Avant-propos

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« Il faut entrer au monde par un duel. »

Ainsi conseillait Nietzsche reprenant Stendhal – Nietzsche, le dernier des philosophes et peut-être le seul, ô grand et puissant Dynamiteur ! Mais que serait un vrai duel dans un monde de littérature s'il ne consistait d'abord à s'opposer à ce qui fait le livre, c'est-à-dire à l'esprit même d'une époque ?

Il n'est de duel véritable et audacieux que celui qui place le belligérant dans la position de lutter seul contre tous.

Eh bien ! je serai cet homme, véridique et misanthrope ! Ici, je me battrai largement, ne craignant rien ni personne ! J'ai assez écrit, assez prouvé pour savoir ce dont je parle – le succès relatif où se situe cette publication ne me vaudra pas le reproche d'alimenter je ne sais quelle rancune avec de l'amertume ou de l'aigreur. Que m'importe, d'ailleurs, le succès public ! Ce qui me touche le plus aujourd'hui est ce que je m'attribue par mon propre jugement ; j'ai plus réussi et plus échoué dans ma vie que toutes les louanges ou que tous les blâmes qu'on m'ait jamais adressés.

Je dirai donc mon fait sans vergogne, j'exposerai ma vision de l'art : et mon fait et mon art, je les considère seuls vrais, absolus et légitimes. D'aucuns me taxeront d'orgueilleux : ils auront raison ; qu'ils sachent même que je m'enorgueillis de mon orgueil. D'autres me trouveront méchant, ne sachant où est le Bien ni le Mal : tant pis, c'est le prix à payer pour ne tenir qu'à la vérité. Les derniers enfin me croiront polémiste par plaisir des paradoxes : qu'ils sachent que je n'ai pas voulu ces « paradoxes », que je ne les sens pas, que je ne les crois présents que dans l'esprit des sots.

Je suis si inactuel, lecteur, que je me moque bien de tout cela !

Et tout d'abord, je veux te démontrer que généralement tu lis de mauvais ouvrages, que tu perds ton temps et que tu t'abêtis en te nourrissant d'une aliénante nourriture de troupeau.

Les véritables amateurs de littérature, les généreux et les esthètes, ceux qui lisent par Amour et par Art, sont les témoins à peu près impuissants de cette maladie contemporaine du livre. Ils existent sur Wattpad, rares mais actifs, et je sais qu'ils reconnaissent le mal qui y sévit aussi.

Mais à toi qui ne serais pas médecin, est-il raisonnable de proposer une explication de cette pathologie – un diagnostic ? J'ignore si le profane entendra même ce dont je veux parler, et je m'interroge encore si, après cela, tu te réveilleras de ton mal confortable, ou si tu te contenteras de bêler toujours et d'avaler de cette herbe appauvrie qu'on veut que tu dévores – comme les autres mornes et sinistres moutons sur la plaine désolée !

Pourquoi vous lisez de si mauvais livres [Disponible imprimé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant