Retour

442 54 32
                                    

Le lendemain, Thomas se réveilla avec un mal de crâne horrible.
Il avait l'impression d'avoir son cerveau de coincé dans un mixeur. Manuel. Et que quelqu'un s'amusait à le broyer lentement.

Mouki ronflait au bout de son lit, et le bouclé constata avec un soupir qu'il était en retard pour son troisième cours de la matinée. Aussitôt, il décida ne pas y aller tout court.

Il n'avait aucun souvenir d'être rentré, ni de s'être changé, ni de s'être couché.
Mais il se souvenait encore très bien de la jeune femme coincée dans la grosse masse de pétrole qui lui avait adressé un dernier regard avant de tomber évanouie.
Tout comme sa transformation étrange en "Guerrier de l'amour", tout de son combat d'hier lui était resté en mémoire.

Tendant son bras pour attraper du bout des doigts son portable qui traînait sur la table basse, il remarqua qu'il avait dormi dans le canapé encore plié en l'allumant.

Quatre nouveaux messages de Damien.

"Salut feignasse, tu dors encore ?"
"Il s'est passé un truc apparemment hier soir, j'ai vu ça à la télé"
"Tu sais, la piscine pas loin du Carrefour ?"
"Ils ont trouvé un corps là-bas"

Thomas sentit son cœur rater un battement.

"Un corps ?"

Il ne fut pas étonné de voir son meilleur ami répondre aussitôt.

"Ouais"
"C'était qui ?"
"Une employée apparemment"
"Elle est morte comment ?"
"Ils savent pas encore"

Ses mains tremblaient autour de son portable.

Non, il ne l'avait pas tuée.
Au contraire, Mouki avait eu l'air de lui dire qu'ils l'avaient sauvée.

L'appareil vibra à nouveau.

"Mais ils ont trouvé la porte de service fracturée apparemment, les flics pensent que c'est une agression"

Thomas sentit sa gorge le piquer et le carlin bouger au bout du lit, il lui lança un bref coup d'œil paniqué.

"Mouki...
- Oui ?
- La fille d'hier... Elle est morte..."

Au grand étonnement du jeune homme, l'animal ne parût pas le moins du monde affecté.

"Eh bien, elle était corrompue. C'est une bonne perte.
- Mais je devais pas me battre avec le pouvoir de l'amour ?!
- Si. C'est exactement ce que vous avez fait : vous avez apaisé son âme avec l'amour que contient la vôtre pour lui faire quitter la Terre sans accroches."

Le bouclé sentit une nausée l'envahir et s'extirpa en vitesse des couvertures pour se précipiter dans sa minuscule salle d'eau, son estomac quasiment vide ne pouvant garder ce qu'il avait plus longtemps après cette découverte macabre.

Mouki l'avait suivi, et se tenait derrière la porte entrouverte en l'observant d'un air interrogateur.

"Quelque chose ne va pas ?"

Thomas ramena ses cheveux en arrière et s'humidifia le visage, sous le regard intrigant du chien.

Le jeune homme détailla son teint blafard, il avait beau avoir bien dormi, il avait la désagréable impression d'avoir quelque chose en moins.

"J'ai appris que je suis un Guerrier de l'Amour, que je dois me battre pour la Terre, que je dois tuer des humains parce qu'ils sont "corrompus", tout ça en moins de quelques heures..."

Alors que ses sourcils se fronçaient ses yeux quasiment noirs s'attardèrent sur le carlin, qui étrangement se figea d'un coup en voyant le regard dur du bouclé sur lui.

"T'as pas meilleure question ?"

A ça, Mouki n'eut rien à répondre et retourna sur le canapé, laissant son propriétaire laisser l'eau purifiante de la douche le préparer pour affronter la fac.

Sur le chemin, il se sentait vide et encore nauséeux. Ce qu'il venait d'apprendre tournait dans tous les sens dans sa tête, le faisant se sentir encore plus mal qu'il ne l'était déjà, en plus des séquences du combat de la veille qui le hantaient.
Malgré la pause dans sa salle d'eau, il avait l'impression de sentir encore le liquide poisseux ressemblant à du pétrole contre sa peau, et avait frotté jusqu'au sang pour faire partir cette désagréable sensation.

Dans le métro, cette proximité avec les autres personnes le dérangeait moins que d'habitude tellement il était concentré sur son propre mal-être. Ses mains étaient moites et sa tête lui tournait, si bien qu'un homme en costume lui laissa sa place sans un mot en le voyant vaciller, qu'il accepta avec plaisir.

Il sentit plusieurs fois son portable vibrer au fond de sa poche, mais il se sentait trop faible pour esquisser le moindre mouvement, il se contenta de regarder la carte des stations d'un œil absent, remarquant quelques instants après la fermeture des portes qu'il avait raté de peu son arrêt.

Soupirant, il se décida finalement à avancer jusqu'à chez Damien.
Il ne travaillait pas aujourd'hui.

Et il avait besoin de le voir.

"T'as du champomy ?"
"mdr Pourquoi ?"
"J'arrive"
"T'as pas cours ?"
"Nan"
"Ok, apporte la bouffe stp, j'ai plus rien"

Quand Thomas arriva devant l'immeuble, il ne lui fallut pas plus de cinq secondes pour rejoindre l'appartement de son ami qui lui ouvrit avec un grand sourire.

Sourire qui s'effaça lorsqu'il vit le teint pâle du bouclé, assorti à sa démarche inquiétante et son dos courbé sous son sac de courses pourtant bien mince.

"Mec ! T'as quoi ?!" S'inquiéta-t-il aussitôt, laissant le plus petit entrer lentement dans le salon - encore plus mal rangé que d'habitude.
"Chuis malade. Je crois.
- Bah ça se voit ! Dégueule pas dans le salon, s'teu plaît, j'ai ma meuf qui va passer..."

C'est vrai, Damien avait une copine.
Invisible, sûrement, parce que Thomas ne l'avait jamais vue.

"Katia ?
- Sérieux ? Elle s'appelle Victoire, bordel !
- Bah avec un prénom pareil elle aurait pu trouver mieux..."

Le plus vieux encaissa la petite tape derrière son crâne que Damien avait l'habitude de lui asséner, se traînant jusqu'au canapé dans lequel il se blottit.

L'appartement du châtain n'était pas plus grand que le sien, la seule chose qui les différenciait était la présence d'un nuisible sur le canapé.
Et encore, depuis peu, c'était pareil.

"T'as vraiment pas l'air bien." Fit remarquer Damien en rangeant les bouteilles de coca au frigo, comme les pizzas et les plats préparés que le brun avait achetés sans conviction.
"Pourquoi ?
- C'est à moi de te poser la question, abruti ! Y a quelque chose qui va pas ?"

Thomas ramena ses genoux contre son buste, sentant la boule à l'intérieur de son ventre grossir encore un peu. Il se demandait s'il pouvait parler de tout ça à Damien.
C'était son meilleur ami après tout, son confident, quelqu'un sur qui il pouvait compter.

Même s'il avait tué quelqu'un... ?

Cette question lui fit difficilement ravaler sa salive alors qu'il observait les moindres gestes du châtain, qui s'affairait à faire rentrer un énième paquet de pâtes dans un placard qui en était déjà rempli.

"Faut que j'te dise un truc."

Magical... Boy ? - TerrainkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant