Elle se noie.
Elle se noie dans ses rêves.
Elle se noie dans ses cauchemars.
Elle se noie dans ses pensées.
Elle sombre, se débat, essaie d'atteindre la surface.
Elle sort la tête de l'eau.
L'air coule dans ses poumons pareil a du plomb.
Elle ferme les yeux.
Elle se sent couler, sombrer dans des profondeurs abyssales, toujours plus bas, toujours plus vite.
Ses yeux s'ouvrent. Elle est en nage.
Elle sent les draps trempés sous elle.
Un cauchemar.
Elle se relève.
Ses cheveux collent à sa peau.
Elle quitte son lit.
Perdue.
Navire sans capitaine.
Sa respiration reflète les tempêtes qui la parcourent.
Pas à pas, elle s'approche de la baie vitrée.
A ses pieds s'étend la ville, immensité étincelante.
Dans les rues qui s'étendent, tentaculaires, des hommes, des femmes.
Ils arrivent par vagues.
Avancent, sans s'arrêter, isolés dans la foule.
Autant de gouttes d'eau dans l'océan.
Ce lent ressac imperturbable la calme, sa respiration s'apaise.
La nuit est calme.
Si calme.
Au loin, elle aperçoit, immense albatros, un avion se poser sur les pistes de l'aéroport.
Plus près les automobiles se pressent dans la grande avenue, banc de poissons aux éclats chatoyants.
D'en bas lui provient les bruits atténués de la ville : doux murmures des voitures, piaillement des klaxons.
Et le vent, le vent qui souffle entre les falaises de fer et de métal.
Fort.
Impétueux.
Tout cela lui évoque, par bribes, un lointain passé.
Un lointain passé depuis longtemps oublié.
Mais elle a ouvert les yeux.
Et désormais le passé est enterré.
Elle se détourne de ce spectacle.
Elle entre dans la salle de bain, son pendentif en forme d'ancre fermement serré dans son poing fermé.
Elle ouvre l'eau.
La baignoire se remplie.
Elle se déshabille.
Il ne lui reste que la fine chaîne argenté de son collier.
Elle observe l'eau qui se déverse.
La baignoire est remplie.
L'eau miroite à la lumière des néons, se pare de reflets ondulants.
Quelques instants encore et l'eau se referme autour de son corps, carcan soyeux et délicat.
Elle plonge la tête sous l'eau.
Ses cheveux dansent dans le courant.
Son pendentif scintille de milles éclats.
L'ancre l'entraine.
Bas, toujours plus bas.
Loin, toujours plus loin.
Elle se noie.
Elle se noie dans ses rêves.
Elle se noie dans ses pensées.
Elle sombre, se laisse glisser dans des profondeurs toujours plus sombres.
Pour la première fois depuis longtemps, un sourire timide illumine son visage enfin détendu.
L'ancre l'entraine. Bas, toujours plus bas. Vite, toujours plus vite.
Mais plus elle sombre,
plus elle respire.
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Océan
De TodoUn texte poétique... une mise en abîme entre rêve et réalité, quelques fragments d'une vie... jeune... trop jeune...