Séance 2

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Comme tout les matins, le Dr Martin Reed se leva avec comme première préoccupation sa patiente, Nayla Blake. Il avait simplement cesser de le faire savoir a sa femme quand elle lui avait dit ne pas apprécier d'entendre parler de cette femme a longueur de journée. Ce cas était sans doute le plus intriguant de sa carrière, et ça l'obsédait complètement.

Il avait fait le tour du dossier des centaines de fois, lu et relu les premières analyses psychologiques de la jeune femme. Visiblement, le premier médecin à l'avoir examiner était persuader qu'elle n'était pas suffisamment saine d'esprit pour subir un procès. Quelque chose lui disait que ce n'était pas le cas. 

Le premier expert avait noter dans son dossier une grande violence émanant de la patiente à l'évocation de l'incident, comme si elle était perturbée, et pourtant, il avait noter une amnésie de la patiente vis-à-vis des évènements. Cela n'avait aucun sens. Si elle ne se souvenait pas des évènements, pourquoi serait elle violente à leur évocation? Il y avait noté dans le dossier: amnésie dissociative. Il se doutait bien que si la patiente était en effet dissociée, alors cela faisait plus de sens et pourtant. Quelque chose, son instinct surement lui dictait que ce n'était pas tout a fait ça...

- Bonjour mademoiselle Blake.

Pas de réponse. Comme toujours. Il soupira, ne sachant pas vraiment comment prendre les choses en main. Il avait tenté d'entamer le dialogue, à de nombreuses reprises, mais toujours rien, juste le silence. Pourtant, elle avait bien accepter de parler la première fois. 

- Écoutez, cela fait déjà deux mois que vous êtes ici, commença-t-il cherchant ses mots. Je sais bien que tout cela est difficile. Je sais que vous ne voulez pas vous replonger dans tout ça, mais la date de votre procès approche... SI vous voulez que les gens vous comprennent et sachent votre vérité, il faudrait que vous me parliez. Ça peut être n'importe quoi, ce que vous voulez, même quelque chose de ne pas relier à l'affaire. Mais il faut que vous discutiez.

La jeune femme aux cheveux noirs garda la tête baissée, les mains attachées par sa camisole, les yeux cernés. A son arrivée ici, elle s'était montrée quelque peu... turbulente lors de ses séances, alors ils avaient pris des précautions. Le docteur Reed les trouvait un peu trop radicale mais il avait un protocole à suivre. Quand il avait dit à ses supérieurs qu'il croyait que cela entravait le dialogue - de manière presque aussi littérale que métaphorique d'ailleurs- ceux-ci lui avaient répondu qu'ils avaient plus d'expérience et qu'ils faisaient ça pour sa sécurité.

Nayla s'arrachait la peau des lèvres avec ses dents, tic nerveux que le docteur avait déjà remarqué par le passé. Elle tapait du pied frénétiquement, comme un tic qu'elle n'arrivait pas à contrôler.

- Je... je ne sais pas.

Nayla se racla la gorge. Elle avait la voix un peu enrouée à force de se refuser à parler. Il lui faudrait surement du temps pour réapprendre à le faire correctement.

- Je ne sais pas quoi dire.

Le docteur Reed resta stupéfait seulement une fraction de seconde, son professionnalisme le forçant à adopter un masque de neutralité. C'était la première fois qu'il entendait sa voix. Il analysa la situation. Il devait avancer à tâtons, chercher comment maintenir le dialogue sans quelle se ferme complètement. Le mieux était donc de commencer par autre chose que l'incident.

- Tu veux bien que je te tutoie, Nayla?

Elle émit un hochement de tête presque imperceptible, sans pour autant relever son regard vers lui. Elle fixait un point entre ses pieds, au sol, résolue, mais le Dr Reed nota intérieurement cela comme une mini victoire. 

- D'accord. Parle-moi de ce que tu veux. Comme par exemple... Parle-moi de ce que tu aimes.

Il y eut un grand silence. Il crut d'abord qu'elle ne lui répondrait pas. ELle fixait toujours le sol, simplement, sans bouger. Il ferma les yeux, consterné comme s'il s'apprêtait à subir un nouvel échec. Il se massa les tempes, cherchant d'autres ouvertures possible au dialogue. Mais à sa grande surprise la jeune fille se mit à parler.

