— Céleste !
La jeune fille émergea lentement des eaux troubles du sommeil, la tête et les paupières affreusement lourdes. Hébétée, elle se redressa en position assise sur son lit sans parvenir à définir le lieu où elle se trouvait. Avec lenteur, la mémoire lui revint, et toutes les révélations de la veille lui assénèrent une gifle magistrale. Elle s'était endormie sur ses édredons, épuisée, et entièrement habillée.
Levant les yeux sur Lisæ, Céleste s'écarta en repoussant avec dégoût la main conciliante qu'elle lui tendait. Replongeant tête la première dans son oreiller, elle se saisit du polochon bleu nuit qui parcourait sa tête de lit pour s'en couvrir le visage. Mordant à s'en briser la mâchoire dans la taie d'oreiller, elle retint de justesse un hurlement de douleur et de frustration. L'adolescente avait secrètement espéré qu'elle se réveillerait chez elle, dans sa petite maisonnette bien paisible aux abords de la forêt, riant de la singularité toujours présente de ses songes. Et pourtant, elle se retrouvait désormais acculée dans ce cauchemar sans fin, forcée d'admettre que tout ce qui l'entourait était bien réel.
— Laisse-moi tranquille ! gémit-elle plus qu'elle n'implora. Je veux rentrer chez moi ! Je veux juste rentrer chez moi !
Un long soupir lui répondit, déformé par les couches de tissus qui recouvraient ses tympans. Un soupir teinté d'amertume et d'une pointe de désespoir.
— Écoute... Je suis désolée... Je suis sincèrement désolée, Céleste. Je... Je n'aurais pas dû ainsi te brusquer, c'est entièrement ma faute, je n'ai pas suffisamment pris en compte le fait que tu ne te soies pas encore familiarisée avec la Nuit. Pardonne-moi... Je n'en reparlerais plus, si c'est ce que tu souhaites. Je te le promets.
Dans sa voix perçait un tel tremblement implorant, à la limite du gémissement éperdu d'espoir, que la jeune fille n'eut pas la force de lutter. Et puis, après tout, elle-même n'aspirait qu'à se réconcilier avec celle qui lui avait tant manquée durant ces quatre interminables années.
D'un geste hésitant, elle repoussa oreillers et édredons, et permit enfin à un faible sourire d'être entraperçu aux commissures de ses lèvres, illuminant prestement d'une lueur d'espoir éphémère, son visage perdu dans les ténèbres.
Lise lui répondit par un sourire éclatant, ses muscles tendus trahissant son envie contenue de prendre sa fille dans ses bras.
Afin d'éviter que ne se prolonge son malaise, Céleste sauta du lit avec entrain et, frappant dans ses mains, dit avec un enjouement légèrement exagéré :
— Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai une longue cession d'apprentissage qui s'apprête à commencer, il me semble !
Elle planta là une Lisæ Wonderline qui semblait passablement rassurée, et, alors qu'elle passait son corps mince par l'embrasure de la porte de bois, se dirigeant en direction de la salle de bain, elle eut juste le temps d'apercevoir un éclat fugace d'appréhension traverser les prunelles de sa génitrice.
***
Fermant les yeux, Céleste inspira profondément, puis, expirant lentement, elle pénétra dans le hall bondé des Archives du Monde, où un capharnaüm extravagant régnait en maître parmi cet océan d'uniformes blancs et gris. L'estomac noué, elle se tenait sur le seuil, son regard passant d'un élève à un autre, appréhendant, comme toujours, d'être forcée de se tenir au cœur d'un ensemble bien assorti d'enfants nés en ce pays, tandis qu'elle-même demeurait ignorante, perdue dans les limbes floues de son devenir incertain.
— Allons, Céleste, la poussa légèrement Lise, ne reste pas plantée là ! Tu bloques tout le monde !
Et en effet, elle provoquait d'ors et déjà un bouchon d'élèves bruyants protestant et l'aspirant à l'intérieur du bâtiment. Elle s'écarta précipitamment et, trop tendue pour penser à adresser un au revoir silencieux à sa mère, se mit en retrait. L'adolescente se laissa glisser le long d'un pilier de marbre, refoulant ses larmes, furieuse de sentir ainsi un abattement cuisant la gagner.
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Le syndrome des cœurs de pierre I - Pupille
Fantasy/!\ EN COURS DE RÉÉCRITURE Tome premier « Dans nos cœurs en perdition, L'amour s'est volatilisé. Mais en ces relents d'émotions, Même la haine n'a subsisté. Seule l'impassibilité souffle en cette terre, Où tous nos cœurs sont faits de pierre. » P...