Je pleurai. Je pleurai la fille que j'étais hier, et la fille que j'étais en train de devenir. J'étais en train de changer. Je le sentis au fond de moi. J'étais en train de devenir de plus en plus faible, dans ce monde que je ne connaissais pas. Je perdais peu à peu ma confiance en moi devant ces obligations d'être toujours parfaite et de toujours montrer une image totalement lisse de soi. Je pleurai parce que je voulais me rebeller, parce que je voulais quitter ce palais, et parce que je voulais ne plus jamais revoir le visage d'Adam.
Il me faisait penser à mon père, avec ses rêves de liberté. Et je ne voulais plus y penser.
***
À l'heure du déjeuner, Henri m'arrêta juste avant que je n'entre dans la salle à manger.
— Où étiez-vous hier soir ? me dit-il d'une voix sèche.
— J'étais fatiguée, et je me suis endormie sans m'en rendre compte.
— Votre servante ne vous a pas trouvée dans votre chambre, pourtant.
— C'est parce que je m'étais endormie dans un petit salon.
Il me regarda d'un air suspicieux, puis me fis signe d'entrer.
— Ne recommencez pas. Vous viendrez dans mon bureau après le diner.
J'acquiesçai et allai m'asseoir à ma place, essayant tant bien que mal de ne pas croiser le regard des invités autour de la table, et surtout pas celui d'Adam.
Il rêvait de voir un jour le ciel, et je rêvai de finir ce que mon père avait commencé : conquérir le ciel.
Pourquoi avais-je si peur de lui, alors que nous marchions vers le même but ?
***
Ma chère Izzy,
Je remets entre les mains du Prince Adam la bonne nouvelle à t'apporter. Tu as réussi ! Tu vas pouvoir rentrer dans une grande école, et aider ton cher père. Ne t'en fais pas, je m'occupe de t'y faire inscrire malgré l'année déjà quelque peu avancée.
Je suis désolée de ne pas pouvoir te dire tout ça de vive voix. Je suis malheureusement bloquée au Palais, en ce moment. Mais je te promets de venir te voir dès que possible.
J'espère que ton père va bien. Soyez heureux. Je n'oublierai pas ces magnifiques après-midis passés à vos côtés.
À très bientôt,
Eden.
Je traversai le couloir, et toquai à la porte de la chambre d'Adam. Il m'ouvrit quelques secondes plus tard, en grand uniforme de cérémonie de couleur blanc.
— Bonjour, dit-il d'un air surpris.
— Bonjour. Je vous dérange, peut-être ? Vous avez l'air d'aller à un événement important, dis-je en désignant ses vêtements.
Il rit.
— À vrai dire, c'est plutôt vous qui avez dû oublier qu'aujourd'hui était un jour important, répondit-il en montrant la simple robe bleue que je portai.
— Ah ? Que se passe-t-il aujourd'hui ?
Je paniquai. Est-ce que j'étais à ce point invisible qu'on oubliait de me prévenir des événements importants ?
— C'est la fête de la Grande Paix, s'esclaffa-t-il.
Il paraissait beaucoup s'amuser.
— Mais vous vouliez me dire quelque chose ? reprit-il.
— Voilà la lettre pour Izzy, lui dis-je en la lui fourrant dans la main et en me précipitant vers ma chambre.
La fête de la Grande Paix célébrait le jour où la guerre s'était arrêtée. Nous n'assistions jamais aux cérémonies depuis que mon père avait quitté la maison. Il valait mieux nous faire le plus petit possible.
Où était la servante ? Je pris conscience que je ne l'avais pas vue depuis hier soir. Je m'apprêtai à sonner, quand j'aperçus une robe posée sur mon lit. C'était une très grande robe, avec un jupon incroyablement volumineux. Elle était blanche, couleur de la paix à Ashes, et des motifs dorés étaient brodés sur le jupon et le buste. Des gants blancs et un chapeau était posés à côté d'elle. Il était blanc lui aussi, et des rubans y étaient accrochés, formant la silhouette d'une colombe. C'était de loin la plus belle tenue que je n'avais jamais portée.
Je l'enfilai, mais n'arrivai pas à en attacher le dos. Je sonnai pour appeler la servante et attendis. Elle n'arriva pas. Comment allais-je faire pour fermer cette robe et me coiffer ?
Je décidai de laisser mes cheveux tomber sur mes épaules et me contentai d'attacher quelques mèches entre elles.
J'accrochai le chapeau sur ma tête, et soupirai. Je n'arrivai toujours pas à atteindre les lacets dans mon dos.
J'allais sonner une nouvelle fois quand on toqua à la porte.
— Enfin ! m'exclamai-je en l'ouvrant. Vite, je vais être en ret...
Je m'arrêtai net en voyant Adam sur le palier.
Il m'observa un moment de la tête au pied et je crus comprendre ce que l'on entendait par « des étoiles plein les yeux ».— Hum... oui, dit-il enfin comme s'il cherchait ses mots. Je venais justement vous chercher.
— C'est que... je ne suis pas prête, dis-je en ignorant la chaleur qui me montait aux joues.
— Vraiment ? Pourtant, vous êtes...
Il parut hésiter.
— Parfaite, termina-t-il dans un murmure.
Je baissai les yeux. C'était la première fois que je le voyais perdre ses moyens. Je sentis mon cœur palpiter en pensant que peut-être... peut-être me trouvait-il jolie. Je ris intérieurement. Sky... pensai-je. Il doit surtout être impressionné par la robe !
— Je... c'est à dire que j'attendais ma servante pour m'aider à.... à...
— À... ? dit-il d'un air moqueur.
Bon, il avait repris ses esprits, lui, au moins.
— Je n'arrive pas à nouer ma robe ! m'énervai-je.
— Oh, dit-il d'un air plus sérieux. Laissez-moi faire.
Il me prit par les bras et me retourna, pour que je sois dos à lui.
Je fis volte-face.
— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée.
— Vous avez raison. Allons-y, avec un peu de chance, personne ne verra que vous êtes dos nu.
Il partit et je le poursuivis aussitôt.
— Attendez ! dis-je en le rattrapant. D'accord, aidez-moi.
Je me tournai dos à lui et sentis soudain ses doigts frôler ma peau tandis qu'il prenait les lacets. Des millions de frissons me parcoururent à chaque fois que ses doigts touchèrent mon dos nu. Quand enfin il se recula, je relâchai ma respiration.
— Allons-y, murmura-t-il comme s'il avait lui aussi perdu son souffle.
Je me retournai, mais n'eus pas le temps de voir son visage. Il était déjà engagé dans les escaliers. Quand je le suivis, mon cœur battait si vite que j'eus peur qu'il ne lâche.
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Le Ciel dans tes Bras
Novela JuvenilComment expliquer le ciel à quelqu'un qui ne l'a jamais vu ? Lève les yeux. Oui, toi, lève les yeux. Regarde par la fenêtre. Que vois-tu ? Un ciel bleu, gris, noir ? De la pluie ? Des étoiles ? De la neige ? Que se passerait-il si il n'existait plus...