SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la Rébellion

PROLOGUE - Néo [1|1]

La douleur était insupportable. Je sentais mon cœur marteler ma poitrine à nouveau. L'air envahissait mes poumons et j'avais la sensation de sortir d'une longue nuit sans rêves. Ma perception du toucher paraissait complètement chamboulée et j'avais le sentiment de suffoquer avec cet air qui affluait de toute part. L'oppression créée par ces ressentis me donnait de violents vertiges.

Était-ce là des traumatismes d'une époque révolue, la triste réalité ou des résultats imaginaires d'un esprit bouleversé ?

Aucun de mes sens ne semblait pouvoir m'aider : je ne voyais rien, je n'entendais rien et je ne sentais rien. Une sorte de torpeur m'envahit. J'avais l'impression que l'on m'avait privé de tout : de ma vue, de mon ouïe, de mon odorat et même de mon toucher. J'étais aveugle, sourd et muet. Prisonnier de mon corps en somme.

Je forçai sur ma mémoire pour retrouver des souvenirs. Je voyais en eux des repères inestimables. Qu'avait-il bien pu se passer ? Le silence dans lequel j'étais plongé m'évoqua quelques brèves réminiscences des événements d'hier. Celle notamment de cet effroyable duel de regard entre les miens, les soldats qui nous étaient tombés dessus et Segger lui-même. Ce statu quo qui avait fini par dégénérer par ma faute.

Je me rappelais comment les choses avaient mal tourné, comment Lise semblait avoir perdu tout contrôle sur ses capacités, comment Zoé avait combattu ses peurs en face à face, comment Loan avait joué de son pouvoir pour mieux surprendre l'ennemi, comment Aldo avait affronté ses opposants sans jamais ciller une seule fois. Je me remémorais Rex dans mon dos qui préparait une attaque que je savais puissante. J'étais capable de reconstituer dans mon esprit chacun de mes mouvements, chacun de mes gestes, chacune de mes anticipations. Mais je me souvenais de... rien de plus.

C'était un trou noir que rien ne semblait pouvoir chasser...

Soudain, je perçus une odeur âcre m'envahir les narines. C'était une senteur familière, je ne sus toutefois dire laquelle. Je tentai une énième fois d'ouvrir les yeux : la lumière blanche m'obligea à les refermer aussitôt. Je ne vis pas cela comme un échec, mais comme une petite victoire : j'étais en train de recouvrer mes sens, peu à peu.

Je laissai s'écouler les secondes et ressayai. La luminosité était dérangeante, mais je ne baissai pas les bras et analysai les lieux. La salle était blanche du sol au plafond, pas la moindre fenêtre ni même le moindre meuble. Seule dans un coin se tenait une caméra, dont le voyant rouge clignotait encore. Je percevais loin en face de moi la découpe d'une porte qui semblait se dissimuler dans le mur.

Je pivotai sur moi-même, les jambes tremblantes. Je peinais à rester debout, comme si cela faisait bien trop longtemps que j'étais immobile. J'étais entouré d'une vitre en verre, opaque sur les côtés droit et gauche, et transparente devant moi. Derrière se trouvait la paroi d'un mur. Le sentiment de solitude me rattrapa tout à coup. Où étaient-ils tous ? Je savais que j'avais oublié quelque chose, une information importante qui semblait ne pas vouloir refaire surface dans ma mémoire. Comment cet affrontement avait-il bien pu se terminer ?

Si je me fiais à la caméra, à la blancheur de la pièce et au fait que j'étais enfermé derrière une vitre blindée, il n'y avait qu'une seule possibilité : Segger avait gagné ce combat. Certains souvenirs ressurgirent dans mon esprit, notamment les corps de Lise et Zoé qui flottaient dans le vide, en lévitation, enfermés dans des bulles qui semblaient les protéger. M'était-il arrivé la même chose ? La vérité me parut tout à coup évidente : nous étions tous tombés, un à un, impuissants face à Segger et ses troupes, mais aussi impuissants face à notre pouvoir qui avait pris le pas sur notre raison...

Je ne savais pas tout sur ce qu'il s'était passé, mais ce dont je pouvais être sûr à l'instant présent, en regardant l'unique calendrier accroché au mur, c'était que deux années s'étaient écoulées.

Deux ans depuis notre première bataille...