venue me transpercer, puis, à l'image d'un poison, s'immisçant dans chacun de mes muscles, les secouant de violents frissons. Vive, aigüe, cette sensation parvenait même à contaminer mes pensées, bloquant l'accès à tout raisonnement logique, laissant uniquement place à l'insécurité, le doute et la mélancolie tandis que chacun de mes mouvements était guidé par la peur et finira indubitablement par rester graver dans mon esprit sous la forme de regret. Je nageais dans un véritable cauchemar, une fois encore. Le désespoir m'avait assaillie alors que mon cerveau s'était efforcé d'étouffer le moindre signe avant coureur, comme s'il n'avait pas voulu prévenir cette débâcle. C'était comme si ma haine me consumait de l'intérieur. Comme si les éclats qu'il restait de mon cœur morcelé s'étaient transformés en d'innombrables lames s'attaquant à l'essence même de mes sentiments. Un véritable cataclysme qui allait encore renforcer mon mépris pour moi-même déjà bien au-delà de l'entendement.

Alors que mes émotions me tiraillaient intérieurement, j'en étais réduite à me recroqueviller dans mon coin, inerte. Mes yeux débordaient encore, alors que de temps à autre, je laissais s'échapper de petits gémissements avec une voix d'outre tombe. Couiner parfois, sans pouvoir bouger ou réagir, le temps que ça passe, voilà à quoi j'en étais réduite. Dans mon désespoir, j'ai envoyé un message à la seule amie en qui je pouvais placer ma confiance dans ce genre de moments. Parce que je sais qu'elle peut me comprendre. Même si je n'avais aucunement l'intention de lui décrire ma situation complète. Même si je venais juste me plaindre, de façon un peu détournée, sans grand sens derrière la plupart de mes messages. Sa présence, même virtuelle, me rassurait au fur et à mesure de notre discussion sans queue ni tête. Il aura bien fallu une heure pour que je sorte de cette transe lugubre.

Peu à peu, la crainte se dissipait mais seulement pour qu'un nouveau fléau m'enveloppe... La colère. J'enrageais de ne pas avoir pu garder le contrôle une nouvelle fois. Que cette... « déprime ? » m'ait rattrapée. De lui avoir montré à lui parmi tout les autres, pire scénario imaginable. Je grognais contre ma propre impuissance, mon incompétence et les aberrations que j'avais proférées faisaient déjà office de représailles. Je devais recoller les morceaux après mon épisode de délire et j'en fulminais. A partir de là, chacun de mes propos devenait hargneux, et je repoussais chaque personne cherchant à communiquer avec moi, parfois avant même de les laisser essayer.

A l'exception des quelques instants ou mon animosité se change en dépit, je suis d'ailleurs toujours en train de fulminer, plusieurs jours après encore sujet ce courroux et exprime en vociférant à toute heure ma rancœur. Le point positif c'est que cette fureur me permet de garder le contrôle. Il faut juste que je parvienne à contenir un peu mon agressivité.

Fermement décidée à passer à autre chose, je lâche un dernier soupire à fendre l'âme ; je concentre mon esprit sur le crépuscule naissant : de leur griffes sombres les prémices de la nuit déchiraient le ciel.

L'écartWhere stories live. Discover now