Réflexion

386 55 77
                                    

Alors que Thomas avait une respiration calme significative d'un sommeil relativement récent, Damien passait ses doigts dans ses boucles en observant son profil endormi.

Même s'il avait l'habitude que le bouclé ne se confie jamais, il en était légèrement chagriné et avait l'impression d'être un poids à cause de ses émotions souvent trop envahissantes.

Et il s'en voulait pour ça.

Enroulant une petite anglaise autour de son doigt il joua avec comme il le ferait avec un ressort, observant silencieusement chaque trait si connu, si fin...
Si fragile.

Damien avait la désagréable impression que le brun portait le poids du monde sur ses épaules, qui lui semblaient déjà trop frêles pour supporter ses propres sentiments.
Quand Thomas frissonna, il remonta la couverture sur ses bras, pliés contre son buste comme s'il gardait un trésor contre lui.

Le plus jeune esquissa un bref sourire en constatant que son ami s'était vraiment collé à lui pour profiter de sa chaleur, certainement inconsciemment.
Enfouissant son visage dans les boucles du plus petit, il se rallongea confortablement contre lui en enroulant à nouveau ses bras autour de sa taille, profitant de cette peluche taille humaine.

Ce fut avec cette odeur familière et rassurante qu'il s'endormit, n'apercevant pas le regard méfiant de Mouki au bout du matelas qui se rallongea à son tour.

...

"Faut qu'on parle."

Le carlin s'arrêta de manger un instant, une croquette collée à une de ses babines, relevant la tête vers Thomas qui l'observait, les bras croisés, appuyé contre le bord de son évier.

Damien était parti prendre l'air, ça faisait deux jours entiers qu'ils n'étaient pas sortis de l'appartement du bouclé, très voire trop petit pour supporter deux adultes.

"Je t'écoute.
- Pourquoi j'peux pas parler à Damien ?"

Mouki s'apprêta à faire une remarque sur le fait que bien sûr, le bouclé pouvait parler à son ami, mais ce dernier le coupa avant qu'il puisse dire quoi que ce soit.

"Et fais pas le chien, tu sais très bien de quoi je parle."

Le chien en question s'assit face à lui, délaissant les croquettes, pour l'observer de haut en bas.

"Si tu veux parler des sentiments amoureux que tu as pour lui, c'est à cause des émotions et de l'énergie vitale que tu recueilles auprès des personnes que tu sauves. En tant que Guerrier de l'amour, il est normal que tu commences à sentir des changements sur les sentiments que tu portes envers tes proches.
- Chuis amoureux de mon pote à cause de toi, enculé.
- Le lien qui vous liait à la base était déjà très fort, c'est normal qu'il se soit renforcé.
- Et pourquoi j'peux pas lui dire ?
- Je ne peux pas te laisser faire ça."

Énervé au possible, Thomas faillit frapper le carlin qui se réfugia derrière le canapé, apeuré.

"Réfléchis un peu ! S'il te repousse ton amour sera brisé, et tu ne pourras plus te battre !
- Mais putain, je voulais déjà pas me battre à la base !"

De toute façon, Thomas savait qu'il était hors de question de confier ce secret honteux à Damien.

Passant ses deux mains dans ses cheveux, les dégageant de son visage, le bouclé poussa un long soupir fatigué.

"Et il y a une nouvelle attaque."

Cette phrase, presque murmurée de façon tout de même audible, de Mouki, faillit provoquer une crise de nerfs au jeune homme qui n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche que le chien enchaîna.

"Et elle concerne ton ami."

Ce fut ces simples mots qui provoquèrent non pas une crise de nerfs, mais une crise de panique à Thomas, qui se rattrapa au bord de son petit frigo pour ne pas tomber à genoux, observant seulement la tête du carlin qui dépassait de sous le canapé et qui l'observait avec crainte.

Sans dire un mot, et après avoir calmé comme il pouvait sa respiration erratique, sans dire un mot, Thomas s'empara de Mouki par la peau du cou et se précipita à l'extérieur, dévalant les marches quatre à quatre.

Même si ses sentiments envers Damien avaient changés, jamais il ne pourrait le laisser.
Alors rien que le savoir concerné dans ses propres affaires, tellement dangereuses...

Il arriva tellement vite au lieu indiqué par Mouki qu'il se demanda si c'était bien ses petites jambes qui avaient couru si vite, et fut obligé d'agripper un lampadaire pour se stopper sans tomber.

Promenant ses yeux sur la rive, déserte à cette heure, de la Seine, il allait questionner le carlin sur l'origine de l'attaque quand ses orbes presque noires furent attirées par deux personnes, un peu à l'écart de son champ de vision, qui semblaient en pleine discussion.

Elles étaient à quelques mètres l'une de l'autre, de façon très théâtrale se surprit à penser Thomas, et il pouvait entendre quelques notes aiguës venant de la plus petite personne, à qui le long manteau flottait au vent glacial.

"... Qu'un égoïste !" Parvint seulement à entendre Thomas en se rapprochant légèrement, une boule au ventre.

Il avait un mauvais pressentiment.
Qui se confirma totalement en voyant Damien faire face à la personne à la voix aiguë, qu'il supposa être une femme.

Elle avait les cheveux longs, retenus en une queue de cheval haute, et portait un long manteau qui visiblement n'était pas à elle, bien trop grand.
De là où il était, le bouclé ne pouvait pas voir grand-chose, et voulait rester discret.

Il s'avança donc juste de quelques pas, caché par l'obscurité ambiante.

"... C'est encore à cause d'elle, hein ?!
- Pourquoi tu parles de lui au féminin ?
- Je suis sûre que c'est une fille ! Tu me mens depuis le début !
- Je t'ai jamais menti. Thomas est mon meilleur pote, c'est tout."

La boule au sein du ventre de Thomas grandissait, au fur et à mesure qu'il comprenait.

"Pourquoi tu me suis ? On est plus ensemble, casse-toi.
- Elle t'a manipulé pour que tu me quittes !" La voix de la jeune fille - car elle semblait très jeune - montait de plus en plus dans les aigus. "Cette salope te mérite pas ! Regarde-moi, tout ce que j'ai fait pour que tu sois avec moi !"

Au grand étonnement du bouclé son ami était d'un calme olympien, et s'était tourné pour être face au calme de l'eau, l'observant clapoter comme s'il ne se passait rien.

"C'est fini, Victoire. T'es juste une gamine, je peux pas m'attendre à ce que tu comprennes. Maintenant dégage et laisse-moi vivre, ok ?"

Le carlin contre Thomas s'agitait, et le jeune homme comprit pourquoi.

Victoire avait prit sa tête dans ses mains, le bouclé pouvait l'entendre sangloter d'ici, et pousser des cris à glacer le sang.
Damien, toujours face à la Seine, se retourna finalement dos à elle pour reprendre sa marche, les yeux dans le vide.

Thomas ravala difficilement sa salive.

Il allait se passer quelque chose.

Magical... Boy ? - TerrainkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant