Mouki

1.1K 87 11
                                    

Thomas soupira.

Le RER était encore bloqué, ce n'est pas comme si c'était devenu une habitude de rester debout près d'une heure tous les soirs sur un quai bondé.

Une nouvelle fois, il décida de laisser passer le train où les gens étaient tellement serrés qu'ils semblaient sur le point d'imploser, pour attendre le prochain.

Après tout il n'avait personne pour l'attendre chez lui.

Il monta le son résonnant dans ses écouteurs, entendant légèrement les rails crisser au départ imminent des wagons, et enfonça son portable au fin fond de ses poches, détaillant chaque personne passant devant lui d'un air blasé.

L'horloge juste au-dessus de sa tête, négligemment accrochée par le personnel feignant de la RATP, indiquait qu'il ne lui restait plus qu'une heure pour attraper le dernier train dans la direction qu'il souhaitait.

Quelle idée de passer voir Damien après les cours.

Évidemment, son ami travaillait et n'était plus étudiant, donc pour lui c'était simple de dire "Viens boire un coup !"

... Mais pas pour Thomas, qui devait ensuite rentrer réviser sans trop de conviction.
Il avait toujours été doué pour les études, sans aimer ça au grand désespoir de sa mère.  Le jeune homme ne voulait pas continuer, et s'il pouvait passer ses journées dans son lit il le ferait sans hésitation.

Ce fut lorsque ses pensées revinrent finalement sur sa situation présente que son portable vibra au fond de sa poche, signe d'un message qu'il devina aussitôt de Damien.
Gagné.

"Faudra que tu reviennes demain, t'es parti super tôt"

Thomas haussa les épaules, prenant l'appareil à deux mains pour répondre.

"Contrairement à toi j'ai des cours à revoir"
"T'en as rien à battre des cours en vrai, je sais"
"A demain"
"A demain ducon"

Un léger sourire se forma sur ses lèvres, alors qu'il lisait le dernier message, et comme si le destin avait bien choisi son moment un train arriva en un crissement horrible, lui hérissant les poils.

Bondé, encore.
Peut-être qu'un peu de marche lui ferait du bien.

Zigzagant entre les quelques rues qui lui paraissaient familières, Thomas profitait de l'air frais du soir qui lui balayait le visage et les quelques mèches bouclées qui l'entourait.
Ça faisait un moment qu'il ne s'était pas coupé les cheveux, mais il aimait le fait de pouvoir les attacher quand il le souhaitait.

Les écouteurs presque ancrés dans les oreilles, il observait les enseignes encore allumées qui se reflétaient dans les flaques d'eau trouble qu'il évitait soigneusement.

Il ne savait pas trop vers où il allait, mais il avait beaucoup entendu que c'était en se perdant qu'on trouvait des choses.
Et il n'avait pas conscience à quel point c'était vrai.

Ses pas le menèrent à côté d'une rue sombre, d'où il pouvait entendre des glapissements et autres sons qu'un animal blessé pouvait émettre en plus de la pluie battante sur sa capuche rabattue sur son crâne.

Curieux de nature, il se glissa dans la ruelle malpropre sentant un mélange d'urine et d'humidité qui le prit à la gorge, si bien qu'il dû cacher le bas de son visage de sa main pour s'empêcher de vomir.

Se servant des gémissements douloureux qu'il pouvait entendre comme point de repère, il s'avança de plus en plus dans la rue, ne faisant pas attention à la pluie qui semblait s'être arrêtée de tomber d'un coup.
Il ne voyait pas où il allait, ni même où il mettait les pieds, il faisait sombre et l'éclairage public n'était pas assez fort pour lui permettre de voir quoi que ce soit.

Soudain, son pied heurta quelque chose alors que les bruits semblaient plus proches que jamais. Baissant les yeux sur l'objet qui avait failli le faire tomber, il découvrit une boite en carton, au beau milieu de la rue, avec quelque chose bougeant à l'intérieur.
Un animal, il supposa.

Prenant la pauvre bête en pitié et devinant que c'était elle qui poussait ces bruits affreusement difficiles à supporter, il la souleva et se tourna vers la lumière.

C'était un chien. Juste un carlin. Il n'avait pas l'air vieux, mais ce n'était pas un chiot non plus.

La pauvre bête semblait mal en point, trempée, ses yeux globuleux et brillants détaillaient Thomas comme si c'était le premier être humain qu'il voyait.
Il accepta aussitôt que le jeune homme le prenne, ses glapissements se transformant en véritables petits aboiements de bonheur, avant qu'il se blottisse complètement contre le torse de Thomas, qui afficha une petite moue attendrie en observant la petite chose trempée contre son sweat, arborant maintenant une énorme tâche où le chien s'était installé.

Ce dernier n'avait pas l'air d'avoir faim, à la grande surprise de Thomas.
Il lui sembla surtout qu'il cherchait une source de chaleur, pas étonnant dans cette ruelle glaciale et puante.

Le jeune homme s'extirpa de cette dite ruelle après s'être assuré qu'il n'y avait plus aucun animal dans le carton, et se dirigea vers l'épicerie la plus proche pour acheter le nécessaire pour ce qui allait être son nouveau compagnon.

Chose qui ne l'interpella pas tout de suite, il trouva presque sans problème le chemin de son propre appartement, l'animal maintenant glissé sous son sweat pour le réchauffer observant chacun de ses pas et chacune des rues qu'ils empruntaient.

Thomas monta quatre à quatre les cinq étages lui permettant d'arriver à son chez-lui, tellement pressé de rentrer dans son nid douillet d'étudiant qu'il perdit l'équilibre plusieurs fois dans les marches. Il ne s'était jamais senti aussi impatient à l'idée de retrouver son clic-clac peu confortable, son coin cuisine minable, et ses toilettes/douche cohabitant dans un espace clôt sans fenêtres.

Comme s'il était empressé de faire découvrir à ce petit être sa nouvelle maison, qu'il savait bien plus accueillante que cette pauvre boite en carton pourrissante.

Ouvrant à la volée la porte d'entrée, qui buta contre des cartons encore pleins à cause de son récent emménagement (presque un an), Thomas eut un sourire jusqu'aux oreilles en caressant la tête du chien, qui semblait au moins aussi heureux que lui.

"Bienvenue à la maison, Mouki !"

Magical... Boy ? - TerrainkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant