Chapitre 3 : Acta fabula est

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— Gustav, n'attends pas de moi une passivité de damoiselle en détresse. Je suis une Esquilino et mes ancêtres comptaient de grands généraux qui ont combattu aux côtés des Césars !
— Mademoiselle Signorina a peut-être du sang héroïque, mais dois-je lui rappeler qu'elle n'a jamais tenu d'arme, et que la simple manipulation de la plume l'assomme déjà prodigieusement comme aimait répéter monsieur son père ?
Lucrezia Esquilino, seize ans et dernière survivante de sa noble famille, lança un soulier à la tête de son serviteur silésien qui se protégea du bras. Puis elle enfouit sa jolie tête rousse dans ses mains et pleura. Gustav s'en voulut aussitôt de ce trait d'esprit malheureux. La lettre annonçant l'assassinat de toute la maison Esquilino était arrivée au pensionnat religieux de Notre Dame des Miraculés vers midi. Le sang-froid dont la jeune fille fit preuve à l'annonce de cette épouvantable nouvelle força l'admiration de toutes les religieuses et de ses camarades. On tenait la demoiselle pour une enfant capricieuse, ce qu'elle était, et les braves nonnes de cet estimable établissement suisse s'étaient maintes fois arraché les cheveux face au peu d'empressement de leur pensionnaire pour les études.
Gustav, le fidèle valet que le Signor Esquilino avait réussi à imposer parmi le personnel de l'internat, sentit une boule de chagrin l'étrangler, ainsi qu'une profonde incompréhension. Qui avait pu commettre un acte aussi abominable, tuer une maison entière, maîtres et domestiques dans un maelstrom sanguinaire ?
Le serviteur ramassa le joli soulier à ruban et le rangea dans une des nombreuses malles qui encombraient la chambre de sa demoiselle.
Lucrezia s'essuya les yeux et reprit, dans les froufrous de sa robe de voyage en brocart vieux rose, les préparatifs de son retour au château familial.
— Du nerf, Gustav, les bagages ne vont pas se préparer par l'opération du Saint-Esprit.
Le domestique soupira, mi agacé mi soulagé. En dépit de son chagrin, la petite Esquilino avait saisi l'opportunité de quitter la pension à jamais : tout devait partir cette nuit.
— Je ne sais pas si les quinze malles vont tenir, Mademoiselle Signorina.
— Nous en poserons sur les sièges et tu voyageras en compagnie du cocher, idiot.
— Quoi ? Et pas de cajoleries de votre pauvre Gustav ?
Lucrezia ne put réprimer un sourire amusé.
— Allons-y, gros sot. Plus tôt nous serons prêts, plus vite nous partirons.
Le serviteur et sa maîtresse achevèrent de tout empaqueter. Gustav souleva une grosse malle, Lucrezia passa un mantelet parme, se chargea d'un sac de voyage contenant ses livres préférés, ses rubans et sa vieille poupée, et tous deux sortirent dans le couloir étroit du dernier étage de la pension, réservé au seul usage de la riche héritière. Alors qu'ils gagnaient l'escalier en colimaçon menant aux parties inférieures, ils entendirent qu'on heurtait violemment à la porte principale. Le duo s'immobilisa sur les marches de bois verni.
— Le cocher ? demanda Lucrezia.
— Non, je lui ai dit de nous attendre devant le portail de la pension. Qui que ce soit, il va réveiller tout le monde.
En effet, comme on tardait à ouvrir, les coups redoublèrent contre le lourd battant de chêne. La jeune fille attrapa son serviteur par le bras :
— Va voir en catimini qui sont ces gens, j'ai un mauvais pressentiment. Gustav ne discuta pas. Lui aussi sentait sourdre une peur irrationnelle.
— Prenez le strict nécessaire et rejoignez l'escalier des domestiques, au fond du couloir, dit-il. S'il nous faut fuir discrètement, vous vous passerez de vos malles.
Lucrezia lui pressa brièvement la main avant de partir dans sa chambre à la recherche de ce que Gustav appelait le strict nécessaire. Le valet descendit lentement les marches et traversa le couloir des dortoirs dont la dizaine de portes laissaient passer quelques têtes à bouclettes attirées par le vacarme. Les plus hardies des pensionnaires s'étaient risquées hors de leur chambre, à peine vêtues de leur chemise de nuit brodée.
— Retournez dormir, siffla Gustav avec autorité.
Les petites souris s'empressèrent de se calfeutrer de peur, pensaient-elles, d'être dénoncées auprès des religieuses.
Comme le Silésien atteignit l'escalier principal menant à l'entrée, il aperçut deux nonnes, Sœur Marguerite et Sœur Hilda, vieilles chipies à robe grise et guimpe immaculée, qui, bougie à la main, se pressaient contre la porte à double battant.
— Monsieur, chevrotait Sœur Hilda, vous devez revenir demain. Toutes les jeunes filles dorment. La demoiselle Esquilino ne fait certainement pas exception.
— Il m'a été ordonné de l'emmener cette nuit même, riposta une voix au fort accent teuton. Je n'attendrai pas ici les bras croisés.
— Non, non, revenez demain ! couinèrent les deux religieuses dont les visages apeurés tremblotaient à la flamme de leurs chandelles.
— Défoncez la porte, fut la réponse en allemand.
Gustav sentit ses entrailles se liquéfier quand la serrure de cuivre explosa sous les feux nourris de pistolets, au milieu d'esquilles boisées. Sœur Hilda s'écroula, une large tache rouge s'élargissant sur sa poitrine. Sa coreligionnaire, plongée dans un état de stupéfaction fatal, ne songea même pas à s'enfuir lorsque des soudards lourdement armés firent irruption. L'un des hommes lui défonça le crâne à coups de crosse de fusil.
Le Silésien retrouva bien vite l'usage de ses sens et fit demi-tour en courant.
— Restez dans vos chambres et fermez à clé, beugla-t-il en traversant le corridor des dortoirs à toute allure.
Le cliquetis hâtif des verrous répondit aux pas lourds qui frappaient les marches de bois, juste derrière le valet. Éperdu, celui-ci remonta le petit escalier en colimaçon menant à la chambre de Lucrezia. Il faillit entrer en collision avec un amoncellement de malles qui obstruait le couloir. La tête rousse de la demoiselle seule dépassait du barrage.
— Je croyais vous avoir dit de rassembler le strict minimum ! s'étrangla Gustav.
— C'est ce que j'ai fait, dit la jeune fille en brandissant une petite sacoche de lin accrochée à une chaine d'or. Et j'ai même eu le temps de construire une barricade.
Des coups de feu les firent sursauter. Des cris juvéniles aussitôt rompus par la détonation de la poudre leur signalèrent que les malfrats fouillaient les chambres les unes après les autres et ne faisaient pas de quartier. L'escalier en colimaçon vibra soudain sous les bottes pesantes.
— Vite, Mademoiselle Signorina, fuyez, ils en ont après vous !
Et tout en suppliant sa maîtresse, le valet poussa autant de malles que possible vers les marches. Comme à son habitude, Lucrezia ne l'écouta pas et joignit ses efforts à ceux de Gustav pour envahir l'accès avec ses bagages. Des jurons en allemand fusèrent à leur riposte. Le serviteur attrapa sa jeune maîtresse par le bras et tous deux s'élancèrent vers la porte de service située derrière les combles. Le Silésien fut reconnaissant à la mère supérieure de lui avoir laissé un double des clés de ces parties privées de la pension.
— Gustav, tu crois que ce sont les gens qui ont tué ma famille ? haleta Lucrezia tandis que son valet se battait avec la serrure.
— C'est évident ! J'ignore pourquoi ils veulent exterminer les Esquilino, mais moi vivant, ils ne vous auront pas.
Malgré la peur, Lucrezia ne put s'empêcher de sourire. Elle n'aurait jamais imaginé son bon gros Gustav, à la taille épaisse et à la mine nonchalante, dans la peau d'un combattant émérite. Même s'il était suffisamment rapide pour esquiver les bibelots qu'elle lui jetait au visage quand elle était contrariée...
Le serviteur parvint enfin à ouvrir la porte. Le temps de laisser passer Lucrezia, et les assassins, qui s'étaient dépêtrés des malles, avaient déjà atteint l'étage. Gustav claqua le battant et fit jouer la clé. Des coups retentirent aussitôt de l'autre côté. Le valet saisit à nouveau le bras de sa maîtresse et tous les deux dévalèrent l'escalier étroit et obscur. Derrière eux, le battant céda dans un craquement sinistre.
Lucrezia éclata en sanglots terrorisés.
— Une fois dehors, une fois dans les bois, nous serons en sûreté, l'encouragea son compagnon.
Ils volèrent par-dessus les marches et ce fut miracle s'ils ne se rompirent pas le cou. Ils atteignirent la porte donnant accès à une cour extérieure agrémentée d'un grand bosquet touffu. Gustav l'ouvrit en soupirant de soulagement.
Une gigantesque silhouette les attendait dehors et leur barrait totalement le passage de sa formidable masse de muscles et de gras.
Gustav eut juste le temps de remarquer que l'inconnu était roux, qu'il leur souriait et que son bras levé tenait une énorme hache de bûcheron.
Le Silésien se détourna pour faire rempart de son corps. Lucrezia hurla comme une damnée. La lame tranchante s'abattit en sifflant et s'enfonça dans la nuque du serviteur. La moelle épinière tranchée net, il mourut dans les bras de sa jeune maîtresse. Du sang aspergea les beaux cheveux bouclés de la demoiselle quand l'assassin extirpa son arme de la blessure. Elle n'avait plus la force de hurler, tétanisée par le chagrin et la panique. L'homme la tira dehors en l'agrippant par le bras. Sous une pelisse rêche, il portait un vieil uniforme de l'armée prussienne dont le pantalon, qui naguère avait été blanc, était écarlate.
Derrière elle, dans l'escalier de service, Lucrezia entendit ses poursuivant interpeller la brute, un dénommé Goslar. Elle se retourna pour constater qu'ils étaient trois et piétinaient sans égard le corps de Gustav gisant en travers de la porte. De nouvelles larmes dévalèrent les joues soudain brûlantes de la petite rousse.
Gustav, son ami de toujours, ses camarades de la pension, ses parents, ses frères...
Ces hommes ne valaient pas mieux que les loups. Et les voir ricaner en s'approchant, prêts à se réjouir de son désespoir, la mettait hors d'elle. La jeune fille rua en hurlant des insultes. Un de ces petits pieds, chaussés de talons très durs, s'enfonça brutalement dans la botte du soudard qui la tenait par le bras. Goslar hurla en sautant à cloche-pied sans pour autant la lâcher, et la demoiselle lui cingla le visage avec la chaîne dorée de son petit sac. Les trois autres assassins éclatèrent de rire devant la déconvenue de leur camarade.
— Pas de doute, c'est une vraie italienne, dit un barbu armé d'une épée. Nous ne sommes pas obligés de la tuer maintenant, hein, Geert ?
— Les ordres sont les ordres, Klaus, pas le temps de s'amuser, rétorqua Geert, un homme aux cheveux courts, portant crânement un vieil uniforme vert et or.
Lucrezia l'aurait trouvé séduisant s'il ne l'avait pas menacée avec un pistolet. Elle regarda tour à tour l'arme et son détenteur. La flamme de la rage s'évapora aussi vite qu'elle s'était embrasée.
— P... pourquoi tuez-vous tout le monde ? articula-t-elle en sentant les sanglots nouer sa gorge. Geert haussa les épaules :
— Désolé, mignonne, nous ne cherchons jamais à savoir pourquoi on nous paie.
Il ajusta son tir, le bras ferme, et Lucrezia rentra la tête dans les épaules en serrant son petit sac contre sa poitrine.
Un objet rond et lourd frappa violemment la main armée de l'assassin. Le mercenaire lâcha le pistolet en poussant un cri de douleur, les os brisés. Le projectile retomba avec un bruit mat. C'était une balle verte en bois de houx, grosse comme un poing d'enfant. Quelqu'un dit alors :
— Oh, quel maladroit je fais !
Un homme se détacha de l'ombre du bosquet entourant la cour. Mince et de taille moyenne, il s'était enveloppé dans un long manteau noir rapiécé de fils colorés. Un bonnet, tout aussi sombre et rehaussé de plumes de paon, dissimulait ses cheveux. Un masque grotesque, strié de carreaux verts et rouges et au gros nez recourbé, ne laissait deviner qu'un menton assombri par un chaume de barbe.
Comme autant de planètes folles, des balles peintes de couleurs vives tournoyaient entre ses longues mains gantées.
Lucrezia sentit la pression de fer des doigts de Goslar se desserrer. Elle mit aussitôt cette distraction à profit en lui envoyant un coup de pied vicieux dans la rotule. Cette fois-ci, la brute la lâcha en beuglant. La jeune fille courut rejoindre l'homme masqué qui la plaça à l'abri derrière lui avant de reculer lentement vers les arbres. Lucrezia observa les quatre assassins par-dessus l'épaule de son sauveur en se tenant étroitement blottie contre lui. Le jongleur continuait à faire virevolter ses balles et l'adolescente l'entendit fredonner entre ses dents :
— Tendre jouvencelle, à mon signal, cours à la grille, je t'y rejoindrai.
Il parlait italien avec un accent qu'elle ne parvenait à identifier.
— Réveillez-vous ! beugla Geert en tenant sa main brisée. Tuez-moi cet enfant de putain !
— Cours, petite ! ordonna l'homme masqué.
Lucrezia obéit aussitôt à l'injonction et se rua dans le petit bois attenant au pensionnat. Au même moment, une des balles qui évoluait de plus en plus vite entre les doigts agiles du saltimbanque fut propulsée hors de sa trajectoire et vint écraser le nez du grand Goslar. L'assassin porta la main à son mufle qui saignait à flot. Deux de ses camarades, couteaux tirés, se précipitèrent sur le jongleur. Geert ramassa le pistolet de sa main valide et contourna l'acrobate engagé en plein combat avec ses sbires pour se lancer aux trousses de la petite puterelle.
Courant à une vitesse décuplée par la peur, Lucrezia aperçut la grille de fer forgée, entre le lacis des branches de sapins et de frênes. Deux silhouettes armées allaient et venaient entre l'entrée et un briska tiré par quatre chevaux, celui-là même qui aurait dû la ramener au château des Esquilino. Elle s'arrêta brusquement, battant maladroitement des bras pour freiner son élan. Comme elle se tourna pour chercher un abri où attendre le retour de l'acrobate, elle aperçut Geert qui courait vers elle, le pistolet dans sa main gauche, la droite serrée sous l'aisselle. Lucrezia se jeta sous le couvert des arbres les plus touffus, accrochant ses cheveux roux au passage. Si la sortie lui était interdite, il lui restait encore une cachette possible : son perchoir secret où elle pouvait rêvasser à sa guise sans être importunée par ces vieille biques de nonnes. Elle atteignit rapidement l'arbre le plus imposant de la pension, un chêne bicentenaire aux branches entortillées. Une échelle de corde raidie par le gel pendait le long du tronc. Maudissant ses petites bottes glissantes, la jeune fille passa la chaîne de son sac autour de son cou et commença à grimper sans oser regarder derrière elle, priant pour que son chevalier servant vint rapidement à bout des tueurs. Elle atteignait la première branche lorsque Geert déboula. La nuit était trop claire, il repéra bien vite la belle alouette sur son arbre perchée.
— Auf wiedersehen, gamine, dit l'assassin en levant son pistolet.
Lucrezia poussa un petit cri de souris piégée et se rencogna contre l'arbre. Mais le coup ne partit pas.
Geert poussa un juron : la balle de bois qui l'avait estropié avait aussi endommagé son arme en tordant le chien. Il la jeta et dégaina un poignard.
— Allons, sois gentille, susurra-il en s'approchant du chêne. Descends et ce sera rapide.
Pour toute réponse, Lucrezia s'assit à califourchon sur la première branche et remonta précipitamment l'échelle de corde. Geert sauta et parvint à attraper un des barreaux de bois. La jeune fille dut se résoudre à la lâcher pour ne pas tomber avec elle.
— Je te préviens, gamine, si je dois me démener pour arriver à toi, tu vas appeler la mort de toutes tes forces.
Geert coinça le couteau entre ses dents et entreprit l'ascension. Lucrezia regarda l'entrelacs de branchages au-dessus d'elle. Il faudrait aller encore plus haut. Avec ces stupides bottines... L'adolescente s'assit dos au tronc, enleva son joli brodequin de cuir brodé et le lança à la figure de son poursuivant. Celui-ci tenta de parer le coup mais la chaussure heurta sa main blessée. Il hurla et laissa tomber le poignard. La seconde bottine le frappa à l'épaule.
Cela augmenta sa rage.
— Tu l'auras cherché, catin, ça va être long. Et délicieux, pour moi !
Le mercenaire grimpa jusqu'à la première branche. Lucrezia lança des coups de pied désespérés mais dut s'écarter quand une main avide tenta de lui enserrer la cheville. Ne sachant quoi faire d'autre, elle s'agrippa au tronc du chêne et sautilla en cherchant une prise. Elle hurla lorsque Geert, à califourchon sur la ramure, la tira par le pan de sa robe.
— Par ici le joli fruit.
Une voix chanta soudain en italien :
Le loup féroce pensait croquer l'agnelle,
Mais patatrac ! La mort tomba du ciel !

Le fracas des branches secouées et des brindilles brisées annonça la réalisation de cette prédiction en vers. Geert ne vit jamais d'où surgit la masse sombre qui s'abattit sur lui. L'assassin tomba avec un cri que l'impact violent sur le sol interrompit net.
Tremblante de peur, Lucrezia regarda en bas : le malandrin gisait au pied du grand chêne. Une auréole de sang s'élargissait autour du crâne fracassé contre un racine. Et debout sur sa poitrine, le jongleur masqué se débarrassait des brindilles accrochées à son manteau rapiécé en affectant le plus grand flegme.
La mémoire revint alors à Lucrezia, comme une bouffée de parfum oublié dans un grenier : elle se voyait, pas plus haute que trois pommes, applaudir aux acrobaties de saltimbanques dans le château de ses parents. Elle devait avoir cinq ans, ses souvenirs étaient confus, mais l'un des étranges personnages masqués lui avait fait forte impression.
— Signor Folletto ! s'écria-t-elle en pleurant de joie. Le jongleur leva la tête vers elle et lui fit signe de ne pas bouger. Presque aussitôt, deux hommes en noir, armés de rapières, jaillirent des buissons et fondirent sur lui. L'acrobate eut juste le temps de ramasser le couteau de feu Geert et, avec une vivacité stupéfiante, le lança vers la gorge du premier assaillant. L'arme du second siffla. Il signor Folletto fit un pas de côté pour éviter la lame. Pas affecté le moins du monde, l'acrobate bondit sur les épaules de son agresseur, jongla avec un de ses balles sorties de son manteau et, la serrant dans son poing, l'abattit de toutes ses forces sur le visage mafflu. L'assassin tomba à terre en recrachant ses dents. Un coup de pied dans la tempe l'immobilisa pour de bon.
Le saltimbanque revint au pied du chêne bicentenaire et tendit les bras vers Lucrezia. Sans plus réfléchir, la jeune fille se laissa glisser de la branche. Son sauveur la rattrapa avec aisance. L'adolescente se laissa entraîner au pas de course vers la grille d'entrée. Elle grimaça en sentant la neige sous ses pieds nus. Elle avait laissé ses bottines sous l'arbre.
Le champ était libre désormais. Les chevaux attelés au briska piaffèrent à leur arrivée. Le cocher était toujours sur le siège, la tête rejetée en arrière et la gorge grande ouverte. L'acrobate ouvrit la portière de la voiture.
— Montez, je vous emmène à Rome.
— Nous... nous n'allons pas au château de mes parents ? demanda Lucrezia.
Folletto secoua la tête.
— Vous aurez besoin d'alliés puissants pour vous protéger, et ils sont à Rome. Faites-moi confiance.
Lucrezia hocha la tête, les lèvres pincées et jeta ses bras autour du cou de son bienfaiteur avant de déposer un baiser sur la bouche sous le gros nez en papier mâché. Elle crut distinguer un demi sourire amusé. Les joues en feu, elle grimpa bien vite dans le briska.
Le véhicule s'ébranla presque aussitôt et l'adolescente se blottit contre les sièges moelleux en enlevant ses bas trempés. Elle massa doucement ses pauvres petits pieds gelés et repensa à Gustav, regretta qu'il ne fût plus là pour les réchauffer en l'appelant Mademoiselle Signorina. Enfin, elle céda au chagrin et pleura tout son saoul.

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