Les enfants de mame nogaye ont eut beau essayer de me retenir mais rien n'y fit.
Je dégageais une force qui m'étonnais.Je ne voulais plus rien.
Je voulais juste partir rejoindre ma mére et ma grand-mére.Je criais
Je pleurais
Je suppliais.Tant d'attente, tant de sacrifices et de risques pour venir trouver cela à la fin.
Tant d'espoir pour finir détruite à la fin.
Qu'allais-je faire maintenant?
Avec qui serai-je?
Devrai-je encore vivre avec daour qui abusera de moi comme bon lui semblera?Cette amertume avait fait ressortir tout ce que je voulais enfouir et en ce moment-là, seul le chagrin me faisait agir.
J'en voulais au monde entier.J'en voulais à tous ces voisins curieux qui étaient voir ce qui se passait chez mame nogaye.
J'en voulais à tous.La nuit aidant, l'écho de mes cris devait sûrement raisonner trés loin vu le monde qui venait.
Mais je n'en avais que faire.
Je voulais juste que celui qui tenait mes deux mains les laisse pour que j'aille me jeter dans un puit.
Les souvenirs de grand-mére m'assaillaient tels des coups de lame.
Je me débattais avec force.
De toute ma vie, je n'avais jamais eu aussi mal même quand daour abusait de moi.
Ce que je ressentais était plus qu'une douleur.
C'était comme une épée qui déchirait mes entrailles.La nuit passa ainsi, agitée.
Personne dans cette maison n'avait fermé l'oeil jusqu'au petit matin car tous voulait me surveiller pour que je ne fasse pas une gaffe.Au petit matin j'étais un peu calmée.
Les larmes avaient bouffi mes yeux.
Mes cheveux étaient ébouriffés et mon visage terne.Je pleurais toujours mais en silence maintenant.
Recroquevillée sur le lit défait de mame nogaye.J'avais perdu toute notion du temps.
Je sentis quelqu'un s'asseoir à côté de moi sur le lit.
- tu dois manger quelque chose maintenant.
C'était la voix de mame nogaye.
Je n'y fis même pas attention.
Elle posa sa main sur mon épaule et me dit:
- ta grand-mére n'aurait jamais voulu te voir comme ça.
J'essuyais rapidement mes larmes d'un revers de la main.
- elle n'aurait jamais voulu me voir comme ça et pourtant elle s'est laissée mourir.
Mame nogaye soupira.
- Dieu seul sait pourquoi elle a fait ça ma fille. Ne la juge jamais. Mais toi, tu dois être forte. Elle m'avait faite une commission pour toi avant de mourir mais je ne te la dirai pas tant que tu ne mangeras pas.
Je n'en pouvais vraiment plus.
J'avais mal. Je ne voulais pas manger mais j'avais besoin de connaître les dernieres volontés de grand-mére.Je me levais aprés plusieurs suppliques de la part de mame, pris un bain, changeais de vêtements et pris quelques bouchées du petit déjeuner aprés avoir refusé en vain.
J'avais la tête lourde et douloureuse par manque de sommeil et par excès d'émotions.
Après le petit déjeuner, mame nogaye me trouva encore recroquevillée sur le lit en larmes et elle me dit:
- djougual nak niou waxtane yaboyam. ( léves toi qu'on discute ma chérie).
Je fis un effort et me levai.
- mariane yow tamit nitt danguay gueum yalla. ( mariane toi aussi tu dois être bonne croyante). Je sais que tu n'avais que ta grand-mére mais maintenant elle n'est plus là et ce ne sont sûrement pas tes larmes qui la raméneront. Tu dois tâcher d'être assez forte pour accomplir sa derniére volonté.
Fompal ma ronguogn yi Guaw nak. ( essuies moi vite ses larmes).J'acquiescais et essuyais mes larmes.
- waw kay ni leuh kay. ( c'est comme ça qu'il faut faire). Ta grand-mére m'avait faite appelé quelques jours avant son décés pour me dire qu'elle savait qu'un jour tu reviendrais. Elle ne connaissait pas le moment mais elle était convaincue que tu reviendrais içi. Donc, elle m'avait demandé de te dire, à ton arrivée, que tu devras aller à diourbel, à sambé son village natal, tu demanderas aprés son grand frêre nommé abdou faye, il est très connu là bas. Tu resteras chez lui. Elle m'a demandé de te dire qu'il n'y a que là bas que tu seras en sécurité.
J'écoutais attentivement.
- à l'heure qu'il est, ton pére doit déja savoir que tu es à Dakar donc repose toi un peu puis tu prendras bien vite la route pour sambé avant qu'il ne vienne te chercher. M'entends tu?
- oui mame.- waw kay yaboyam. ( trés bien ma chérie). Repose toi un peu.
Je me recouchais docile et réfléchis à tout ce que mame m'avait dit.
Je ne connaissais pas nos parents du village.
Je n'avais jamais entendu parler d'eux mais si grand-mére avait demandé à ce que j'y aille c'est que c'était ce qu'il y'avait de mieux pour moi.
Et en plus, je devais le dire, je préférais dix mille fois le village que d'être avec daour.Je ne sus plus combien de temps j'avais dormi mais lorsque je me reveillais, il devait être entre les trois heures ou quatre heures de l'aprés midi.
Mame nogaye m'apprêta autant que possible.
Vu que j'avais décidé de ne point m'encombrer encore une fois de ma valise, j'y ai pris quelques vêtements et mon carnet de secrets que j'ai mis dans un sachet et j'ai laissé le reste à mame en lui promettant de revenir le chercher un jour.Elle m'a remise de l'argent que j'ai refusé car la somme que m'avait donné moustapha était toujours là presque intacte mais elle a tellement insisté que je l'ai pris.
Je saluais et remerciais tout le monde dans la maison tout en m'excusant du désagrément que j'avais causé la nuit derniére.En sortant devant la maison avec mon sachet, je ne voulus pas regarder en direction de la porte de la demeure de grand-mére mariane.
Mame nogaye m'a ensuite accompagné afin que je prenne un taxi et lorsque ce fut le cas nous nous séparâmes au bord de la route aprés que je lui eus remercié de toutes mes forces et de tout mon coeur.
Le taxi me déposa sur la route nationale que j'avais quitté la nuit derniére seulement.
Jamais je n'aurais crut que j'y reviendrais aussi tôt.
Encore la nuit derniére, sur cette route, je sautais presque de joie et aujourd'hui sur cette même route j'avais envie de pleurer encore et encore.Je soufflais un bon coup et me dirigeais vers les cars en partance pour diourbel.
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Sombre Réalité (Terminé)
Non-FictionMariane,jeune fille sénégalaise de seize ans,orpheline de mére a 1 mois,issue d'une famille riche (enfin c'est uniquement son pére qui l'est) voit sa vie virer au cauchemard lorsque ce dernier, dans une sorte de perte de mémoire inexplicable, s'év...