Chapitre 6 : La grotte (Partie 1)

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— Arrête de jouer avec ces cailloux, tu vas te faire mal !

Maria Adonis, cinq ans, n'arrêtait plus de lancer toutes les pierres qu'elle trouvait, malgré les interdictions répétées de sa mère, Cassia. Plus elle s'énervait, plus le jeu devenait amusant, bien que ce divertissement cacha une attente profonde : elle ne cessait plus de compter les heures depuis que sa grande sœur était partie, en lui formulant l'interdiction de dire le lieu où elle s'était rendue.

Elle attendait, patiemment, observant l'agitation grandissante qui prenait forme tout autour d'elle. Jamais elle n'avait vu défiler tant de monde, dans ce petit coin de paradis qu'elle avait pris l'habitude d'appeler son « chez-moi ». Les cuisinières s'affairaient aux cuisines, les serviteurs n'en finissaient plus de faire des aller-retour à en perdre l'esprit, et les yeux de l'enfant se perdaient dans l'arc-en-ciel de couleurs qui déferlait devant elle. Celui-ci allait du rouge flamboyant des nappes qu'ils installaient sur les grandes tables à toutes les friandises, à tous les fruits colorés ou décorations dorées qui venaient orner son coin de jeu.

Les heures passant, elle restait assise sagement à lancer les pierres qui se trouvaient devant elle, de façon tout à fait aléatoire, sans réfléchir à son geste, commençant à former un petit tas devant elle. Mais les pierres à ses pieds se firent plus rares, et elle commença à gratter la terre, tout doucement, pour y trouver de nouvelles pierres à jeter, puis, de plus en plus rapidement, avec acharnement, ne prenant plus le temps d'enlever la terre qui s'accumulait sous ses ongles, qui finirent par prendre la même couleur que celle-ci.

À côté du tas de pierres vint se former un tas de terre, qui grandissait toujours plus. En creusant, Maria remarqua que la terre se rigidifiait, et que sous elle était apparue une pierre noire, immense. Quand elle essaya de dégager son pourtour, elle se rendit compte qu'en réalité, il n'y en avait pas. Dans son esprit d'enfant, un raisonnement s'opéra, comme ceux que sa grande sœur essayait de lui expliquer tous les jours. « Et si c'était seulement un autre genre de pierre ? »

Maria entreprit de vérifier son hypothèse, dont elle se sentait déjà toute fière. Elle recommença à creuser de ses petites mains, son action occupant dès à présent la totalité de ses pensées. Au bout de quelques minutes, la seule chose qu'elle avait pu en retirer était un mince filet liquide rouge, qui avait déjà coloré ses mains dans son entièreté, mains encore recouvertes de terre marron.

Quand elle décida enfin d'arrêter son chantier, effectuant une rotation sur elle-même, la première chose qu'elle aperçut fut le visage de sa mère, horrifiée par ce qu'elle venait de voir. Cassia observa tout d'abord les mains de sa fille, où se mélangeaient la terre et le sang, puis finit par jeter un coup d'œil à ce qu'elle avait laissé derrière elle.

— Mais qu'as-tu fait ? Tu as ruiné le jardin ! Comment va-t-on faire maintenant pour cacher cette atrocité ? Va dans ta chambre ! Tu n'en sortiras que lorsque ta sœur sera rentrée !

Maria obéit à sa mère, la tête basse, et commença à sentir le picotement de ses doigts qui saignaient, où était également venu se glisser un ver de terre. C'était étrange ce mélange qui était apparu sur ses mains. Mais c'était amusant à voir, non ? La terre devenait chaude lorsque l'on commençait à creuser un peu profondément, aussi chaude que son sang. Elle aimait cette sensation de chaleur qui s'écoulait entre ses doigts, tout comme ce petit ver qui glissait lentement sur sa peau en la chatouillant. La chaleur... Cela lui fit repenser à sa sœur. Pour elle, c'était un sujet qu'elle préférait éviter, car on finissait toujours par se référer à la température de sa peau.

Depuis sa naissance, elle avait toujours eu la même que celle de l'air ambiant, donnant la sensation qu'elle était froide comme la glace la plupart du temps. On lui avait dit qu'il s'agissait d'une maladie encore inconnue. C'est ça le problème avec les maladies rares, on ne sait que très peu de choses à leur sujet. Toutefois, Mythia avait fini par s'y accommoder. Elle préférait voir des avantages à cela : il en résultait une résistance au froid et à la chaleur, sa peau trouvant généralement le moyen de s'accommoder avec la température extérieure. Maria n'avait jamais osé lui demander si elle possédait cette sensation qui lui indiquait une différence de température, de peur de la froisser. Alors elle ne faisait qu'imaginer ce que ça pouvait faire, pensant qu'elle pouvait le sentir, mais que pour elle c'était différent.

Ce jour là, on fêtait l'arrivée d'un membre de la famille royale, un certain Stultus, semblait-il. « Que de fioritures pour un petit garçon de bientôt onze ans, qui est incapable de se rappeler mon nom. » Ce furent les mots exacts qu'elle avait utilisés avant de s'enfuir.

Maria se rendit compte que le picotement de ses mains commençait à devenir désagréable, et décida de se les laver dans le bassin qui récupérait les eaux de pluie, au centre de leur demeure. Elle les frotta, et cela rendit la légère douleur qu'elle ressentait un peu plus intense que ce qu'elle ne l'était déjà.

Elle les observa ensuite avec un certain regret, puis remarqua que seul le bout de ses doigts avec lesquels elle avait creusé avaient été abîmés. Cependant, ce n'était pas la première fois. Il y avait aussi eu cette autre occasion où sa grande sœur lui avait demandé de les tremper dans l'eau, pour vérifier si elle était assez chaude pour une de ses expériences. Elle s'était sévèrement brûlée, et depuis ce jour-là, elle ne ressentait plus vraiment grand-chose avec. Bien qu'elle sache qu'elle était blessée, cela ne l'incommodait pas plus que ça. Ça guérirait vite.

Plusieurs minces filets rouges dégoulinaient encore sur ses mains. Bientôt, le sang arrêterait de couler, et une croûte commencerait à se former. En partie pour cela, Maria aimait bien se blesser. Elle aimait voir se former les petites croûtes sur sa peau pour pouvoir jouer avec. Souvent, elle les enlevait trop tôt, et la blessure se rouvrait, faisant apparaître une nouvelle croûte, et ainsi de suite. Ce n'était rien de plus qu'un jeu en fin de compte, un de ceux dont on ne parlait pas. C'est alors qu'elle entendit quelqu'un arriver derrière elle. Maria crut bien reconnaître le pas d'une personne qui boitait, mais la voix qui l'accompagnait la surprit.

— Tu t'es encore blessée, petite sœur ?

Maria se retourna, et son cœur se fendit entre joie et tristesse lorsqu'elle s'aperçut de qui il s'agissait.

Note de l'auteur : Bonjour à tous !  J'espère que vous avez apprécié ce début de chapitre, qui nous a mieux fait découvrir les personnages de Mythia et Maria

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Note de l'auteur : Bonjour à tous !  J'espère que vous avez apprécié ce début de chapitre, qui nous a mieux fait découvrir les personnages de Mythia et Maria. N'hésitez pas à voter ou commenter pour donner votre avis : )

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant