Chapitre 4

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Je n'ai pas encore parlé de l'école, il me semble... En vérité, je préfère éviter le sujet. J'adore apprendre des choses, ce n'est pas le problème. Le truc c'est que je suis muette et que ça ne plaît pas à mes profs. Ils ne comprennent pas que si je ne suis pas capable de parler, je ne pourrais pas leur répondre, du moins à haute voix. Ils doivent être attardés je ne sais de quelle manière, parce qu'à moi, ça me semble très clair. Ca ne me plaît pas non plus de ne pas pouvoir parler, ça m'handicape bien plus que ça ne les embête pour me noter sur ma participation, vous pouvez en être sûr. Sauf qu'ils ne le comprennent pas non plus, ils semblent penser que je suis muette uniquement pendant leurs cours et qu'une fois rentrée chez moi je papote pendant des heures.
- Belle ! Si tu ne pars pas maintenant, tu vas arriver en retard, hurle ma mère depuis la cuisine
Je soupire, attrape mon sac et longe le couloir. Arrivée à la cuisine, j'embrasse ma mère sur la joue et serre mon père dans mes bras. Ils me regardent avec ce regard que je déteste, comme s'ils avaient pitié de moi. J'ai assez pitié de moi-même comme ça, merci. Je leur lance un sourire rassurant et claque la porte d'entrée derrière moi. Enfin seule. Je sors mon téléphone et lance la musique. Le soleil éclaire déjà la ville, éclairant les vieux bâtiments d'une lueur orangée. C'est ce qui me fait aimer ma journée : être seule, à admirer le jour se lever. J'inspire un bon coup, m'imprégnant de la sensation qui s'étend dans mon estomac. L'adrénaline. L'adrénaline de penser que je pourrais partir là, maintenant, avec juste mon sac de cours sur le dos, sans prévenir personne. J'aimerais. Mais je ne le ferais jamais.

Je monte dans le bus en traînant des pieds. Je serais bien restée seule plus longtemps, mais comme toujours, la réalité m'a rattrapée trop vite. Je ne demande que de la liberté, mais c'est bien plus dur à avoir qu'il ne le semble. Je m'assois à ma place habituelle, ma musique toujours à fond dans les oreilles. Je secoue la tête en rythme, tentant d'oublier les autres débiles qui m'entourent. Ne prenez pas mal le mot « débiles », c'est une façon de parler. Du coin de l'oeil, j'aperçois Beck grimper les marches du bus en sautillant, un sourire glossé aux lèvres. Elle salue le conducteur qui lui répond et vient vers moi. Elle approche son visage du mien – il faut dire qu'on manque un peu de place dans ces foutus bus – et me dit :
- J'ai fini ta robe ! J'ai trop hâte que tu la vois ! Tu vas être magnifique, dedans, tu vas voir !
Je souris vaguement, le cerveau embué. Beck ne semble pas le voir, trop occupée à parler des robes.
- Au départ, je voulais qu'on soit assorties, mais je pense que j'ai fais le bon choix, tu sais. Et le bleu roi aurait un peu juré avec ta carnation, tu es tellement pâle !
Je dodeline de la tête, et Beck se rend enfin compte qu'elle a recommencé à parler du bal.
- Oh, Belle, je ne peux pas m'en empêcher !
Elle glousse quand son téléphone se met à vibrer. Elle ouvre le message et me lance un regard avant de le lire. Je lui ai envoyé « Tu ne peux surtout pas t'empêcher de t'imaginer embrasser Michael Polner »
- C'est faux ! Je t'ai déjà dis que se sera un bal entre amies, il n'a rien à voir là-dedans.
Son téléphone vibre de nouveaux quelques secondes plus tard. « Je te parie 20$ qu'il t'aura embrassée avant la fin de la soirée. ». Beck se tourne vers moi, un sourcil levé.
- Pari tenu.

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