PREMIÈRE PARTIE -4.

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-4.

-À demain, Nando ! lança Koke en montant dans sa voiture, et Fernando le lui renvoya avant de monter dans sa propre voiture et de démarrer. L'entraînement du jour avait été plutôt léger, mais ça ne l'empêchait pas d'être épuisé. Ses trois enfants étaient malades, et il avait dû s'occuper d'eux toute la nuit.

C'est d'ailleurs pour ça qu'il se dépêcha de rentrer chez lui, où ils étaient restés avec Reina, leur nounou depuis qu'il était de retour à Madrid. Même s'il avait une confiance aveugle en Reina, c'est tout content qu'il se gara enfin devant chez lui.

-Je suis là ! il s'exclama en entrant, et il trouva ses trois enfants endormis devant la télé, Léo appuyé sur Nora, son aînée d'un an, et Elsa la petite dernière, dans les bras de Léo, le pouce dans la bouche. Il sourit à cette vision avant de rejoindre la cuisine, où Reina était en train de s'essuyer les mains avec un torchon.

-Vous êtes rentrés, monsieur Torres ! Les enfants ont un peu mangé, surtout Nora, et j'ai tout rangé, lavé, nettoyé.

-Reina, cette fois, je ne vais pas te laisser refuser que je te paie plus.

-Vous n'avez pas à me payer plus ! elle rétorqua.

-Bien sûr que si, vous avez fait plus que surveiller les petits, aujourd'hui, et en plus, ils sont malades.

La nourrice soupira avant d'attraper l'argent que lui tendait Fernando.

-Merci beaucoup, monsieur Torres.

-De rien. La prochaine étape est que vous m'appeliez enfin par mon prénom.

Reina sourit.

-Ça n'arrivera pas, elle répondit avant de glisser les billets dans son porte-monnaie et d'attraper son sac. Merci encore, monsieur Torres. À demain.

-À demain, Reina, et merci à toi.

Il soupira avant de retourner dans le salon pour vérifier que ses enfants dormaient toujours, baissa le son de la télé, et monta pour vider son sac d'entraînement. Il s'apprêtait à lancer une machine quand son téléphone se mit à vibrer. Il fronça les sourcils en réalisant que c'était un numéro inconnu, et même si c'était probablement stupide, il décida de répondre.

-Allô ? il répondit, et il y eut un silence de plusieurs minutes à l'autre bout du fil, jusqu'à ce que la personne lance un :

-Allô ? Fernando ?

Celui-ci ouvrit grand les yeux en reconnaissant la voix à l'autre bout du fil.

-Lena ?

Depuis qu'elle était partie du café Federal, en colère, il y a cinq mois, il n'avait pas recroisé son chemin.

-Fernando...je m'en souviens. Je me souviens de l'accident, elle ajouta.

-Quoi ? il balbutia, confus. Vraiment ?

-J'ai repassé mon permis de conduire, et ce matin je...je suis passée à l'endroit de l'accident. Tout m'est revenu, je...

-Lena, il l'arrêta, hey, est-ce que ça va ?

-J'ai tué ma sœur, elle répondit, et il pouvait entendre dans sa voix que ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne se mette à pleurer. Et j'ai cru que tu l'avais fait pendant dix ans. Pourquoi t'as fait ça ? Pourquoi t'as raconté à mes parents que tu conduisais ?

-Pour te protéger. Pour les protéger.

-Tu penses que c'était la meilleure solution ? elle demanda, et c'était une vraie question.

-Probablement pas, il répondit honnêtement. Mais sur le coup, il me semblait que c'était le cas.

-Merci de me l'avoir dit. Même dix ans après. Je dois y aller.

Et elle raccrocha, laissant un Fernando complètement perdu devant son téléphone.

*

Durant les jours qui suivirent, Fernando essaya d'appeler Lena, en vain. Les deux premiers jours, ça sonnait, mais ça ne répondait. Au bout du troisième, il tomba directement sur la messagerie.

Jamais il ne laissa de messages. Il ne savait pas vraiment pourquoi il ne se décidait pas à lui en laisser un. Peut-être parce qu'il avait l'impression que c'était stupide. Son téléphone était éteint, alors qu'il laisse un message tout fait pour lui dire qu'elle devait la rappeler lui semblait sans intérêt.

Il ne pouvait pas non plus se déplacer chez elle, puisqu'il ignorait toujours où elle vivait. La seule chose qu'il pouvait faire, c'était aller au cimetière. Et si avant, il n'allait rendre visite à Valentina qu'une fois par semaine, maintenant, il la voyait tous les jours.

Il restait généralement une bonne heure, après l'entraînement, à lui parler de tout et de rien. Il n'aimait pas trop réfléchir à ce qu'il disait, alors il lui parlait de choses dont il ne lui aurait probablement jamais parlé si elle était vivante.

Fernando n'avait rencontré Valentina qu'une seule fois, en même temps que leurs parents. Ces derniers avaient décidé qu'il était temps qu'ils fassent la rencontre du petit ami de leur aînée depuis un an, et même si Fernando n'était pas rassuré au début, ça s'était plutôt bien passé. Il n'avait suffi que d'un repas à l'Espagnol pour voir à quel point leurs parents étaient fières de leurs filles, et avaient de grandes ambitions pour elles. Le repas ne s'était pas éternisé, parce que Valentina avait un spectacle de danse l'après-midi, et si Fernando ne voyait aucun inconvénient à y aller, Lena s'y était opposée en prétextant avoir autre chose à faire.

Il n'avait jamais compris l'hostilité que l'aînée avait pour sa petite sœur, mais jamais il n'avait posé de questions à Lena. Il savait que malgré le rêve des parents de voir leurs enfants s'entendre à merveilles, ça n'arrivait pas souvent.

Alors Lena et lui étaient partis, et Fernando n'avait jamais revu Valentina, hormis de loin quand il venait chercher ou déposait Lena chez elle. Hormis le jour de l'accident, sur la route, devant eux. Hormis lorsque les pompiers l'avaient mise dans leur camion, pressés, essayant de la maintenir en vie à tout prix.

Mais aujourd'hui, il comptait sur elle pour l'aider à croiser sa sœur.

(30.05.18)

Accidente » TORRES ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant