chapitre 44

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Quelle ne fut notre surprise à moi et à daour lorsque la voiture s'arrêta à quelques mètres seulement d'une fastueuse cérémonie.

L'interrogation se lisait sur nos visages.
Qu'était-ce?
C'était la question qu'on se posait.

Monsieur gassama souriait discrètement en descendant de voiture suivi de mouhamadou moustapha puis de moi et daour.
Lorsque nous fûmes tous sur nos pieds, il pointa la fête du doigt puis dit à daour:

              -ceci est le "fanga mandinka". C'est une fête que j'organise chaque année en honneur à ma noble ethnie mandingo. Chaque année tout nos proches parents viennent assister à cette fête ainsi que la majeure partie de la population gambienne. On chante, on danse et on consomme sans limites. Içi, tout le monde, même ceux qui ne sont pas mandingo se sentent chez eux parce que tout le monde est comme tout le monde. Ceci est le regne mandinko. Vous, je vous ai fait venir içi car je ne suis pas sans savoir que vous êtes en Gambie pour moi et même si c'est pour une éventuelle collaboration, je tiens à ce que vous appréciez les bienfaits et richesses de notre culture ou devrais-je dire ma culture à l'état brut, sans artifices ni honneurs. Juste qui on veut être. Vous êtes içi chez vous monsieur gueye Camara si vous y consentez.

Daour sourit sincèrement montrant ainsi son approbation et on avança en groupe vers l'énorme ceremonie.
On arriva à leur niveau et comme si ce n'était pas lui qui organisait la fête, monsieur gassama se frayait difficilement un chemin entre toutes ces personnes.
Nous le suivions tant bien que mal et arrivâmes à un endroit où nous pouvions aisément avoir une vue parfaite sur tout ce qui se passait à l'interieur du cercle.
Il avait bien raison de dire que là bas tout le monde était comme tout le monde car personne ne semblait se rendre compte de sa présence et mis à part quelques salutations qui fusaient par ci par là, il n'y avait aucune réaction qui montrait une quelconque supériorité de sa part; aucune interruption momentanée de l'événement pour annoncer sa venue.
Rien.
Riches étaient comme pauvres.

Ce qui me frappa le plus c'était qu'il n'y avait ni chaises ni bâches, peut être quelques tables où étaient posés d'énormes bols pleins de nourriture que je ne connaissais pas, des centaines de bouteilles de boisson et des barils remplis de vins.

Je n'avais jamais vu cela.
Une fête tellement naturelle et pourtant si grandiose.
Vieux et jeunes, garçons et filles, nobles et pauvres, On était tous à l'air libre.
Rien ne laissait paraître qu'il y avait une personne plus noble que l'autre car là bas tout le monde était au même pied d'égalité.
Peut être que les quelques voiture de luxe garées un peu plus loin pouvaient témoigner de la présence de gens importants mais on ne saurait les distinguer parmi ces gens.
Nous aussi, on a vite fait de nous fondre dans la Masse.
Les paroles de monsieur gassama me revinrent en tête:" içi tout le monde est comme tout le monde. Sans artifices ni honneurs"

Chose qui ne m'était pas arrivée depuis bien longtemps, je me sentais bien.
Je me sentais libre et à l'aise.

Tous ceux qui étaient là bas formaient un énorme cercle à l'interieur duquel se trémoussait un groupe de danseurs dont le bas du corps était recouvert de plumes et les chevilles des pieds et des mains recouverts de bracelets en grande quantité. Ils courbaient légérement leurs bustes et tendaient les deux mains perpendiculairement à leurs corps tels des avions en bougeant la tête de gauche à droite puis se relevaient en choeur  la main posée sur la poitrine et les pieds martelant le sol à un rythme plus que vif. Le tintamarre que créait leur parure était en parfaite harmonie avec les calebasses que de vieilles femmes battaient assises par terre et la chanson des gens du cercle.
Oh cette chanson! C'était une chanson vraiment magnifique. Une chanson en une langue que j'ignorais mais qui me sembla néanmoins tellement belle que j'en restais bouche-bée.
Tantôt calme et doucereuse telle nos riviéres africaines coulant profondes et magiques, tantôt rythmée en profondeur comme le peuple plein de fougue que nous sommes, cette chanson était la parfaite illustration de la réalité africaine.

Je me sentais tout d'un coup fiére d'être là bas, fiére d'être qui j'étais, fiére d'assister moi-mème à cette redemption de ma propre personne, j'étais fiére d'être africaine.

Monsieur gassama se trémoussait aussi au rythme de la chanson et bientôt,  il fut rejoint par son fils.
J'en ecarquillais les yeux de surprise.
Mouhamadou moustapha qui ne nous avait presque jamais parlé dansait maintenant devant nous.
J'en aurais presque éclaté de rire.

J'étais vraiment étonnée et amusée.

Puis, je commençais aussi à me trémousser légèrement puis avec plus de fougue.
Je mettais dans ma danse toute la passion que j'aurais voulu mettre dans notre "sabar" sénégalais.
Plus je dansais plus je me sentais bien.
Seul daour restait stoïque en me regardant comme si j'étais vraiment la derniére des idiotes mais je n'en avais que faire de son opinion.
Ça ne serait sûrement pas lui qui m'aurait empêché de m'épanouir à cette fête.
J'essayais de copier les danseurs et y arrivais tant bien que mal.
Monsieur gassama s'exclama ravi à travers le bruit:
                - mais tu es une bonne danseuse ma fille!

Aussitôt, mouhamadou moustapha me prit par la main et me tira à l'interieur du cercle.
Ça ne me gênait nullement, bien au contraire.
J'ôtais mes chaussures et les jetais au hasard.

Nous dansions tous les deux ragaillardis par les danseurs qui nous entouraient en battant des mains poussant ainsi toute l'assemblée à battre des mains aussi.

J'étais éssouflée mais parfaitement comblée.
Monsieur gassama nous rejoignit puis d'autres et encore dautres.
En fin de compte l'interieur du cercle était pratiquement plein et la poussiére aveuglait tout le monde.

Un peu plus tard, en allant manger, on était tous aux anges sauf daour qui gardait un sourire crispé mais personne ne s'en soucia encore moins moi.

On mangea dans des assiettes en bois et buva dans de petits gobelets en bois aussi.

            - ce n'est pas fini, il reste le "coubalan".
Nous dit monsieur gassama.

            - qu'est ce que c'est monsieur?

                  - c'est une danse traditionnelle diola que j'organise en l'honneur de ma défunte épouse, la mére de mouhamadou moustapha, qui était diola. C'est une maniére de rendre hommage à la digne femme qu'elle était.

J'ignorais en quoi consistait cette danse mais je souriais déjà de toute mes dents.

Ce fut une danse aussi rythmée que la précédente, menée cette fois-ci par des vieilles femmes trés souples pour leur âge puis cela se termina encore par un cercle plein à craquer.

Quelle merveille cette fête.

Elle a été riche et en même temps, elle m'avait permis de me rapprocher de mouhamadou moustapha et en fin de compte on devint des amis inseparables.

Chose que, comme vous pouvez l'imaginer, daour n'accepta pas encore une fois.

Sombre Réalité (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant