Jiwoo a vingt ans, deux semaines et six jours.
Et elle sent fourvoyée.
Jiwoo est d'un naturel curieux : son avidité d'apprendre l'a menée à emprunter un chemin bien loin de celui dont on l'avait crue capable. Sa rigueur et son intelligence lui permirent, à l'âge de dix-huit ans, d'étudier dans l'Université la plus prestigieuse de Séoul.
Le jour où elle sortit de son école avec des résultats hors du commun, son profil fût immédiatement accepté par la première entreprise qu'elle s'était chargée de contacter.
Dès lors, commença pour elle le cauchemar, devenu désormais sa vie quotidienne.
Chaque matin depuis près de sept ans, elle se rend à la station-service.
Elle en est la responsable. Ses patrons l'y ont exilée depuis qu'elle est rentrée dans leur société.Enfin, surtout après qu'elle se soit plainte auprès de son référent des gestes déplacés de ses collègues envers elle.
C'était des petites phrases mesquines, des insultes déguisées lorsqu'elle venait au travail en jupe, ou encore des rapprochements physiques beaucoup trop fréquents pour que ce soit accidentel.Quand elle était montée au cinquième étage, qu'elle avait trouvé le bureau de son responsable et qu'elle avait expliqué son problème, Jiwu s'était retrouvée face à un mur.
Un mur de reproches, qui trouvait des excuses plus incongrues les unes que les autres à ces Hommes qui s'étaient permis le plus infâme.
Jiwu avait aussitôt ressenti que son combat était perdu d'avance. Que ces heures de calvaire où elle avait dû supporter des remarques misogynes n'étaient rien pour la Société.Ce soir-là, elle trouva sur son bureau une lettre, où était inscrit la décision de ses supérieurs de la muter en dehors de la ville.
La raison ? "mésentente entre l' employé et le reste de l'équipe"Jiwu fut donc excommuniée, hors de la Ville, et confiée à la gérance d'une petite station-service en bord d'autoroute, où les venues des citoyens sont rarissimes.
Sa colère, son incompréhension, la jeune femme les enfouie au plus profond d'elle.Il ne se passe pas un jour sans qu'elle pense à ce qu'elle a vécut et ce qu'elle a, malgré sa volonté, accepté.
Sa famille, en la voyant être destitué d'un poste si important, lui tournèrent le dos, et se mirent d'accord pour ne plus lui demander de nouvelles.
Dans son minuscule bureau, niché dans les entrailles de la Station-service, Jiwu attend. Avec patience, elle observe les aiguilles de l'unique horloge du mur face à elle, jusqu'à ce que sonne le gong.
Alors, elle peut enfin rejoindre sa petite voiture sur le parking, et quitter peu avant ses employés la terrifiante station-service, où qu'elle se sait condamnée à revenir le lendemain.La Ville est belle, la Ville est grande. Mais elle et les Autres censurent la voix de Jiwu, qu'elle sent faiblir de jour en jour, au profit d'un lourd silence qu'elle ne se pardonnera jamais.
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le pυrgaтoιre || ĸard
FanficUne station service : Quatre personnes qui y gravitent sans jamais se voir. Deux femmes, deux hommes. Quatre faces d'une même pièce qui se cachent des autres et d'eux-mêmes. - cover by @paigemin on Twitter