Chroniques de l'Iliade Romaine

1.4K 16 10
                                    

Témoignage de Gorgias: L'arrivée de Shiva

Je l'observais silencieusement. Recroquevillée dans un coin de la salle, elle jetait sur nous un regard mêlé de peur, de dégoût et d'une brûlante passion. Ce fut cette dernière qui m'interpella dès mon entrée. Mon maître, engagé dans une négociation difficile avec le mangon n'avaient pas même eu le temps de leur jeter un œil. À vrai dire, c'était l'unique raison de ma présence, je devais le précéder dans cette inspection afin d'éviter que le marchand d'esclaves ne réfléchisse un peu trop à la façon de le détrousser ou de lui jouer un mauvais tour quant à la marchandise. J'avais alors sans plus attendre exaucé ses désirs.

La cargaison était une des plus étranges qu'il m'était arrivé de voir. Entièrement composée d'enfants mâles excepté une petite fille, je ne leur avais trouvé aucun trait semblable à ceux des hommes que je côtoyais habituellement. La plupart possédaient une tignasse ébène surmontée d'une couronne témoin de leur statut de prisonniers de guerre, et leur corps nu pourtant si jeune laissait déjà entrevoir des esquisses de muscles redoutables. Leur regard farouche malgré leur position d'impuissance m'émerveillait et leur beauté naturelle et sauvage attisait ma jalousie. Des esclaves qu'on livrerait sûrement à l'arène. Du moins, ce fut à mes yeux la place qui leur revenait de droit. Et mon maître, puissant responsable des ludis ne devait pas être loin de rejoindre ma pensée.

Alors que je les détaillai les uns après les autres, une bride de conversation à côté de moi m'interpella. Ces enfants étaient tous, sans exception, de jeunes perses enlevés quelques semaines plus tôt et amenés directement à Sparte. Je fus pris d'une étrange panique à cette nouvelle. J'avais souvent entendu des rumeurs à leur sujet. J'y avais d'ailleurs parfois fervemment participé. Ils étaient partout décrits comme des monstres ignobles, cruels et impitoyables qui égorgeaient femmes et enfants dans leur sommeil. On leur prêtait toutes sortes de crimes plus répugnants les uns que les autres. Des barbares et rien de plus. Pour rien au monde je n'en aurais voulu un sous le même toit que moi. Mais en ce jour malheureux, je n'y trouvais aucune échappatoire. Mon dominus y voyait déjà une véritable opportunité et je le savais assez obstiné pour ne pas céder devant mes recommandations. De plus, il ne lésinait jamais sur les moyens d'obtenir l'objet de sa convoitise. Mes craintes autant que l'argent à écumer ne seraient que du vent à ses yeux. Je n'avais pas d'autres choix que de m'y résoudre.

« Qu'attends-tu Gorgias? Va les tester! » Ordonna mon maître d'une voix rude

Perdu dans mes pensées, je sursautai à l'énonciation de mon nom. Le marchant ayant cessé de débiter ses vils négociations me regardais à présent avec suspicion. Un fouet à son côté, identique à celui de mon dominus, ondulait jusqu'au sol mimant avec perfection le corps d'un serpent mortel. Je sentis la peur monter en moi, d'un côté l'instrument de tortures, de l'autre ces créatures infectes qui me narguaient avec leurs dents pointues. Un coup d'œil à mon dominus suffit à me décider, il était sûrement un des moins cléments de Sparte et je redoutais de subir le fouet pendant plusieurs heures. Je n'y survivrai d'ailleurs pas.

Avisant que je tremblais de tous mes membres, je tachai de calmer ma peur et de reprendre contenance. Après tout, ce n'était que des enfants et le mangon les empêcherait de me faire du mal. Du moins, je l'espérai. J'avançai alors, résolu dans tous les cas à mourir dans d'atroces souffrances. Me tordant les mains d'anxiété, j'arrivai devant le premier garçon aligné contre le mur. Pour le coup, il me regardait avec une égale peur à la mienne. Ses yeux écarquillés d'angoisse étaient le parfait reflet de mes tourments. Je tendis alors la main et apposai un doigt contre son front. Il fit un écart brutal sur le côté me surprenant à tel point que je fis moi même un bon en arrière, terrifié. Je n'avais plus aucun doute, Hadès lui même avait enfanté ces êtres du mal.

Chroniques de l'Iliade RomaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant