Prologue

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« Enregistrement numéro un, première séance d'évaluation psychiatrique de la patiente Blake Nayla dans le cadre de l'enquête de l'affaire du 22 mai 2015 pour comparution devant un tribunal.

Récapitulation des faits : Le 22 mai au soir, aux alentours de 22h45, un étudiant a été retrouvé mort lors d'une fête universitaire au sein de la résidence étudiante dans l'appartement 1921 de l'université Bramswood. Les étudiants avaient organisé une fête pour la victoire de l'équipe de volley les Lynx de Bramswood après les championnats régionaux. La plupart d'entre eux étaient fortement alcoolisés à l'arrivée de la police.

Nayla Blake, étudiante en troisième année d'histoire, âgée de 21 ans, a été retrouvée sur la scène du crime, les mains couvertes de sang, prostrée contre le mur, sans souvenir de ce qui c'était produit précédemment -selon ses dires-.

Tous les témoins potentiels présents sur les lieux du crime ont des versions différentes des aller et venues lors de la fête - aucun témoignage crédible ou sensé n'a été retenu à cause de l'alcoolisation des participants-.

Après analyse du dossier médical préliminaire (pas de contusion ni trace de violence sur la patiente, pas de choc physique quel qu'il soit. Pas de trouble psychique connu avant l'incident, ni d'historique familial connu en termes de maladie psychiatrique), Mademoiselle Blake a été placée dans notre institut psychiatrique pour une évaluation secondaire à la demande de la cour en vue du procès. Il semblerait qu'elle possède une dissociation d'identité notable d'après la première évaluation, pas ou peu de souvenir de la soirée - possible amnésie traumatique ou liée à la consommation d'alcool-.

Nous avons fait à son arrivée une tentative de première séance, le 07 juin 2015 mais la patiente s'est révélée hostile et peu encline à la communication: elle refuse de parler de l'incident. »

Il soupira doucement, se massant les tempes, épuisé. Cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait pas dormi. A vrai dire, il n'avait pas eu l'intention de s'occuper de cette patiente. Vraiment pas tout du moins. Mais on lui avait imposé, c'était ça d'être le petit nouveau de son service. Il avait hâte que quelqu'un d'autre puisse prendre sa place de nouveau.

Ce n'était que son premier "véritable" entretien avec la jeune femme mais quelque chose le dérangeait. Il ne savait pas vraiment dire si ce qui le derangeait, c'était l'affaire en elle-même - il n'était pas habitué à être expert judiciaire et il fallait que son premier dossier en soit un d'un telle violence- ou l'apathie manifeste de la jeune femme à l'évocation de celle-ci, comme si rien de tout cela ne la touchait. Il secoua la tête se rappelant ce qu'il avait appris durant sa formation : ne pas laisser l'émotion prendre le dessus, garder une approche distante et analytique et déléguer en cas de besoin.

Il rangea ses affaires pour enfin rentrer chez lui, après avoir constaté qu'il était déjà presque 20h et qu'il aurait dû quitter le travail il y a deux heures de cela. Tout cela lui prenait plus d'espace mental qu'il ne l'aurait voulu.

En passant dans le couloir, face aux chambres, il se senti frissonner en croisant le regard de la jeune femme. Accusateur, du moins c'est comme ça qu'il interprétait. Et il n'avait sûrement pas tort: on avait rarement envie d'être enfermé et pris pour fou.

Il passa tout simplement son chemin, feignant l'indifférence, essayant d'occuper ses pensées en imaginant ce qu'il allait manger le soir même. Mais même en rentrant chez lui, il n'arrivait pas à se départir de ce sentiment qui le fait frissonner.

Peu importe s'il était parti, peu importe s'il était loin et qu'il ne voyait plus cette jeune femme, il le sentait. Son regard. Il se sentait observé, avait cette sensation dérangeante que son regard était toujours sur lui, désespéré et haineux, comme si...

Comme s'il était sa prochaine proie.

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