Grains de sable

Je marchais sous le soleil brûlant depuis de longues heures. J'avais de plus en plus de difficulté à mettre un pied devant l'autre. Je pouvais sentir de la sueur me couler sur la nuque, malgré mes cheveux plutôt courts, mais le pire demeurait ma gorge sèche où semblait s'enfoncer mille aiguilles lorsque je respirais.

J'avais terminé depuis un bon moment la bouteille d'eau que Najib, le mignon guide touristique, m'avait donnée lors de la balade à dos de dromadaires.

Comment avais-je réussi à perdre le groupe avec lequel j'étais venue ? Je ne m'étais écartée des autres touristes que quelques secondes ... quelques minutes, ou peut-être un peu plus longtemps. J'avais aperçu un petit lézard qui bougeait dans le sable, comme s'il nageait, en projetant des grains un peu partout.

Je n'avais absolument pas pu m'empêcher de vouloir le photographier pour faire verdir de jalousie mes amies restées au pays.

Quelle idiote !

Le vent s'était occupé d'effacer toutes traces que j'aurais pu suivre sur le sable, me laissant seule dans le désert d'Arabie Saoudite. J'étais au beau milieu de nulle part, bien loin de mon chez moi ... peut-être que c'était moi qui était jalouse maintenant. J'aurais voulu retourner en arrière et ne pas commettre une faute aussi stupide que de m'écarter de mon groupe.

Je m'essuyai le front avec ma manche de chemise, le soleil tapait fort. Une odeur florale vint m'effleurer le nez. Pourtant je ne portais pas le moindre parfum afin de ne pas attirer les moustiques. Curieusement, j'avais une sensation de déjà vu ... cela ressemblait beaucoup au parfum de ma mère. Il était si perceptible qu'elle aurait dû se trouver là, juste à mes côtés. Je secouai la tête, mes cheveux collaient à mon front, ma mère ne pouvait pas être dans le désert !

Je voyais aussi depuis tantôt une silhouette humaine qui s'agitait juste à la limite de mon champ de vision. Je voulais l'approcher, mais elle disparaissait dès que je m'avançais ou encore elle se transformait en un banal tas de roches.

Je voyais constamment une étendue d'eau ondulante à l'horizon, bien que je sois certaine qu'il n'y avait aucune oasis dans le coin d'après ce qu'avait affirmé Najib. Des bruits de frottements ou des murmures diffus s'élevaient de plus en plus souvent à mes côtés. Je sursautais à chaque fois. J'avais l'impression de devenir folle, car il n'y avait rien qui pouvait produire ces bruits.

J'avais mal à la tête, le soleil la transperçait, ma vision restait bizarrement troublée. Les dunes ondulaient comme des serpents ivres et j'avais la sensation enivrante que mon ombre s'étirait plus loin encore que l'horizon, très loin dans l'immensité du désert.

Je décidai finalement de retirer ma chemise et me cachai le crâne des rayons inquisiteurs de l'astre brûlant. Je n'étais plus vêtue que d'un pauvre soutien-gorge, mais ce n'était pas comme si quelqu'un allait me voir dans cet immense désert et peut-être mes idées seraient moins confuses grâce à cette protection, aussi mince soit-elle.

Mes bras me brûlaient, couverts de coups de soleil depuis un bon moment. Je me sentais nauséeuse et déglutir me faisait parcourir la gorge de douleurs terribles. J'avais l'impression que la chape de chaleur m'oppressait la poitrine, m'empêchant de respirer. J'avais tellement soif et j'étais si seule ... condamnée à une mort atroce sous le soleil.

Il ne servait plus à grand-chose de continuer à marcher pour empirer mon pénible état, je pourrais tout simplement m'arrêter. Je pourrais me coucher et attendre en imaginant ma mère à mes côtés ... Ce ne serait pas très difficile grâce à son odeur rassurante qui me suivait toujours.

Je serrai les dents et chassai ces pensées défaitistes de ma tête en me convainquant de marcher encore un peu, au moins jusqu'à cet arbuste tout rabougris devant moi. Chacun des pas que je faisais semblait me prendre une éternité.