Une deuxième chance

Chapitre 7

J'ai ma petite idée sur ce que Cécilia trame derrière mon dos. Nous sommes samedi après-midi et nous roulons en direction de la destination mystère.

-On va au meeting d'Emmanuel Macron c'est ça ?, lançai-je depuis le siège passager.

-Hé, comment tu as deviné ?

-Cette brillante idée t'es venue alors que tu lisais le tract, l'événement devait surement y être inscrit. Et j'ai comme l'impression qu'on se dirige droit vers le palais des congrès.

-Tu m'as démasquée. Tu ne vas pas me demander de faire marche arrière, n'est-ce pas ?

-Non, allons-y.

Je redoute de le voir, ou plutôt que lui me voit. Cependant, la curiosité l'emporte sur l'appréhension. Je surprends le regard de Cécilia posé sur moi. Au lieu d'y voir la lueur d'espièglerie à laquelle je m'attends, ce sont des yeux inquiets que je croise.

-Que me vaut ce regard ?, demandai-je.

-Si tu n'as pas envie d'y aller, je ne veux pas te forcer. On peut faire demi-tour.

- Non, ce n'est pas ça.

-Il y a bien quelque chose qui te tracasse alors, j'ai bien remarqué que ça ne va pas fort en ce moment. Tu sais que tu peux tout me dire, pas vrai ?

-Bien sûr, je suis juste fatiguée avec le boulot etc. Ne t'inquiète pas pour moi.

Nous nous garons sur un parking non loin de la salle de meeting. Emmanuel n'a annoncé sa candidature que très récemment, c'est donc un de ses premiers grands rassemblements. Ceci n'empêche pas les gens de se déplacer, au contraire. Autour de nous, se dirigeant vers le palais, des personnes de tout âge se mélangent. Tout le monde semble vouloir découvrir ce jeune candidat qui projette de révolutionner le monde politique. Peut-être que, comme moi, ils se sentent attirés par cet homme et par ce qu'il raconte.

A l'intérieur, l'engouement se confirme, la salle est remplie. Cela signifie aussi être moins repérable parmi la foule de visages. Nous nous asseyons dans les gradins côté gauche. Les journalistes et les caméras se tiennent dans le parterre, ce qui me rassure quelque peu. Non seulement je ne souhaite pas être reconnue par Emmanuel, qui pourrait croire que j'ai été envoyée par mon équipe, mais en plus je voudrais éviter d'être repérée dans les médias par Patrick, à qui je n'ai pas touché mot de ma présence ici. Je n'ose imaginer quelle serait sa réaction.

C'est une femme que je ne connais pas qui introduit le meeting. Elle explique comment et pourquoi elle a rejoint le mouvement. Elle présente ensuite les grandes lignes du projet d'Emmanuel et fait en quelque sorte office de chauffeuse de salle. Les participants sont impatients d'écouter celui qui pourrait un jour être leur président, je le suis aussi. Enfin, il monte sur scène sous les applaudissements. Il salue la foule, remercie les gens de s'être déplacés et commence son discours. Je l'écoute avec attention, il faut dire qu'il sait comment captiver son auditoire. Il ne nous déballe pas un programme, mais nous fait part de sa vision du monde d'aujourd'hui et des projets qu'il entend mener pour replacer la France au centre de celui-ci. Il aborde de multiples sujets, en s'appuyant sur son expérience. On voit qu'il sait de quoi il parle. Je reçois soudain un coup de coude de Cécilia.

-Je crois qu'on est repérées, me glisse-t-elle.

En effet, Emmanuel regarde dans notre direction mais difficile de savoir s'il me fixe moi ou la personne assise à ma droite. Et puis je croise son regard, brièvement mais il ne fait aucun doute qu'il m'a reconnue. Je me ratatine sur mon siège.

Durant le reste de son intervention je vois bien qu'il évite de regarder de notre côté. Il ne doit pas être enchanté de ma présence ici. Lorsque le meeting se termine je presse Cécilia pour que nous sortions rapidement.

Une fois dans la voiture je n'ai pas envie de parler. Heureusement, je peux compter sur Cécilia pour faire la conversation :

-Je ne regrette pas d'y être allée. Tu as vu comment les gens étaient enthousiastes à la fin ? En tout cas ça n'a fait que me conforter dans mes idées. Désolé Maria mais je pense que Macron ferait un meilleur président que Patrick.

Elle n'a pas à être désolée. Au fond, je le pense aussi.