- C'est une question plutôt vague, ça. 

- Et bien je sais, justement. Tu peux choisir n'importe quoi. Ce que je veux, c'est apprendre à mieux te connaitre. 

- C'est ce que disait le premier médecin. Il voulait mieux me connaitre, avoir ma version, blablabla. Et au final il a rien écouter de ce que je disais et il a finit par dire que j'étais folle dans son rapport. 

Le Dr Reed haussa les sourcils, surpris.

- Je sais lire à l'envers. Je sais ce qu'il écrivait dans ses notes. 

Par reflexe, le Dr Reed retourna son calepin pour en cacher son contenu. Il serait plus prudent de prendre des notes avec les enregistrements qu'il avait fait, pensa-t-il sur le moment. 

- Et bien... Effectivement j'ai lu le rapport du précèdent Médecin, mais je ne crois pas qu'il ait écrit le mot "folle" à proprement parler. 

- Ca voulait dire la même chose. 

- Et bien, si ça peut te rassurer, je ne pense pas que tu sois folle. Tu m'as l'air plutôt saine d'esprit, là, maintenant. Ce que je cherche à savoir, ce n'est pas si tu es folle, mais ta vérité. Je t'écoute. Ma patiente, c'est toi, et tu es la seule à qui je dois des comptes. 

- Vous oubliez le tribunal. 

- Ce n'est pas lui mon client, bien que ce soit lui qui me paie, fit-il avec un petit sourire. Je vous assure que je suis de votre côté.

- Je sais pas trop quoi vous dire. J'aime bien... J'aime bien le chocolat. Noir.

Elle releva enfin le regard vers lui. Ses cheveux coupés juste sous sa mâchoire se dégagèrent de devant son visage et le Dr Reed pu enfin voir son visage. Elle avait des traits plutôt fins, jeunes, des yeux marrons. Elle le dévisageait, analysant les traits de son visage, comme si elle y cherchait des réponses. 

- Par rapport a votre question, ce que j'aime. Je sais pas trop. J'aime bien le chocolat. Noir.

Le Dr Reed lui sourit, l'encourageant à continuer d'un petit hochement de tête. Elle soupira un peu, l'air de chercher quoi répondre avant de hausser les épaules.

- J'aime bien sortir avec mes amis...avec ma meilleure amie surtout. Rachelle, elle s'appelle Rachelle. On allait souvent chez moi le vendredi soir... pour... enfin pour voir des films, manger un goûter... Ce genre de trucs. On faisait ca depuis le collège.

Nayla fit une pause, comme si elle hésitait à dire quelque chose avant de demander: 

- Est ce qu'elle est venue ?

- Comment ça ?

- Elle est venue depuis que je suis là ? Pour me voir je veux dire.

Le médecin hocha négativement de la tête en soupirant.

- Je suis navré, fit-il, Mais il y a très peu de visite ici tu sais, alors ça ne veut pas dire grand chose... Je suis sûr qu'elle s'inquiète pour toi.

- Sûrement, répondit Nayla, tout bas en haussant les épaules.

- Est ce qu'on pourrait parler... Parler de l'incident, Nayla?

Aussitôt la jeune fille releva la tête une lueur paniquée dans le regard. Elle commença à gigoter comme pour se libérer. Le médecin recula surpris par cette soudaine véhémence. Il appuya sur la petite télécommande de sécurité prêt à appeler les vigiles. En le voyant faire, elle se calma, se rasseyant sur sa chaise.

- Attendez!

Le Dr Reed la regarda quelques secondes, surpris, mais reposa la télécommande sur la table. Nayla soupira longuement en fermant les yeux. Des larmes envahirent son visage, silencieuses alors qu'elle pinçait les lèvres.

- Ce n'est pas moi. Ce n'est pas moi qui l'ai fait.

Nayla rouvrir les yeux, et le Dr Reed y lu une terreur incommensurable. Il fronça les sourcils, visiblement confus.

- Qu'est ce que vous voulez dire?

- Ce. N'est. Pas. Moi. articula-t-elle tout bas en se penchant en avant.

Elle regarda autour d'elle, comme si elle se sentait espionnée. Le Dr Reed se pencha vers elle et elle lui chuchota alors.

- Ce n'est pas moi qui l'ai fait, c'est elle. C'est elle.

TRUST NO ONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant