Chapitre 2 : La Mort au boulot
Aujourd'hui, La Mort devait tuer des personnes assez âgées. Elle s'en réjouit car le travail serait facile. Les personnes âgées sont faibles, n'ont pas de regrets et sont souvent loin de leur famille. La Mort sortit de la pièce aux ordinateurs et repassa par la cuisine pour se diriger vers un local ressemblant à un garage. Ce garage était plutôt vide, n'ayant en tout et pour tout qu'une machine à laver, un sèche-linge et des étagères sur lesquelles s'entassaient des caisses à outils et des jerricanes d'essences. Du plafond pendaient des fils à linge sur lesquels étaient accrochées des petites pinces à linge arc-en-ciel. C'était les seules touches de couleurs de la maison. La chambre de La Mort était noire, et les murs du reste de la maison variaient du gris sale au gris clair. Des nuages gris s'amoncelaient sur le mur de la salle de bains, et des têtes de mort souriantes étaient peintes dans le salon. Sur les murs de la cuisine c'était des représentations de couteaux et de fourchettes, toujours dans des tons grisâtres. Les murs du garage n'avaient même pas été peints, ils avaient seulement été passés à la chaux. La Mort, sans un regard pour ce garage vide devant lequel elle passait tous les jours, se dirigea vers une grosse armoire en métal, cadenassée et fermée par une grosse chaîne. Elle la poussa sur le côté et ouvrit la porte qui se trouvait derrière. Elle sourit silencieusement en pensant que même James Bond n'arriverait pas à découvrir sa cachette. La Mort referma la porte en prenant garde de laisser les moutons de poussière à leur place et s'avança dans un couloir étroit et sinistre. Il débouchait sur une immense pièce circulaire qui était, elle, très bien éclairée. Sur les murs de cette pièce étaient suspendues des centaines et des centaines d'armes. Armes blanches, armes à feu, des plus petits bijoux de la science au plus grosses réussites de l'armée il y avait toutes les armes imaginées par et pour les humains depuis que le monde existe. Au centre se trouvait une grande table de bois rectangulaire. Il y avait sur cette table des dizaines et des dizaines de produits chimiques, poisons divers, mort-aux-rats, vomitifs, antidépresseurs, analgésiques, de puissants sédatifs et de quoi envoyer plus d'une armée en l'air. Puisque le métier de La Mort était de tuer, elle se devait d'être à la pointe de la technologie. Dans ses statistiques, elle voyait aussi les progrès la science, et en profitait pour tuer les êtres humains avec ces nouveaux gadgets scientifiques. Sur le pan de mur central, une immense faux était exposée et à côté d'elle s'étalaient des dizaines de faux de modèle et marques différents, de taille et de couleurs différentes. La Mort sourit avec nostalgie en regardant une petite faucille sur la gauche. Sa première faucille, son premier fauchage. Que de bons souvenirs ! Tout cela lui rappelait sa famille et ses amis. La Mort n'avait jamais eu de parents, mais les Faucheurs forment une communauté très soudée et s'entraident les uns et les autres, ce qui était comme une famille pour elle. Autrefois, les Faucheurs étaient presque aussi nombreux que les humains, mais ils avaient des sentiments, ce qui causa leur perte. Ils s'étaient attachés aux humains et ne les tuaient plus. Ils restaient visibles et ne se cachaient plus non plus. Les humains vivaient en harmonie avec eux et les couples Faucheurs/ humains étaient de plus en plus courants. Ces couples ont engendré des enfants, qui ont engendré des enfants pendant plusieurs générations. Les nouvelles générations de Faucheurs étaient catastrophiques. Ils avaient la mentalité et la durée de vie des Hommes mais pouvaient malheureusement faucher des vies. À cela s'ensuivit une gigantesque bataille entre les Hommes, les Faucheurs et les Semi-Faucheurs. Les Semi-Faucheurs s'étaient alliés avec les Hommes, et, submergés par le nombre, les Faucheurs prirent la fuite et se cachèrent. Pendant plusieurs générations les Faucheurs restèrent cachés et ne fauchèrent plus de vies. Le nombre d'êtres humains grandit et la population devint trop importante. Les Faucheurs reprirent leur travail, la menace des Semi-Faucheurs s'étant éteinte. En effet, les Faucheurs ne se reproduisant plus avec les Hommes ou même avec les Semi-Faucheurs, cette population a rapidement décliné, puis disparu. La Mort chassa ces pensées nostalgiques de sa tête et entreprit de se choisir une arme. Elle opta pour un couperet sophistiqué mais efficace, une machette tranchante et un sabre du Turkménistan. Elle se tourna ensuite vers la table et sélectionna une palette de produits chimiques de couleur blanche et bleue. Pour finir elle prit une batterie qui traînait et sortit de la pièce, les bras chargés d'armes illégales. Elle déposa le tout sur la table de la cuisine, revint sur ses pas et ferma la porte de derrière l'armoire en adressant un signe d'adieu à sa faucille. Elle poussa ensuite l'armoire sur son emplacement et soupira, en essuyant ses mains pleines de poussière sur sa pèlerine. La Mort se consola en se disant que la poussière ne se verrait pas trop sur sa longue pèlerine noire. Elle alla dans la pièce aux couteaux et aux fourchettes et se baissa pour récupérer un grand sac dans le placard sous l'évier. Elle se releva, et s'empara des armes sur la table qu'elle fourra dans son sac sans ménagement. Elle alla dans l'entrée, enfila rapidement ses chaussures, prit son skateboard posé contre le radiateur et claqua la porte d'entrée. Elle posa ce que sa famille appelait "son bout de bois sur roulettes" par terre et s'élança, le vent dans le dos. Elle sillonna la ville en profitant d'avoir le vent avec elle et arriva devant une grande bâtisse blanche, surmontée de quatre grosses cheminées fumantes. La Mort pensa que cette maison devait être le Titanic réincarné, à cause des cheminées.
Les portes s'ouvrirent pour la laisser passer et elle pénétra dans un grand hall rendu blanc par les néons. Certaines personnes détestaient les hôpitaux et les maisons de retraite, lieux où se côtoient la vie et la mort, mais La Mort elle-même ne trouvait pas le fait de s'y trouver dérangeant. Il faut dire que cela faisait partie de son travail donc elle ne s'en formalisait pas. La Mort passa devant la réceptionniste qui ne leva pas la tête, plongée dans son magazine Picsou. La Mort regarda les noms affichés sur un tableau près de l'entrée. Miranda Clamse. C'est ça. Âgée de quatre-vingt-treize ans, elle souffrait d'arthrite et n'avait qu'un seul fils, en voyage à Paname. Elle logeait dans la chambre six-cent-treize, third floor. La Mort serra son sac contre elle et monta l'escalier jusqu'au troisième étage. Une fois arrivée devant la porte, elle se rendit visible puis frappa quelques coups, pour s'assurer qu'aucune infirmière n'était présente. Une voix rauque et tremblotante lui donna la permission d'entrer. La Mort ouvrit doucement et referma la porte derrière elle. Elle s'approcha pas à pas de la vieille dame.
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La Mort
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