- Tu me déçois HoSeok. J'avais placé de grands espoirs en toi quand tu as été nommé lieutenant.
HoSeok ne répondit pas. L'agréable sensation de réconfort que lui procurait l'arme serrée dans son poing l'empêchait d'appuyer sur la gâchette, comme s'il voulait croire qu'une autre solution était encore possible. Un gémissement retentit sur sa gauche et il retira la sécurité du pistolet qui émit un léger bruit sans que cela ne semble provoquer une seule réaction chez son interlocuteur.
- Je te considérais comme mon propre fils HoSeok. Quand je t'ai donné la main de ma fille, j'étais persuadé que tu marcherais dans mes pas.
Le jeune homme déglutit doucement en calmant les tremblements de son bras.
- ChoHee vous a toujours haï. Je ne fais que venger votre propre fille de son meurtrier.
L'homme qui lui faisait face éclata d'un rire sec. Son costume bleu se plissa légèrement au niveau des épaules lorsqu'il fit signe à ses hommes de main de s'approcher de son gendre.
- La vérité mourra avec moi, es-tu prêt à passer ta vie poursuivi par ton propre frère d'arme?Un geste, un souffle, le sang coula, tachant le tapis oriental qui recouvrait le sol de la pièce. De larges taches se formèrent sur les costumes noirs, ternirent la brillance des lames ciselées, les coups de feu retentirent comme le rythme irrégulier des battements d'un coeur qui sent son dernier instant l'enlacer. La sensation de soulagement qui embrassa les âmes meurtries fut le seul sentiment échangé dans la poésie du massacre, seuls quelques soupirs furent témoins des derniers instants, et plus jamais la chute ne parut moins préférable à la fuite.
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HoSeok posa sur le comptoir une enveloppe grise gondolée par la pluie. Elle fut rapidement ouverte, son contenu examiné avec une attention crasse. Les billets changèrent discrètement de main, quelques regards méfiants s'accrochèrent, alors que le martèlement de la pluie au dehors masquait les chuchotements des employés.
- C'est que... C'est mon meilleur gars.
Le jeune homme posa deux nouvelles liasses de billets sur le comptoir qui disparurent aussi vite qu'elles étaient apparues.
- Ok. Mais s'il revient traîner par ici...
La phrase resta en suspens alors que la voix rauque laissait traîner un sifflement traître comme pour appuyer ce qui était resté silencieux. Viol, esclavage, torture, meurtre, semblaient les seuls mots qui parvenaient à se frayer un chemin dans son esprit aux aguets. Mais bien loin de l'affoler, ces propositions avaient depuis longtemps perdu de leur exotisme pour sa conscience nourrie à l'horreur humaine.Il hocha la tête puis entreprit de monter à l'étage. Quelques regards maquillés caressèrent son masque rouge sang, il put lire dans les pupilles la peur, l'envie, la haine. Mais le sabre accroché à sa ceinture avait depuis longtemps décrété qu'il était seul maître du terrain, et ce quel que soit le temps et le lieu. Lorsqu'il parvint à la section qui l'intéressait, il parcourut du regard les portes closes. Ses yeux frôlèrent les battants de vieux bois, attentifs au moindre mouvement, à la moindre anomalie. Mais il n'y avait rien, seuls quelques gémissements s'échappaient des différentes pièces du couloir, agréables soupirs, bribes d'une histoire inachevée, dont l'acte final était en train d'être écrit.
Une présence s'approcha d'un pas feutré, calme. Quelques murmures furent échangés, un regard doux et le contact d'une main sur l'épaule, si furtive qu'elle semblait presque irréelle. Puis l'environnement changea subitement, seul cocon de sécurité auquel il pouvait réellement croire, le masque fut tombé, la méfiance mourut, les armes furent écartés et il sentit enfin disparaître la terreur sourde qui semblait avoir fusionné avec son être meurtri et fait de lui la bête qu'il apercevait chaque jour dans son propre reflet.
"JiMin..."
Chuchota une voix. Il avait du mal à savoir s'il s'agissait ou non de la sienne, mais la réaction fut presque immédiate. Un soupir faible résonna à ses oreilles sans qu'il ne parvienne à en déterminer la signification exacte et il tendit la main. Alors il sentit des doigts s'entrelacer aux siens, la douceur de cette peau contre la sienne, les soupirs glissèrent sur son visage comme des caresses et il perçut la sensation des mains qui effleuraient son corps tatoué.L'union fut plus douce encore que les fois précédentes. Comme la liaison silencieuse de deux soupirants, ils redécouvrirent chacun tout de l'autre, comme si leur rencontre avait été et serait toujours unique. Quelques mots rassurants furent chuchotés, murmurés au creux du cou, échangés contre les lèvres, les soupirs résonnaient plus forts dans leur esprit meurtri que l'auraient fait des millions de hurlements. Alors au moment même où ils sentaient le paroxysme de la jouissance déchirer leur corps, ils souhaitèrent à l'unisson, dans un dernier regard, qu'enfin la réalité ne disparaisse, et qu'il ne restât d'eux que cette fraction de seconde durant laquelle leurs esprits avaient entrelacé leur existence.
Mais la chasse reprend toujours le cours des choses, jamais elle ne se laisse distancer. HoSeok redevint l'animal traqué qu'il ne cesserait jamais d'être que pour quelques rares instants. La haine reprit sa place, le danger et la méfiance revinrent occulter son regard, faire trembler ses mains. Il se leva et parcourut des yeux le visage endormi à ses côtés comme s'il avait voulu graver dans son esprit l'image de ce qui seul parvenait à apporter la paix à sa conscience maudite. Le sabre, posé sur la table, attendait patiemment de retourner à son propriétaire, comme s'il savait que cette journée n'avait été que l'entracte du carnage qu'il s'apprêtait à reprendre, comme s'il savait que la vie qui le portait ne tarderait pas à en arracher des dizaines d'autres au monde qu'elles occupaient, comme on déracine le bord d'un chemin de ses mauvaises herbes.
Un mot, laissé à côté d'une seconde enveloppe, quelques lignes griffonnées de cette élégante écriture dont il avait été un temps si fier, mais qui à présent n'était plus que le tremblement méfiant de ses mains marquées par les cicatrices; puis la porte se referma, la confiance fut rompue, l'homme redevint le gibier et reprit sa course. Battant contre sa cuisse, l'acier froid dissimulé par le fourreau sculpté semblait frémir d'impatience. Bientôt de nouvelles têtes, de nouveaux meurtres, à nouveau le liquide vermeil tacherait son masque, qui avec le temps deviendrait terne, mais qui pour l'heure, brillait d'un rouge pourpre.
« Tu es libre. Vas t'en. Fuis. »
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Confiance (OS HopeMin)
ФанфикLa fuite, l'honneur d'un guerrier bafoué, une bribe, un instant seulement, lors duquel il s'autorise à retrouver foi en sa confiance meurtrie. Mais bien vite, la traque reprend.