2.

91 5 0
                                    

Harrisson :


Le moment était venu. Nous étions à présent dans la navette, en compagnie d'une vingtaine de personnes, majoritairement militaires ou scientifiques.
Mon pouls s'était de nouveau accéléré, allant de plus en plus vite, de plus en plus fort, à tel point que toute mon attention c'était focalisée sur le bruit du sang tapant contre les veines de ma tête, de manière régulière, précise.
L'alarme sonna. Le compte à rebours était lancé.
Dans exactement 5mins, le vaisseau décollera direction la Terre pour le voyage retour, celui que 1000 plus tôt, la civilisation avait dût se résoudre à faire pour assurer sa survie.
Ce sera comme une sorte de retour aux sources, ou la rencontre entre les restes de la l'humanité terrienne et l'humanité martienne.

Abigail était assise à coté de moi, les mains sur ses cuisses, l'air sereine. Malgré l'immense pression que provoquait cette mission, elle semblait calme, posée, détendue. Comme si rien n'avait changé, qu'elle était toujours dans son canapé, un thé à la main, un sandwich dans l'autre, en train de bouquiner un de ses fameux romans d'auteur qu'elle dévorait dés qu'elle avait du temps libre.
La sérénité dont elle faisait preuve me dépassait. Moi qui étais paniqué à l'idée de rater mes contrôles au collège ne pouvais qu'admirer son équanimité à l'égard de toute forme de pression.

Plus que 2mins, le dossier du siège me faisait mal au dos et des gouttes de sueur perlaient sur mon front.
Je pensais à mon quotidien, mon chez moi, là où j'avais laissé mes amis, ma famille, toute ma vie, pour une durée indéterminée.
Me dire qu'il y a 1000 ans de cela, notre civilisation était installée sur une autre planète que Mars me paraissais inconcevable. Et me dire que moi, Harrisson, le petit garçon timide et réservé qui passait ses après-midi entières à jouer aux jeux vidéos, allais poser le pied sur cette planète l'était encore plus.
Mais il fallait que j'accepte cela. Le petit Harrisson était devenu grand, et il devait maintenant assurer les responsabilités qui pesaient sur lui. Mais le poids de toutes ces responsabilités était lourd.
Pourrais-je les surmonter seul ?
Suis-je à la hauteur des espérances que mes proches ont placées sur
moi ?
Et si j'échoue, vais-je les décevoir au point de briser la confiance qu'ils me portaient ?
Des centaines de questions se bousculèrent dans ma tête, plus terrible, plus dures les unes que les autres. J'en étais arrivé au point de me demander si j'étais digne de cette tache , si abandonner cette mission n'était pas la meilleure des solutions, au risque de la mettre en péril si je restais au sein de l'équipe.

Je regardais au travers de la vitre, cherchant désespérément un moyen de quitter le véhicule rapidement.
Mais je vis bien autre chose. Ma mère c'était déplacée pour l'occasion. Elle était là, en bas, sur la piste de décollage, habillée de manière simple mais élégante, comme à son habitude. Elle me regarda et sourit, de son sourire plein d'amour et de soutien, un sourire qu'elle seule était capable de faire, un sourire tendre et affectueux, un sourire honnête et bienveillant. Un sourire capable d'apaiser les pleures incessants d'un nourrisson apeuré. Un sourire capable d'apaiser l'épouvante d'un homme face à son devoir. Un sourire capable de remonter le moral à gosse qui entrait dans la cour des grands. Le sourire d'une mère qui aimait son enfant.

Des larmes discrètes coulèrent le long de mes joues tandis que le commandant de bord annonçait le départ imminent du vaisseau.
Je n'eus juste que le temps de lui sourire en retour avant que la distance ne transforme son adorable silhouette en tache floue et lointaine.

Ma mère était tout pour moi, et ce ne fût que lorsque je l'avais quittée pour de bon que je m'en étais rendu compte. J'avais beau faire semblant d'être un homme indépendant et libre, je perdis tout repère lorsque le pilier de ma vie disparût dans la fumée des réacteurs.

EarthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant