Bénédicte salua la gardienne de son HLM de verre, de béton et d'acier. Les habitations empilées formaient comme de grands sabliers. La trentenaire, après avoir passé la loge de la gardienne, qui faisait aussi douanière, électricienne et informaticienne, entra dans l'ascenseur qui avait détecté sa puce implantée, servant à prouver qu'elle résidait là. Avec cette puce, elle prouvait à tous les détecteurs qu'elle était bien une citoyenne de Fellouis. Comme la quasi-totalité des gens de Centrale, elle n'avait presque jamais quitté sa ville, à l'exception de quelques vacances et voyages professionnels.
L'ascenseur monta jusqu'au soixante-deuxième étage, sur quatre-vingt-quatre. Sans compter les étages souterrains, pour les personnes les moins aisées. En comptant ces étages, la petite tour pouvait loger cent vingt familles. Avec accès à l'eau courante, l'électricité, Internet, et tout ce qui y était lié.
Arrivée à son étage dédié –les habitations faisaient un étage traversé en son centre par l'ascenseur silencieux- la trentenaire tapa son code pour entrer. Elle fit ensuite analyser son empreinte digitale et son ADN. Cette procédure bien ancrée dans les mœurs était une survivance de temps bien plus troublés, remontant à six ou sept décennies. En plus de ces sécurités standards, elle avait fait installer un détecteur de métaux et de mouvements analysant sa démarche, et l'emplacement de ses diverses prothèses. Enfin, une intelligence artificielle analysait les réactions de ses animaux de compagnie, pour obtenir une ultime confirmation de l'identité de la personne entrante.
Bénédicte possédait deux perroquets, trois lapins nains, un cobaye... et, sa plus jeune bête, Îg'na. Sa fierté, qui lui avait coûté très cher. C'était une panthère nébuleuse, créée en laboratoire. Ses gènes avaient été modifiés pour en faire le parfait animal de compagnie, défaisant totalement la majeure partie de ses réflexes et instincts prédateurs. C'était sur Îg'na que se basait l'IA. Le système digestif de la panthère avait aussi été modifié en profondeur. Boire de l'eau lui suffisait. Parfois, Bénédicte versait quelques compléments alimentaires pour récompenser sa chouchoute, son bébé.
Après tout, elle l'avait vu à l'état d'extraits d'ADN, au fond d'une éprouvette, puis avait suivi tout le processus qui menait au magnifique félin qui lui faisait désormais la fête, comme à chaque fois qu'elle revenait des courses. Le cobaye apparut également, piaillant de toutes ses forces pour recevoir ses radis et son persil. Les lapins rappliquèrent bien vite, se faisant remarquer au mieux. Les perroquets furent les retardataires.
La femme gloussa quand Îg'na posa ses deux grosses pattes dégriffées sur son épaule et le milieu de sa poitrine, glissant sa large tête carrée sous son menton tout en ronronnant. Elle lâcha ses sacs plastiques, et fit des papouilles à sa grosse peluche.
« Qui c'est la plus belle ? minauda-t-elle. Qui c'est la plus belle ? Hein ? Hein ? C'est Îg'na ? Mais oui mais oui !
Sa panthère se roula de bonheur, éloignant les quatre rongeurs des sacs. L'un des lapins et le cobaye ne tardèrent pas à revenir ronger les cabas, pendant que les autres recommençaient à réclamer à manger. Bénédicte chouchouta encore longuement sa jeune panthère de deux ans, avant de sauver ses sacs. Elle remplit les gamelles de ses animaux, joua un peu avec ses perroquets, caressa ses rongeurs, puis vida la litière où tous venaient se soulager. Ce qu'elle trouvait bien pratique. Tous les jours, elle suivait le même rituel. Après, elle allait se doucher. Se perdant dans sa routine, elle se fit chauffer de l'eau, et y versa sa nourriture lyophilisée. Elle y ajouta pour changer son quotidien des arômes de fraise, chantilly et chocolat.
L'agriculture ne suffisait plus, depuis fort longtemps, à nourrir l'humanité. Aussi divers laboratoires synthétisaient-ils les nutriments nécessaires à la bonne santé générale. Les produits les plus abordables financièrement se présentaient sous forme de poudre fade ou immonde selon la méthode de synthèse employée. Les exhausteurs de goût, eux, se vendaient régulièrement en promotion. Certains particuliers s'amusaient même à créer de nouvelles saveurs pour égayer les repas.
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Parc'o'zombi
FantasyTout, sur le continent de Centrale, est ultra-sécurisé. Ça fait partie de la norme. Un millénaire plus tôt, un roi avait décidé que le continent se fermerait au reste du monde. Les peuples étrangers à ce continent respectèrent cette décision. Cette...